Ce qui
enlève la paix, c’est quand on ne s’aime pas
Le
pape François a reçu 7.000 enfants d’écoles primaires provenant
de toute l’Italie, sous l'égide de la fondation italienne « La
Fabrique de la paix », dans la salle Paul VI du Vatican, ce 11
mai 2015. Il a répondu d’abondance de cœur aux questions qui lui
ont été posées.
Chers
enfants, bonjour - et chers “non-enfants“, bonjour !
J’ai
entendu les questions que vous avez posées. Je vais parler à partir
de vos questions.
Chiara :
Je me dispute souvent avec ma
sœur. Mais toi, est-ce que tu t’es déjà disputé avec ta famille
?
C’est une
question réelle. Je suis tenté de poser cette question : Que lèvent
le doigt ceux qui ne se sont jamais disputés avec leur frère, ou
avec quelqu’un de leur famille, vraiment jamais !... Ça nous est
arrivé à tous ! Ça fait partie de la vie, parce que : Je veux
jouer à un jeu, l’autre veut jouer à un autre, et nous nous
disputons… Mais l’important, à la fin, c’est de faire la paix.
Oui, nous nous disputons ! Mais ne finissez pas la journée sans
faire la paix. Moi aussi, je me suis disputé souvent - et même
maintenant, je m’échauffe un peu… Mais je cherche toujours à
faire la paix. C’est humain de se tromper, mais l’important est
de ne pas en rester là, qu’après, il y ait la paix. Compris ?
Deuxième
: Je voudrais réciter une
poésie au pape. Le titre de la poésie est « La paix se construit
».
C’est
vrai, la paix se construit tous les jours. Cela ne veut pas dire
qu’il n’y aura pas de guerre. Nous pensons qu’un jour, il n’y
aura pas de guerre, et puis... Pour ne pas tomber dans une autre
guerre, la paix se construit tous les jours. La paix n’est pas un
produit industriel : la paix est un
produit artisanal. Elle se
construit tous les jours avec notre
travail,
avec notre vie,
avec notre amour,
avec notre proximité,
oui, avec notre amour. Compris ? La paix se construit tous les jours
!
Sainteté,
mais ça ne vous fatigue pas d’être au milieu de tant de gens ?
Vous ne voudriez pas un peu de paix ?
Souvent, je
voudrais un peu de tranquillité, me reposer un peu plus. C’est
vrai. Mais être avec les gens
n’enlève pas la paix. Oui, il y a
du vacarme, du bruit, ça bouge… Mais ça n’enlève pas la paix.
Ce qui enlève la paix, c’est quand on ne s’aime pas. C’est
cela qui enlève la paix ! Mais c’est beau d’être avec les gens,
ça n’enlève pas la paix ! Ça fatigue un peu, parce que je ne
suis pas tout jeune… Mais ça n’enlève pas la paix !
Quatrième
question, d’un enfant égyptien : Cher pape, nous, nous venons de
pays pauvres et avec des guerres. L’école nous aime, alors
pourquoi les personnes puissantes n’aident-elles pas l’école ?
Pourquoi les
personnes puissantes n’aident-elles pas l’école ? On peut poser
une question encore un peu plus grande : pourquoi tant de personnes
puissantes ne veulent-elles pas la
paix ? Parce
qu’elles vivent des guerres !
L’industrie des armes : c’est grave ! Les puissants, certains
puissants, y gagnent avec les usines des armes et ils vendent des
armes à ce pays qui est contre cet autre, et ensuite ils les vendent
à celui-là qui est contre celui-ci… C’est
l’industrie de la mort ! Et ils y
gagnent. Vous savez, la cupidité nous fait beaucoup de mal : l’envie
d’avoir plus,
plus,
plus d’argent.
Quand nous voyons que tout tourne autour de l’argent - le
système économique tourne autour
de l’argent et pas
autour de la personne, de
l’homme, de
la femme, mais de
l’argent - on sacrifie beaucoup et
on fait la guerre pour défendre
l’argent. Et c’est pour ça que
tant de gens ne veulent pas la paix. On
gagne plus avec la
guerre. On gagne de
l’argent, mais on
perd des vies, on perd la
culture, on perd l’éducation,
on perd beaucoup de choses. C’est pour ça qu’on ne la veut pas.
Un vieux prêtre que j’ai connu il y a longtemps disait cela : le
diable entre par le portefeuille. Par la cupidité. C’est pour ça
qu’ils ne veulent pas la paix !
Rafael : Y a-t-il une raison pour laquelle un enfant, sans rien faire de
mal, peut venir au monde, naître, avec les problèmes que j’ai eus
? Que suggérez-vous que je fasse pour que les enfants comme moi ne
souffrent pas ?
Cette
question est une des plus difficiles auxquelles répondre. Il n’y a
pas de réponse ! Il y a eu un grand écrivain russe, Dostoievski,
qui a posé la même question : Pourquoi les enfants souffrent-ils ?
On peut seulement lever les yeux vers le ciel, et attendre des
réponses qui n’existent pas. Il n’y a pas de réponse à cela,
Rafael. En revanche, il y en a, oui, pour la seconde partie. « Que
puis-je faire pour qu’un enfant ne souffre pas ou souffre moins ?
» : Être proche de lui.
La société doit chercher à avoir des centres de soin, de guérison,
des centres aussi de soins palliatifs pour que les enfants ne
souffrent pas. Elle doit développer l’éducation des enfants qui
ont des maladies. Il y a beaucoup à faire. Je n’aime pas dire, par
exemple, qu’un enfant est handicapé. Non ! Cet
enfant a une capacité
différente, une capacité
différente ! Il
n’est pas handicapé ! Nous avons
tous des capacités, tous ! Tout le
monde a la capacité
de nous donner quelque chose, de
faire quelque chose. Je n’ai pas répondu à la première question,
mais à la seconde, oui.
Cher
pape, y a-t-il une possibilité de pardon pour ceux qui ont fait du
mal ?
Écoutez
bien ceci : Dieu pardonne tout !
Compris ? C’est nous qui ne savons pas pardonner. C’est nous qui
ne trouvons pas de voies pour le pardon, souvent par incapacité ou
parce que - cette petite fille qui a posé cette question a son papa
en prison - c’est plus facile
de remplir les prisons
que d’aider ceux qui ont fait des
erreurs dans la vie à avancer.
La voie la plus facile ? Aller en prison, et il n’y a pas de
pardon ! Le pardon, qu’est-ce que cela signifie ? Tu es tombé
? Relève-toi ! Je vais t’aider à te relever, à te réinsérer
dans la société. Il y a toujours le pardon et nous devons apprendre
à pardonner - mais de cette manière : en aidant celui qui a fait
une erreur à se réinsérer.
Il y a une
belle chanson que chantent les chasseurs alpins. Ils disent plus ou
moins ceci : Dans l’art de la montée, la
victoire ne consiste pas à ne pas
tomber, mais à ne pas rester par
terre ! Nous tombons
tous, nous faisons tous des erreurs.
Mais notre victoire sur nous-mêmes et sur les autres - pour
nous-mêmes -, c’est de ne pas
rester “par terre“ et d’aider
les autres à ne pas rester “par
terre“. C’est un travail très
difficile, parce que c’est plus facile de rejeter de la société
une personne qui a fait une erreur grave, et de la condamner à mort
en l’enfermant à perpétuité… Le travail doit toujours être de
réinsérer, de ne pas rester par terre.
Voici
une belle question : « Et si une personne ne veut pas faire la paix
avec toi, qu’est-ce que tu ferais ? »
Avant tout,
le respect pour la liberté de la personne. Si cette personne ne veut
pas parler avec moi, ne veut pas faire la paix avec moi, si elle a à
l’intérieur d’elle-même, je ne dis pas de la haine, mais un
sentiment contre moi… Respecter ! Prier,
mais jamais, ne jamais se venger.
Le respect. Tu ne veux pas faire la paix avec moi ? J’ai fait
tout mon possible pour la faire, mais je respecte ton choix. Nous
devons apprendre le respect. Dans le
travail artisanal qui consiste à faire la paix, le respect pour les
personnes est toujours, toujours à la première place. Compris ? Le
respect !
Et un
garçon détenu à Casal del Marmo pose cette question : « Pour les
jeunes comme moi, la réponse, c’est souvent la prison. Êtes-vous
d’accord ? »
Non, je
ne suis pas d’accord. Je redis ce
que j’ai dit : c’est aider à te relever, à te réinsérer, par
l’éducation, par l’amour, par la proximité. Mais la solution de
la prison est la plus commode pour oublier ceux qui souffrent ! Je
vous donne un conseil : quand on vous dit qu’un tel est en prison,
ou que quelqu’un d’autre est en prison, dites-vous à
vous-mêmes : « Moi aussi je peux faire les mêmes bêtises que
lui ». Nous pouvons tous faire les pires bêtises ! Ne jamais
condamner. Toujours aider à se
relever et à se réinsérer dans la
société.
…
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