27 août 2022

Du Pape François

 La foi se transmet dans la langue des mères

 

 

C’est une joie pour moi de me retrouver ici pèlerin avec vous et au milieu de vous. En ces jours, aujourd’hui particulièrement, j’ai été touché par le son des tambours qui m’ont accompagné partout où je suis allé. Ce battement des tambours semblait faire écho au battement de tant de cœurs : les cœurs qui, depuis des siècles, ont vibré au bord de ces eaux, les cœurs de tant de pèlerins qui ont battu ensemble, au rythme des pas pour rejoindre ce « lac de Dieu » !

Ici, il est vraiment possible de saisir le battement choral d’un peuple pèlerin, de générations qui se sont mises en chemin vers le Seigneur pour faire l’expérience de son œuvre de guérison. Combien de cœurs sont arrivés ici, anxieux et essoufflés, appesantis par les fardeaux de la vie, et ont trouvé près de ces eaux la consolation et la force pour aller de l’avant ! Ici aussi, immergé dans la création, se fait entendre un autre battement, le battement maternel de la terre. Et comme le battement des bébés, depuis le sein maternel, est en harmonie avec celui des mères, ainsi pour grandir en tant qu’êtres humains, nous avons besoin d’ajuster les rythmes de notre vie avec ceux de la création qui donne la vie. Retournons ainsi aujourd’hui à nos sources de vie : à Dieu, aux parents, et en ce jour et dans la maison de sainte Anne, aux grands-parents, que je salue très chaleureusement.

Portés par ces battements vitaux, nous sommes ici maintenant, en silence, et nous contemplons les eaux de ce lac. Cela nous aide à retourner aussi aux sources de la foi. Il nous permet en effet de pérégriner par l’imagination jusqu’aux lieux saints - d’imaginer Jésus qui a accompli une grande partie de son ministère sur les rives d’un lac, le Lac de Galilée. Là il a choisi et appelé ses Apôtres, il a proclamé les Béatitudes, il a raconté la plus grande partie de ses paraboles, il a accompli des signes et des guérisons.

À cette époque, ce lac était le cœur de la « Galilée des nations » (Mt 4, 15), une zone périphérique, de commerce, où affluaient de nombreuses populations, colorant la région de traditions et de cultes disparates. Il s’agissait du lieu le plus éloigné, géographiquement et culturellement, de la pureté religieuse, concentrée à Jérusalem, au Temple. Nous pouvons donc imaginer ce lac, appelé “mer de Galilée“, comme un condensé de différences : sur ses rives se rencontraient pêcheurs et publicains, centurions et esclaves, pharisiens et pauvres, hommes et femmes issus de milieux et de conditions sociaux les plus divers. Là précisément, précisément là, Jésus a prêché le Règne de Dieu : non pas à des personnes religieuses sélectionnées, mais à des populations diverses, qui affluaient de partout comme aujourd’hui, et il a prêché en les accueillant tous dans un théâtre naturel comme celui-ci.

Dieu a choisi ce contexte pour annoncer au monde quelque chose de radicalement neuf : « Tendez l’autre joue, aimez vos ennemis, vivez en frères pour être des enfants de Dieu, ce Père qui faire resplendir le soleil sur les bons comme sur les méchants et qui fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (cf. Mt 5, 38-48). Il en va de même pour ce lac, “métissé de diversités”, qui est devenu le siège d’une annonce de fraternité inédite, d’une révolution sans morts ni blessés, la révolution de l’amour. Ici, sur les rives de ce lac, le son des tambours qui traverse les siècles et unit des peuples divers, nous renvoie jusqu’à cette époque. Il nous rappelle que la fraternité est véritable si elle unit ceux qui sont éloignés, que le message d’unité que le Ciel envoie sur la terre ne craint pas les différences et nous invite à la communion, à la communion dans la différence, pour repartir ensemble parce que tous, nous sommes des pèlerins en marche.

Frères et sœurs, pèlerins de ces eaux, que pouvons-nous y puiser ? La Parole de Dieu nous aide à le découvrir. Le prophète Ézéchiel a répété à deux reprises que les eaux qui surgissent du Temple pour le peuple de Dieu, « donnent la vie » et « guérissent » (cf. Ez 47, 8-9).

Elles donnent la vie. Je pense aux grands-mères qui sont ici avec nous, si nombreuses ! Mes chères, vos cœurs sont les sources d’où a surgi l’eau vive de la foi avec laquelle vous avez désaltéré enfants et petits-enfants. Je suis frappé par le rôle vital des femmes au sein des communautés autochtones : elles occupent une place prépondérante en tant que sources bénies de vie, non seulement physique, mais aussi spirituelle. Et quand je pense à vos kokum, je repense aussi à ma grand-mère. J’ai reçu d’elle la première annonce de la foi, et j’ai appris que l’Évangile se transmet ainsi, par la tendresse du soin et la sagesse de la vie. La foi naît rarement en lisant un livre, seul dans un salon, mais elle se répand dans un climat familier, elle se transmet dans la langue des mères, par le doux chant en dialecte des grands-mères. Cela me réchauffe le cœur de voir ici tant de grands-parents et d’arrière-grands-parents. Merci ! Je vous remercie et voudrais dire à ceux qui ont des personnes âgées à la maison, en famille : Vous avez un trésor ! Vous gardez entre vos murs une source de vie, alors s’il vous plaît, prenez-en soin, comme de l’héritage le plus précieux à aimer et à préserver.

Le prophète disait que les eaux, en plus de donner la vie, guérissent. Cet aspect nous ramène sur les rives du lac de Galilée où Jésus « guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies » (Mc 1, 34). Là, « le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ». Ce soir, imaginons-nous au bord du lac avec Jésus, alors qu’Il s’approche, se penche et avec patience, compassion et tendresse, guérit de nombreux malades de corps et d’esprit - des possédés, des lépreux, des paralytiques, des aveugles, mais aussi des personnes accablées et découragées, perdues et blessées. Jésus est venu et vient encore pour prendre soin de nous, pour consoler et guérir notre humanité délaissée et épuisée. À tous, et y compris à nous, il adresse le même appel : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28). Ou, comme dans le passage que nous avons entendu ce soir : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive » (Jn 7, 37).

Frères et sœurs, nous avons tous besoin de la guérison de Jésus, médecin des âmes et des corps. Seigneur, tout comme les gens sur les rivages de la mer de Galilée n’avaient pas peur de crier vers toi leurs besoins, ainsi nous venons, Seigneur, ce soir vers toi avec la douleur intérieure que nous portons. Nous t’apportons nos aridités et nos peines, nous t’apportons les traumatismes des violences subies par nos frères et sœurs autochtones. En ce lieu béni où règnent l’harmonie et la paix, nous te présentons les disharmonies de notre histoire, la douleur inextinguible de tant de familles, de grands-parents et d’enfants. Seigneur, aide-nous à guérir de nos blessures. Nous savons que cela demande un effort, un soin et des faits concrets de notre part, mais nous savons aussi, Seigneur, que tout seuls, nous ne pouvons rien faire, alors nous nous confions à Toi.

 

Participation au pèlerinage au Lac Sainte Anne 26 juillet 2022

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