9 octobre 2021

Du Pape François

 Elle recueille nos larmes et nous console


Dans le Temple de Jérusalem, les bras de Marie se tendent vers ceux du vieux Siméon, qui peut accueillir Jésus et le reconnaître comme le Messie envoyé pour le salut d’Israël. Dans cette scène, nous contemplons Marie : elle est la Mère qui nous donne son Fils Jésus, c’est pourquoi nous l’aimons et la vénérons. A la lumière de l’Évangile que nous avons écouté, nous pouvons regarder Marie comme un modèle de foi, et nous reconnaissons trois caractéristiques de la foi : la route, la prophétie, et la compassion.

Avant tout, la foi de Marie est une foi qui se met en route. La jeune fille de Nazareth, à peine reçue l’annonce de l’Ange, « se mit en route vers la région montagneuse » (Lc 1, 39), pour aller visiter et aider Élisabeth, sa cousine. Elle a vécu le don reçu comme une mission à accomplir, elle a senti l’exigence d’ouvrir la porte et de sortir de la maison, elle a donné vie et corps à l’impatience avec laquelle Dieu veut atteindre tous les hommes pour les sauver par son amour, elle s’est mise en route. Toute sa vie sera une marche à la suite de son Fils : comme première disciple, jusqu’au Calvaire, au pied de la Croix, Marie marche toujours.

La foi de Marie est une foi prophétique. Par sa vie, la jeune fille de Nazareth est une prophétie de l’œuvre de Dieu dans l’histoire, de son action miséricordieuse qui renverse les logiques du monde en élevant les humbles et en abaissant les superbes (cf. Lc 1, 52). Représentante de tous les “pauvres de Yahwé” qui crient vers Dieu et attendent la venue du Messie, Marie est la Fille de Sion annoncée par les prophètes d’Israël (cf. So 3, 14-18). La Vierge concevra le “Dieu avec nous“, l’Emmanuel (cf. Is 7, 14). En tant que Vierge Immaculée, Marie est l’icône de notre vocation : comme elle, nous sommes appelés à être saints et immaculés dans l’amour (cf. Ep 1, 4) en devenant image du Christ.

La prophétie d’Israël culmine en Marie parce qu’elle porte dans ses entrailles la Parole de Dieu faite chair, Jésus qui réalise pleinement et définitivement le dessein de Dieu. Siméon dit à la Mère le concernant : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction » (Lc 2, 34).

N’oublions pas ceci : on ne peut pas réduire la foi au sucre qui adoucit la vie.  Jésus est un signe de contradiction : il est venu apporter la lumière là où il y a les ténèbres, en faisant sortir les ténèbres à découvert et les contraignant à se rendre - c’est pourquoi les ténèbres luttent toujours contre lui. 

Celui qui accueille le Christ et s’ouvre à lui ressuscite. Celui qui le refuse s’enferme dans l’obscurité et se détruit lui-même. Jésus a dit à ses disciples qu’il n’était pas venu apporter la paix, mais un glaive (cf. Mt 10,34) : en effet, sa Parole, comme un glaive à deux tranchants, entre dans notre vie et sépare la lumière des ténèbres en nous demandant de choisir. Il nous dit : Choisis ! Devant Jésus, on ne peut rester tiède et “jouer sur les deux tableaux”. Non ce n’est pas possible. L’accueillir signifie accepter qu’il dévoile mes contradictions, mes idoles, les suggestions du mal, et qu’il devienne pour moi la résurrection, celui qui toujours me relève, qui me prend par la main et me fait recommencer - il me relève toujours.

C’est vraiment de ces prophètes dont nous avons besoin aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’être hostile au monde, mais d’être des “signes de contradiction” dans le monde. Des chrétiens qui sachent montrer, par leur vie, la beauté de l’Évangile, qui soient des tisseurs de dialogue là où les positions se durcissent, qui fassent resplendir la vie fraternelle là où souvent, dans la société, on se divise et on est hostile, des chrétiens qui répandent le bon parfum de l’accueil et de la solidarité, là où prévalent souvent les égoïsmes personnels, les égoïsmes collectifs, et qui protègent et préservent la vie là où règnent des logiques de mort.

Enfin, Marie est la Mère de la compassion. Sa foi est compatissante. Celle qui s’est définie “la servante du Seigneur” et qui, avec une sollicitude maternelle, s’est préoccupée de ne pas faire manquer de vin aux noces de Cana, a partagé avec son Fils la mission du salut jusqu’au pied de la Croix. A ce moment-là, dans la douleur déchirante vécue au Calvaire, elle a compris la prophétie de Siméon : « Et toi, ton âme sera traversée d’un glaive » (Lc 2, 35). La souffrance du Fils mourant, qui prend sur lui les péchés et les souffrances de l’humanité, l’a transpercée elle aussi. Jésus déchiré dans sa chair, Homme des douleurs défiguré par le mal, et Marie, déchirée dans son âme, Mère compatissante qui recueille nos larmes et nous console en même temps en nous montrant dans le Christ la victoire définitive.

Et la Vierge des Douleurs, sous la croix, reste simplement là : elle est sous la croix - elle ne s’enfuit pas, ne tente pas de se sauver elle-même, elle n’utilise pas d’artifices humains ni d’anesthésiants spirituels pour échapper à la souffrance. C’est l’épreuve de la compassion : rester sous la croix, rester le visage baigné de larmes, mais avec la foi de celle qui sait qu’en son Fils, Dieu transforme la douleur et triomphe de la mort.

Nous aussi, en regardant la Vierge, Mère des Douleurs, nous nous ouvrons à une foi qui se fait compassion, qui devient partage de la vie avec ceux qui sont blessés, avec ceux qui souffrent et ceux qui sont obligés de porter de lourdes croix sur leurs épaules. Une foi qui ne demeure pas abstraite, mais qui entre dans la chair et nous rend solidaires de ceux qui sont dans le besoin. Cette foi ancrée en Dieu, humblement et sans clameurs, allège la douleur du monde et irrigue de salut les sillons de l’histoire.

Chers frères et sœurs, que le Seigneur vous garde toujours dans l’émerveillement, vous conserve la gratitude pour le don de la foi ! Et que la Vierge Marie très sainte vous obtienne la grâce que votre foi demeure toujours en marche, qu’elle ait le souffle de la prophétie et qu’elle soit une foi riche de compassion.


Messe au sanctuaire Notre Dame des douleurs de Sastin en Slovaquie 15 septembre 2021




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