Une foi en mouvement : Madeleine Delbrêl, “Nous
autres gens des rues…“
Au nombre des témoins de la passion pour l'annonce de
l'Évangile, ces évangélisateurs passionnés, je présente aujourd'hui la figure
d'une femme française du XXe siècle, la vénérable servante de Dieu, Madeleine
Delbrêl.
Née en 1904 et décédée en 1964, elle a été assistante
sociale, écrivain et mystique, et elle a vécu pendant plus de trente ans dans
les banlieues pauvres et ouvrières de Paris. Éblouie par sa rencontre avec le
Seigneur, elle écrit : "Quand nous avons connu la parole de Dieu, nous
n'avons pas le droit de ne pas la recevoir. Quand nous l'avons reçue, nous
n'avons pas le droit de ne pas la laisser s'incarner en nous. Quand elle s'est
incarnée en nous, nous n'avons pas le droit de la garder pour nous, et dès lors,
nous appartenons à ceux qui l'attendent".
Après une adolescence vécue dans l'agnosticisme - elle
ne croyait en rien -, à vingt ans environ Madeleine rencontre le Seigneur,
frappée par le témoignage d'amis croyants. Elle se met alors à la recherche de
Dieu, laissant s’exprimer une soif profonde qu'elle ressentait en elle, et
comprend que le "vide qui criait dans son angoisse" c’était Dieu qui
la cherchait. La joie de la foi l'a conduite à mûrir un choix de vie
entièrement donnée à Dieu, au cœur de l'Église et au cœur du monde, partageant
simplement en fraternité la vie des "gens de la
rue". Poétiquement, elle s’adressait ainsi à Jésus : “Pour être
avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous
supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un
équilibre qui ne peut s'établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans
l'élan - un peu comme une bicyclette qui ne peut tenir debout sans rouler :
nous ne pouvons tenir debout qu'en avançant, en nous déplaçant, dans un élan de
charité“, et c'est ce qu'elle appelle la spiritualité de la bicyclette !
Ce n'est qu'en se mettant en route, en marchant, que nous vivons dans
l'équilibre de la foi - qui est un déséquilibre, mais c'est comme ça,
c’est comme la bicyclette : si tu t’arrêtes, elle ne tient pas !
Madeleine avait le cœur constamment en éveil et se
laissait interpeller par le cri des pauvres. Elle comprenait que le Dieu vivant
de l'Évangile devait brûler en nous jusqu'à ce que nous ayons porté son nom à
ceux qui ne l'ont pas encore trouvé. Dans cet esprit, tournée vers l'agitation
du monde et le cri des pauvres, Madeleine se sentait appelée à "vivre
entièrement et à la lettre l'amour de Jésus, depuis l'huile du Bon Samaritain
jusqu'au vinaigre du Calvaire, lui rendant ainsi amour pour amour afin qu'en
l'aimant sans réserve et en se laissant aimer jusqu'au bout, les deux grands
commandements de la charité s'incarnent en nous et n'en fassent plus
qu'un".
Madeleine Delbrêl nous enseigne enfin encore une chose
: qu’en évangélisant, on est évangélisés. Oui, en évangélisant, nous sommes
évangélisés. C'est pourquoi elle disait, en écho à saint Paul : "Malheur à
moi si l'évangélisation ne m'évangélise pas !" En évangélisant, on
s’évangélise soi-même, et c’est une belle doctrine.
En contemplant cette femme témoin de l’Évangile, nous
apprenons nous aussi que dans toute situation et circonstance personnelle ou
sociale de notre vie, le Seigneur est présent et nous appelle à habiter notre
temps, à partager la vie des autres, à nous mêler aux joies et aux tristesses
du monde. En particulier, elle nous enseigne que même les milieux sécularisés
peuvent aider pour la conversion parce que le contact avec les non-croyants
provoque le croyant à une révision continuelle de sa manière de croire, et à
redécouvrir la foi dans son essentialité.
Que Madeleine Delbrêl nous apprenne à vivre cette foi
“in moto” - en mouvement -, disons cette foi féconde qui fait de tout acte de
foi un acte de charité dans l'annonce de l'Évangile.
Audience du mercredi 8 novembre 2023
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