9 février 2019

Du Pape François


Heureux !


La parole avec laquelle Jésus commence sa prédication dans l’Evangile de Matthieu, c’est « Heureux », et c’est le refrain qu’il répète aujourd’hui, comme s’il voulait fixer dans notre cœur, avant tout, un message de base : Si tu es avec Jésus, si comme les disciples d’alors, tu aimes écouter sa parole, si tu cherches à la vivre chaque jour, tu es heureux.
Non pas : Tu seras heureux, mais tu es heureux, voilà la première réalité de la vie chrétienne. Elle ne se présente pas comme une liste de prescriptions extérieures à accomplir, ou comme un ensemble complexe de doctrines à connaître. Ce n’est surtout pas cela : c’est nous savoir, en Jésus, enfants aimés du Père. C’est vivre la joie de cette béatitude, c’est entendre la vie comme une histoire d’amour, l’histoire de l’amour fidèle de Dieu qui ne nous abandonne jamais, et veut être en communion avec nous toujours.
Voici le motif de notre joie, d’une joie que personne au monde et qu’aucune circonstance de la vie ne peuvent nous enlever. C’est une joie qui donne de la paix même dans la souffrance, une joie qui déjà nous donne un avant-goût de ce bonheur qui nous attend pour toujours. Chers frères et sœurs, dans la joie de vous rencontrer, c’est la parole que je suis venu vous dire : « Heureux ! »
Maintenant, si Jésus dit heureux ses disciples, les motifs de chacune des béatitudes frappent toutefois. En elles nous voyons un renversement de la pensée courante selon laquelle sont heureux les riches, les puissants, ceux qui ont du succès et sont acclamés par les foules. Pour Jésus, heureux sont les pauvres, les doux, ceux qui restent justes même au prix de faire triste figure, les persécutés.
Qui a raison, Jésus ou le monde ? Pour comprendre, regardons comment a vécu Jésus : pauvre de choses et riche d’amour, il a guéri tant de vies, et il n’a pas épargné la sienne. Il est venu pour servir, non pour être servi. Il nous a enseigné que celui qui est grand, ce n’est pas celui qui a, mais celui qui donne. Juste et doux, il n’a pas opposé de résistance et il s’est laissé condamner injustement.
De cette façon, Jésus a porté dans le monde l’amour de Dieu. C’est avec la force de l’amour divin qu’il a vaincu la mort, le péché, la peur - et la mondanité elle-même. Les béatitudes sont alors un plan de vie : elles ne demandent pas des actions surhumaines, mais d’imiter Jésus dans la vie de tous les jours. Elles invitent à veiller à la pureté de notre cœur, à pratiquer la douceur et la justice malgré tout, à être miséricordieux avec tous, à vivre l’affliction en étant unis à Dieu.
C’est la sainteté du vivre-au-quotidien, qui n’a pas besoin de miracles et de signes extraordinaires. Les béatitudes ne sont pas pour des super-hommes, mais pour qui affronte les défis et les épreuves de chaque jour. Celui qui les vit selon Jésus purifie le monde. Il est comme un arbre qui, même en terre aride, absorbe chaque jour de l’air pollué, et le restitue oxygéné. Je vous souhaite d’être ainsi, bien enracinés en Jésus, et prêts à faire du bien à quiconque vous approche.
Que vos communautés soient des oasis de paix, et que Jésus, qui vous appelle « heureux », vous donne la grâce d’aller toujours de l’avant sans vous décourager, en grandissant dans l’amour « entre vous et envers tous » (1 Th 3, 12).

Homélie du pape François à la communauté catholique des Emirats arabes unis,
à la messe célébrée au stade Zayed Sports City d’Abou Dhabi, ce 5 février 2019

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