Œuvrer comme
instruments de communion toujours et partout
Le prophète
Ézéchiel, avec une image éloquente, décrit Dieu comme un pasteur
qui rassemble ses brebis dispersées. Elles s’étaient séparées
les unes des autres, « un jour de nuages et de sombres nuées »
(Éz 34, 12). Le Seigneur semble, ce soir, nous adresser, à travers
le prophète, un double message. En premier lieu un message d’unité :
Dieu, en tant que pasteur, veut l’unité dans son peuple et désire
que surtout les pasteurs se dépensent pour cela. En second lieu, le
motif des divisions du troupeau nous est indiqué : les jours de
nuages et de sombres nuées, nous avons perdu de vue le frère qui
était à côté de nous, nous sommes devenus incapables de nous
reconnaître et de nous réjouir de nos dons respectifs et de la
grâce reçue. Ceci s’est produit parce que se sont condensés,
autour de nous, les nuages de l’incompréhension et du soupçon et,
au-dessus de nous, les sombres nuées des dissensions et des
controverses, qui se sont souvent formées pour des raisons
historiques et culturelles, et non pour des motifs théologiques.
Mais nous avons la
solide certitude que Dieu aime demeurer parmi nous, son troupeau et
son précieux trésor. Il est un pasteur infatigable, qui continue
d’agir (cf. Jn 5,17), nous exhortant à cheminer vers une plus
grande unité, qui ne peut être atteinte qu’avec l’aide de sa
grâce. C’est pourquoi nous restons confiants, parce qu’en nous,
qui sommes pourtant de fragiles vases d’argile (cf. 2 Cor 4,7),
Dieu aime reverser sa grâce. Il est convaincu que nous pouvons
passer des nuages à la lumière, de la dispersion à l’unité, du
manque à la plénitude.
C’est
un grand appel, celui d’œuvrer
comme instruments de communion toujours et partout.
Cela signifie promouvoir en même temps l’unité de la famille
chrétienne et l’unité de la famille humaine. Les deux domaines
non seulement ne s’opposent pas mais s’enrichissent mutuellement.
Quand, en tant que disciples de Jésus, nous offrons notre service de
manière conjointe, les uns à côté des autres, quand nous
encourageons l’ouverture et la rencontre, en étant vainqueurs de
la tentation des fermetures et des isolements, nous œuvrons en même
temps en faveur de l’unité des chrétiens et en faveur de la
famille humaine. Nous nous reconnaissons ainsi comme frères qui
appartiennent à des traditions différentes, mais poussés par le
même Évangile à entreprendre la même mission dans le monde.
Il s’agit toujours
et avant tout de suivre l’exemple du Seigneur, sa méthodologie
pastorale, que le prophète Ézéchiel nous rappelle : aller à
la recherche de la brebis perdue, reconduire celle qui est perdue
dans l’enclos, panser celle qui est blessée, soigner celle qui est
malade (cf. v.16). C’est seulement ainsi que l’on rassemble le
peuple dispersé.
Je voudrais
me référer à notre chemin commun à la suite du Christ bon
Pasteur, en partant de la crosse de saint Grégoire le Grand, qui a
choisi et envoyé saint Augustin de Canterbury et ses moines aux
peuples anglo-saxons, inaugurant une grande page de l’évangélisation
- qui est notre histoire commune et qui nous lie de manière
indissoluble.
Au centre de la
partie recourbée de la crosse est représenté l’Agneau
ressuscité. Ainsi, tout en nous rappelant la volonté du Seigneur de
rassembler le troupeau et d’aller à la recherche de la brebis
perdue, la crosse semble nous indiquer aussi le contenu central de
l’annonce : l’amour de Dieu en Jésus crucifié et
ressuscité, Agneau immolé et vivant. C’est l’amour qui a
pénétré l’obscurité de la tombe scellée et qui a ouvert grand
les portes à la lumière de la vie éternelle. L’amour de l’Agneau
victorieux sur le péché et sur la mort est le véritable message
novateur à apporter ensemble à ceux qui sont perdus aujourd’hui
et à ceux qui n’ont pas encore la joie de connaître le visage de
compassion et l’étreinte miséricordieuse du bon Pasteur. Notre
ministère consiste à éclairer les ténèbres avec cette douce
lumière, avec la force désarmée de l’amour, vainqueur du péché
et qui surmonte la mort. Nous avons la joie de reconnaître et de
célébrer ensemble le cœur de la foi. Recentrons-nous sur lui, sans
nous laisser distraire par ce qui, en nous donnant envie de suivre
l’esprit du monde, voudrait nous détourner de la fraîcheur
originelle de l’Évangile. De là jaillit notre responsabilité
commune, l’unique mission de servir le Seigneur et l’humanité.
Certains
auteurs ont aussi souligné que les crosses, à l’autre bout, ont
souvent une pointe. On peut ainsi penser que la crosse ne rappelle
pas seulement l’appel à conduire et à rassembler les brebis au
nom du Crucifié ressuscité, mais aussi à éperonner celles qui ont
tendance à rester trop proches et fermées, pour les exhorter à
sortir. La mission des pasteurs est d’aider le troupeau qui leur
est confié pour qu’il sorte, qu’il soit en mouvement pour
annoncer la joie de l’Évangile, et non pas renfermé dans des
cercles restreints, dans des « microclimats » ecclésiaux
qui nous ramèneraient aux jours de nuages et de sombres nuées.
Ensemble,
demandons à Dieu la grâce d’imiter l’esprit et l’exemple des
grands missionnaires, à travers lesquels l’Esprit Saint a
revitalisé l’Église - qui se ranime lorsqu’elle sort
d’elle-même pour vivre et annoncer l’Évangile sur les routes du
monde. Prions ensemble pour que le Seigneur nous accorde que de là
jaillisse un élan renouvelé de communion et de mission.
Célébration œcuménique
avec l’archevêque anglican de Cantorbéry, Justin Welby,
le 5 octobre 2016 à Rome
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