La
vocation : un regard de miséricorde s’est posé sur moi
Frères
et sœurs, je vous accueille avec joie au terme de votre congrès
organisé par la Congrégation pour le clergé.
Je
vous confesse que j’ai toujours un peu de crainte à employer
certaines expressions communes de notre langage ecclésial.
“Pastorale des vocations“ pourrait faire penser à l’un des
nombreux secteurs de l’action ecclésiale, à un service de la
curie, ou peut-être à l’élaboration d’un projet. Je ne dis pas
que ceci ne soit pas important, mais il y a beaucoup plus : la
pastorale vocationnelle
est une
rencontre avec le Seigneur !
Quand nous accueillons
le Christ,
nous vivons une
rencontre décisive,
qui met
la lumière dans notre existence,
nous sort
de l’étroitesse de notre petit monde
et nous fait devenir des disciples
amoureux du Maître.
Vous
n’avez pas choisi au hasard comme titre de votre congrès :
Miserando
atque eligendo,
la parole de Bède le Vénérable (cf.
Liturgie des Heures, 21 sept.
Vous savez - je l’ai dit d’autres fois - que j’ai
choisi cette devise
en faisant mémoire des années
de ma jeunesse
où j’ai
senti fortement l’appel du Seigneur :
cela ne s’est pas produit à la suite d’une conférence ou pour
une belle théorie, mais pour avoir fait l’expérience
du regard miséricordieux de Jésus sur moi.
Cela s’est produit ainsi, je vous dis la vérité. Il est donc beau
que vous soyez venus ici, de nombreuses parties du monde, pour
réfléchir sur ce thème mais, s’il vous plaît, que
tout ne finisse pas avec un beau congrès !
La pastorale vocationnelle consiste à apprendre le style de Jésus,
qui passe
dans les lieux de la vie quotidienne,
s’arrête
sans hâte
et, regardant
ses frères avec miséricorde,
les conduit à la rencontre
avec Dieu le Père.
Les
évangélistes mettent souvent en évidence un détail de la mission
de Jésus : Il sort
sur les routes et se met en chemin (cf.
Lc 9,51),
« il parcourt villes et villages » (cf.
Lc 9,35)
et va
à la rencontre
des souffrances et des espérances du peuple. Il est « Dieu
avec nous »,
qui vit au milieu des maisons de ses enfants et ne craint pas de se
mêler à la foule de nos villes, devenant ferment de nouveauté là
où les gens luttent pour une vie différente. Même dans le cas de
la vocation de Matthieu, nous trouvons le même détail :
d’abord Jésus sort
de nouveau pour prêcher, puis il voit
Lévi assis au bureau de la douane et enfin il l’appelle
(cf.
Lc 5,27).
Nous pouvons nous arrêter sur ces trois verbes qui indiquent le
dynamisme de toute pastorale vocationnelle : sortir, voir et
appeler.
Avant
tout : sortir.
La pastorale vocationnelle a besoin d’une Église
en mouvement,
capable d’élargir ses propres frontières, les mesurant non
pas
sur l’étroitesse des calculs humains ni
sur la peur de se tromper, mais sur
la mesure large du Cœur miséricordieux de Dieu.
Nous devons apprendre à sortir de nos rigidités qui nous rendent
incapables de communiquer
la joie de l’Évangile,
des formules standardisées qui se montrent souvent anachroniques,
des analyses préconçues qui classent la vie des personnes dans des
schémas froids. Sortir de tout cela.
Je
le demande surtout aux
pasteurs de l’Église,
aux évêques et aux prêtres : vous êtes les principaux
responsables des vocations chrétiennes et sacerdotales et cette
tâche ne peut être reléguée à un service bureaucratique.
Vous aussi, vous avez vécu une
rencontre
qui a changé votre vie quand un
autre prêtre
- le curé, le confesseur, le directeur spirituel - vous a fait faire
l’expérience
de la beauté de l’amour de Dieu.
Et ainsi vous aussi : en sortant, en
écoutant les jeunes
- il faut de la patience ! - vous pouvez les aider à discerner
les mouvements de leur cœur
et à orienter
leurs pas.
Nous sommes appelés à être des pasteurs au milieu du peuple,
capables d’animer une pastorale
de la rencontre
et de dépenser
du temps pour accueillir et écouter
tout le monde, en
particulier les jeunes.
Deuxièmement :
voir.
Sortir, voir. Quand il passe sur les routes, Jésus s’arrête
et croise
le regard de l’autre,
sans
hâte.
C’est cela qui rend son appel attirant
et fascinant.
Aujourd’hui, malheureusement, la hâte et la rapidité des
stimulants auxquels nous sommes soumis ne laissent pas toujours
d’espace à ce silence
intérieur où résonne l’appel du Seigneur.
Parfois, nous pouvons courir ce risque même dans nos communautés :
les pasteurs et les agents pastoraux, pris par la hâte,
excessivement préoccupés par les choses à faire, risquent de
tomber dans un activisme d’organisation vide, sans réussir à
s’arrêter
pour rencontrer les personnes.
L’Évangile,
en revanche, nous fait voir que la
vocation commence
par un regard
de miséricorde qui s’est posé sur moi.
C’est ce terme, miserando,
qui exprime en même temps l’étreinte
des yeux et du cœur.
C’est ainsi que Jésus a regardé Matthieu. Finalement, ce
“publicain“ n’a pas senti sur lui un regard de mépris ou de
jugement, il s’est senti regardé
au dedans avec amour.
Jésus a défié les préjugés et les étiquettes des gens, il a
créé un espace ouvert, dans lequel Matthieu a pu revoir
sa propre vie
et commencer
un nouveau chemin.
C’est
ainsi que j’aime penser le style de la pastorale des vocations.
Et si vous me permettez, c’est comme ça que j’imagine le regard
de tous les pasteurs : attentif,
sans
hâte,
capable de s’arrêter
et de lire
en profondeur,
d’entrer dans la vie de l’autre sans jamais le faire se sentir
menacé ou jugé. C’est un regard, celui du pasteur, capable de
susciter le
bouleversement devant l’Évangile,
de réveiller
de la torpeur
où la culture de la consommation et de la superficialité nous
immerge, et de susciter
d’authentiques questions sur le bonheur,
surtout chez les jeunes. C’est un regard de discernement,
qui accompagne
les personnes,
sans mettre la main sur leur conscience ni prétendre contrôler la
grâce de Dieu. Enfin, c’est un regard attentif et vigilant et,
pour ceci, continuellement appelé à se purifier. Et quand il s’agit
des vocations sacerdotales et de l’entrée au séminaire, je vous
prie de faire le discernement dans la vérité, d’avoir un regard
avisé et prudent, sans légèreté ni superficialité. Je le dis en
particulier à mes frères évêques : vigilance et prudence !
L’Église et le monde ont besoin de prêtres
mûrs et équilibrés,
de pasteurs
intrépides et généreux,
capables de proximité,
d’écoute
et de miséricorde.
Sortir,
voir et, troisième action, appeler.
C’est le verbe typique de la vocation chrétienne. Jésus
ne fait pas de longs discours, il ne
remet pas de programme auquel adhérer,
ne fait pas de prosélytisme et n’offre pas de réponses
pré-emballées. En s’adressant à Matthieu, il se limite à dire :
« Suis-moi ! ».
Ainsi, il suscite en lui la fascination de découvrir un nouveau but,
ouvrant
sa vie vers un “lieu“
qui va au-delà
du petit banc où il était assis.
Le désir de Jésus est de mettre les personnes en chemin, de les
secouer d’une sédentarité létale, de rompre l’illusion que
l’on peut vivre heureux en restant confortablement assis entre ses
propres sécurités.
Ce
désir de recherche, qui habite souvent les plus jeunes, est le
trésor que le Seigneur met dans nos mains et que nous devons
soigner, cultiver et faire germer. Regardons Jésus qui passe le long
des rives de l’existence, recueillant le désir de celui qui
cherche, la déception d’une nuit de pêche qui s’est mal passée,
la soif ardente d’une femme qui va au puits puiser de l’eau, ou
le besoin fort de changer de vie. Ainsi, nous aussi, au lieu de
réduire la foi à un livre de recettes ou à un ensemble de normes à
observer, nous pouvons aider les jeunes à se poser les bonnes
questions, à se mettre en chemin et à découvrir la
joie de l’Évangile.
Aux
évêques et aux prêtres, surtout, je voudrais dire :
persévérez à vous faire proches,
dans la
proximité
- cette synkatabasis
du
Père et du Fils avec nous
-, persévérez à sortir, à semer la Parole, avec un regard de
miséricorde. La pastorale des vocations est confiée à votre action
pastorale, à votre discernement et à votre prière. N’ayez
pas peur
d’annoncer l’Évangile, de rencontrer, d’orienter la vie des
jeunes. Et ne
soyez pas timides
pour leur proposer la voie de la vie sacerdotale, montrant avant tout
par votre
joyeux témoignage
qu’il est beau de suivre le Seigneur et de lui donner sa vie pour
toujours. Et comme fondement de cette œuvre, souvenez-vous toujours
de vous
confier au Seigneur,
implorant de lui de nouveaux ouvriers pour sa moisson et soutenant
les initiatives de prière en soutien des vocations. C’est une
mission urgente que le Seigneur nous demande d’accomplir avec
générosité.
Je
vous assure de ma prière ; et vous, s’il vous plaît,
n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.
Discours
du pape François pour la clôture du congrès international sur la
pastorale des vocations ayant pour thème la devise du
pape Miserando
atque eligendo, 21
octobre 2016
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.