15 octobre 2016

Du Pape François


Œuvrer comme instruments de communion toujours et partout


Le prophète Ézéchiel, avec une image éloquente, décrit Dieu comme un pasteur qui rassemble ses brebis dispersées. Elles s’étaient séparées les unes des autres, « un jour de nuages et de sombres nuées » (Éz 34, 12). Le Seigneur semble, ce soir, nous adresser, à travers le prophète, un double message. En premier lieu un message d’unité : Dieu, en tant que pasteur, veut l’unité dans son peuple et désire que surtout les pasteurs se dépensent pour cela. En second lieu, le motif des divisions du troupeau nous est indiqué : les jours de nuages et de sombres nuées, nous avons perdu de vue le frère qui était à côté de nous, nous sommes devenus incapables de nous reconnaître et de nous réjouir de nos dons respectifs et de la grâce reçue. Ceci s’est produit parce que se sont condensés, autour de nous, les nuages de l’incompréhension et du soupçon et, au-dessus de nous, les sombres nuées des dissensions et des controverses, qui se sont souvent formées pour des raisons historiques et culturelles, et non pour des motifs théologiques.
Mais nous avons la solide certitude que Dieu aime demeurer parmi nous, son troupeau et son précieux trésor. Il est un pasteur infatigable, qui continue d’agir (cf. Jn 5,17), nous exhortant à cheminer vers une plus grande unité, qui ne peut être atteinte qu’avec l’aide de sa grâce. C’est pourquoi nous restons confiants, parce qu’en nous, qui sommes pourtant de fragiles vases d’argile (cf. 2 Cor 4,7), Dieu aime reverser sa grâce. Il est convaincu que nous pouvons passer des nuages à la lumière, de la dispersion à l’unité, du manque à la plénitude.
C’est un grand appel, celui d’œuvrer comme instruments de communion toujours et partout. Cela signifie promouvoir en même temps l’unité de la famille chrétienne et l’unité de la famille humaine. Les deux domaines non seulement ne s’opposent pas mais s’enrichissent mutuellement. Quand, en tant que disciples de Jésus, nous offrons notre service de manière conjointe, les uns à côté des autres, quand nous encourageons l’ouverture et la rencontre, en étant vainqueurs de la tentation des fermetures et des isolements, nous œuvrons en même temps en faveur de l’unité des chrétiens et en faveur de la famille humaine. Nous nous reconnaissons ainsi comme frères qui appartiennent à des traditions différentes, mais poussés par le même Évangile à entreprendre la même mission dans le monde.
Il s’agit toujours et avant tout de suivre l’exemple du Seigneur, sa méthodologie pastorale, que le prophète Ézéchiel nous rappelle : aller à la recherche de la brebis perdue, reconduire celle qui est perdue dans l’enclos, panser celle qui est blessée, soigner celle qui est malade (cf. v.16). C’est seulement ainsi que l’on rassemble le peuple dispersé.
Je voudrais me référer à notre chemin commun à la suite du Christ bon Pasteur, en partant de la crosse de saint Grégoire le Grand, qui a choisi et envoyé saint Augustin de Canterbury et ses moines aux peuples anglo-saxons, inaugurant une grande page de l’évangélisation - qui est notre histoire commune et qui nous lie de manière indissoluble.
Au centre de la partie recourbée de la crosse est représenté l’Agneau ressuscité. Ainsi, tout en nous rappelant la volonté du Seigneur de rassembler le troupeau et d’aller à la recherche de la brebis perdue, la crosse semble nous indiquer aussi le contenu central de l’annonce : l’amour de Dieu en Jésus crucifié et ressuscité, Agneau immolé et vivant. C’est l’amour qui a pénétré l’obscurité de la tombe scellée et qui a ouvert grand les portes à la lumière de la vie éternelle. L’amour de l’Agneau victorieux sur le péché et sur la mort est le véritable message novateur à apporter ensemble à ceux qui sont perdus aujourd’hui et à ceux qui n’ont pas encore la joie de connaître le visage de compassion et l’étreinte miséricordieuse du bon Pasteur. Notre ministère consiste à éclairer les ténèbres avec cette douce lumière, avec la force désarmée de l’amour, vainqueur du péché et qui surmonte la mort. Nous avons la joie de reconnaître et de célébrer ensemble le cœur de la foi. Recentrons-nous sur lui, sans nous laisser distraire par ce qui, en nous donnant envie de suivre l’esprit du monde, voudrait nous détourner de la fraîcheur originelle de l’Évangile. De là jaillit notre responsabilité commune, l’unique mission de servir le Seigneur et l’humanité.
Certains auteurs ont aussi souligné que les crosses, à l’autre bout, ont souvent une pointe. On peut ainsi penser que la crosse ne rappelle pas seulement l’appel à conduire et à rassembler les brebis au nom du Crucifié ressuscité, mais aussi à éperonner celles qui ont tendance à rester trop proches et fermées, pour les exhorter à sortir. La mission des pasteurs est d’aider le troupeau qui leur est confié pour qu’il sorte, qu’il soit en mouvement pour annoncer la joie de l’Évangile, et non pas renfermé dans des cercles restreints, dans des « microclimats » ecclésiaux qui nous ramèneraient aux jours de nuages et de sombres nuées.
Ensemble, demandons à Dieu la grâce d’imiter l’esprit et l’exemple des grands missionnaires, à travers lesquels l’Esprit Saint a revitalisé l’Église - qui se ranime lorsqu’elle sort d’elle-même pour vivre et annoncer l’Évangile sur les routes du monde. Prions ensemble pour que le Seigneur nous accorde que de là jaillisse un élan renouvelé de communion et de mission.

Célébration œcuménique avec l’archevêque anglican de Cantorbéry, Justin Welby,
le 5 octobre 2016 à Rome


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