Le
problème ? Devenir un sel qui n’a plus la saveur de
l’Évangile
Les
chrétiens sont un petit nombre dans ce pays, mais cette réalité
n’est pas, à mes yeux, un problème, même si elle peut parfois
s’avérer difficile à vivre pour certains. Votre situation me
rappelle la question de Jésus : « À quoi le règne de Dieu est-il
comparable ? À quoi vais-je le comparer ? Il est comparable au
levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine,
jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. » (Lc 13,
18.21).
En
paraphrasant les paroles du Seigneur nous pourrions nous demander: à
quoi est comparable un chrétien sur ces terres ? A quoi puis-je le
comparer ? Il est comparable à un peu de levain que la mère Église
veut mélanger à une grande quantité de farine, jusqu’à ce que
toute la pâte ait levé. En effet, Jésus ne nous a pas choisis et
envoyés pour que nous devenions les plus nombreux. Il nous a appelés
pour une mission. Il nous a mis dans la société comme une petite
quantité de levain - le levain des béatitudes et de l’amour
fraternel par lequel, comme chrétiens, nous pouvons rendre présent
son Règne. Ici me vient à l’esprit le conseil que saint François
a donné à ses frères quand il les a envoyés : “Allez, et
prêchez l’Évangile - et si c’est nécessaire, aussi avec les
paroles“.
Cela
signifie, chers amis, que notre mission de baptisés, de prêtres, de
consacrés, n’est pas déterminée particulièrement par notre
nombre, ou par l’espace que nous occupons, mais par la capacité
que nous avons de produire et de susciter changement, étonnement et
compassion ; par la manière dont nous vivons comme disciples de
Jésus, au milieu de celles et ceux dont nous partageons le
quotidien, les joies, les peines, les souffrances et les espoirs (cf.
Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 1).
Autrement
dit, les chemins de la mission ne passent pas par le prosélytisme.
Je vous le redis, ils ne passent pas par le prosélytisme !
Rappelons-nous Benoît XVI : “L’Église ne s’accroît pas par
prosélytisme, mais par attraction, par le témoignage“. Non, les
chemins de la mission ne passent pas par le prosélytisme, qui
conduit toujours à une impasse, mais par notre manière d’être
avec Jésus et avec les autres. Le problème n’est donc pas d’être
peu nombreux, mais de devenir insignifiants, de devenir un sel qui
n’a plus la saveur de l’Évangile ou une lumière qui n’éclaire
plus rien (cf. Mt 5,13-15). C’est ça le problème
!
La
situation nous paraît alarmante quand nous chrétiens, nous sommes
harcelés par la pensée de pouvoir être signifiants seulement si
nous sommes une masse, et si nous occupons tous les espaces. Mais
vous savez bien que la vie se joue avec la capacité que nous avons
de “lever“ là où nous sommes semés, et avec qui nous nous
trouvons, même si apparemment, ça n’apporte pas d’avantages
tangibles ou immédiats (cf. Exhort. apost. Evangelii
gaudium, n. 210). Être chrétien, ce n’est pas adhérer à une
doctrine, ni à un lieu de culte, ni à un groupe ethnique. Être
chrétien c’est une rencontre, une rencontre avec Jésus-Christ.
Nous sommes chrétiens parce que nous avons été aimés et
rencontrés, et non pas parce que nous sommes des fruits du
prosélytisme. Être chrétien, c’est se savoir pardonné, se
savoir invité à agir de la manière dont Dieu a agi avec nous
puisque « à ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples
: si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13, 35).
Rencontre
avec les prêtres et les consacrés à la cathédrale de Rabat 31
mars 2019