L’Esprit
ne vient pas en apportant l’ordre du jour, il vient comme un feu
Dans
la Lecture de ce jour, tirée des Actes des Apôtres, la Parole de
Dieu raconte la première grande réunion de l’histoire de
l’Église. Il s’est produit une situation inattendue : les
païens viennent à la foi, et une question se pose :
Doivent-ils aussi se conformer, comme les autres, à toutes les
normes de la Loi ancienne ? C’était une décision difficile à
prendre et le Seigneur n’est plus présent. Pourquoi Jésus
n’a-t-il pas donné des règles toujours claires et irréfutables ?
Voilà
que survient la tentation de l’efficacité, de penser que l’Église
va bien si elle a tout sous son contrôle, si elle vit sans
secousses, avec un agenda toujours en ordre. Mais le Seigneur ne
procède pas ainsi : il n’envoie pas de réponse du ciel à
ses apôtres, il envoie l’Esprit Saint, et l’Esprit ne vient pas
en apportant l’ordre du jour, il vient comme un feu.
Jésus
ne veut pas que l’Église soit un modèle parfait, qui se satisfait
de son organisation et qui est capable de défendre sa bonne
réputation. Jésus n’a pas vécu ainsi, mais en cheminant, sans
craindre les secousses de la vie. L’Évangile est notre programme
de vie. Il nous enseigne qu’on n’aborde pas les questions avec
une recette toute prête et que la foi n’est pas une feuille de
route, mais un « chemin » à parcourir ensemble, toujours
ensemble, dans un esprit de confiance. À partir des Actes, nous
apprenons trois éléments essentiels pour l’Église en chemin :
l’humilité de l’écoute, le charisme d’être ensemble, et le
courage du renoncement.
Commençons
par la fin, le courage du renoncement. L’issue de cette grande
discussion n’a pas consisté à imposer quelque chose de nouveau,
mais à quitter quelque chose de vieux - et ces premiers chrétiens
n’ont pas abandonné des choses insignifiantes : il s’agissait
de traditions et de préceptes religieux importants, chers au peuple
élu, et c’est leur identité religieuse qui était en jeu.
Toutefois, ils ont choisi le fait que l’annonce du Seigneur passe
avant tout le reste.
Pour
le bien de la mission, pour annoncer à quiconque, de manière
transparente et crédible, que Dieu est amour, les convictions et les
traditions humaines qui sont un obstacle plutôt qu’une aide
peuvent et doivent aussi être laissées. Saint Pierre dit que le
Seigneur « a purifié les cœurs par la foi » (Ac 15,9) .
Dieu purifie, simplifie, et fait souvent grandir en enlevant, et non
pas en ajoutant comme nous le ferions nous-mêmes.
Pour
suivre le Seigneur, il faut marcher rapidement, et pour marcher
rapidement, il faut s’alléger, même si cela coûte. En tant
qu’Église, nous ne sommes pas appelés à des compromis
commerciaux, mais à des élans évangéliques. Et en nous purifiant,
en nous réformant, nous devons éviter de faire semblant de changer
quelque chose - pour qu’en réalité, rien ne change. Cela se
produit par exemple quand, pour chercher à marcher au rythme du
temps, on maquille un peu la superficie des choses, mais c’est
seulement un maquillage pour paraître jeune. Le Seigneur ne veut pas
d’ajustements cosmétiques, il veut la conversion du cœur, et elle
passe par le renoncement. Sortir de soi est la réforme fondamentale.
Nous
voyons comment les premiers chrétiens y sont parvenus. Ils sont
arrivés au courage du renoncement en partant de l’humilité de
l’écoute. Nous voyons que chacun laisse parler l’autre et est
disposé à changer ses propres convictions. Seul celui qui laisse la
voix de l’autre entrer vraiment en lui sait écouter. Et quand
grandit l’intérêt pour les autres, le désintérêt à l’égard
de soi augmente. On devient humble en suivant le chemin de l’écoute,
qui nous retient de vouloir nous affirmer, de mettre nos propres
idées résolument en avant, de rechercher des consensus à tout
prix. L’humilité naît quand on écoute au lieu de parler, quand
on cesse de se mettre au centre.
Pour
celui qui veut parcourir les voies de la charité, l’humilité et
l’écoute signifient tendre l’oreille aux petits. Regardons
encore les premiers chrétiens : ils se taisent tous pour
écouter Barnabé et Paul. Ce sont les derniers arrivés, mais on les
laisse rapporter tout ce que Dieu a accompli à travers eux. Il est
toujours important d’écouter la voix de tous, en particulier des
petits et des pauvres. Dans le monde, celui a davantage de moyens
parle davantage, mais entre nous, il ne peut en être ainsi parce que
Dieu aime se révéler à travers les petits et les pauvres, et à
chacun, il demande de ne regarder personne de haut en bas.
Et
Paul et Barnabé racontent des expériences, et non pas des idées :
l’Église fait son discernement non pas devant l’ordinateur, mais
devant la réalité des personnes. Les personnes avant les
programmes, avec le regard humble de celui qui sait chercher dans les
autres la présence de Dieu.
De
l’humilité de l’écoute au courage du renoncement, tout passe
par le charisme d’être “ensemble“. En effet, dans la
discussion de la première Église, l’unité prévaut toujours sur
les différences : pour chacun, il n’y a pas d’abord les
préférences et les stratégies personnelles, mais le fait d’être
et de se sentir l’Église de Jésus, rassemblée autour de Pierre,
dans la charité qui ne crée pas l’uniformité, mais la communion.
Personne ne savait tout, personne n’avait l’ensemble des
charismes, mais chacun tenait au charisme d’être ensemble. C’est
essentiel, parce qu’on ne peut pas vraiment faire le bien si l’on
ne s’aime pas en vrai.
Quel
était le secret de ces chrétiens ? Ils avaient des
sensibilités et des orientations différentes, et il y avait aussi
des personnalités fortes, mais ils avaient la force de s’aimer
dans le Seigneur. Nous le voyons chez Jacques qui, au moment de tirer
les conclusions, dit peu de paroles personnelles, et cite beaucoup la
Parole de Dieu : il laisse parler la Parole. Et tandis que les
voix du diable et du monde conduisent à la division, la voix du Bon
Pasteur rassemble un seul troupeau : fondée sur la Parole de
Dieu, la communauté demeure en son amour.
Homélie
du 23 mai 2019 pour Caritas internationale