12 mars 2022

Du Pape François

 Convertir l’arrogance du temps de l’horloge en la beauté des rythmes de la vie

 

 

Dans le récit biblique des généalogies des ancêtres, on est immédiatement frappé par leur énorme longévité : on parle de siècles ! Quand la vieillesse commence-t-elle alors ? On se demande. Et quelle est la signification du fait que ces patriarches vivent si longtemps après avoir engendré leurs enfants ? Pères et fils vivent ensemble, pendant des siècles ! Cette cadence séculaire du temps, racontée dans un style rituel, donne au rapport entre longévité et généalogie une signification symbolique forte.

C’est comme si la transmission de la vie humaine, si nouvelle dans l’univers créé, exigeait une initiation lente et prolongée. La vie nouvelle humaine, plongée dans la tension entre son origine « à l’image et à la ressemblance » de Dieu, et la fragilité de sa condition mortelle, représente une nouveauté à découvrir. Elle nécessite un long temps d’initiation, où le soutien mutuel entre les générations est indispensable afin de décrypter les expériences et d’affronter les énigmes de la vie. Pendant cette longue période, lentement se cultive aussi la qualité spirituelle de l’homme.

La vieillesse impose certes des rythmes plus lents, mais ce ne sont pas seulement des temps d’inertie. La mesure de ces rythmes ouvre en effet, pour tous, des espaces de sens de la vie inconnus de l’obsession de la vitesse. Perdre le contact avec les rythmes lents de la vieillesse ferme ces espaces pour tous. Le dialogue est nécessaire entre les générations : s’il n’y a pas de dialogue entre jeunes, vieux, et adultes, chaque génération reste isolée et ne peut pas transmettre le message.

Un jeune qui n’est pas lié à ses racines qui sont ses grands-parents, ne reçoit pas la force - comme l’arbre reçoit la force des racines - et il grandit mal, il grandit sans références. C’est pourquoi il est nécessaire de rechercher, comme un besoin humain, le dialogue entre les générations, et particulièrement entre grands-parents et petits-enfants, qui sont les deux extrêmes.

Imaginons une ville dans laquelle la coexistence des divers âges ferait partie intégrante de la conception globale de l’habitat : le chevauchement des générations deviendrait une source d’énergie pour un humanisme réellement visible et vivable.

La ville moderne a tendance à être hostile aux personnes âgées - et ce n’est pas un hasard si elle l’est également aux enfants. Cette société est marquée par l’esprit de rejet. Elle rejette beaucoup d’enfants non désirés, et elle rejette les vieux : elle les rejette parce qu’ils ne servent à rien, on les met à la maison de retraite, la maison pour les vieux…

L’excès de vitesse nous met dans une centrifugeuse qui nous emporte comme des confettis. Chacun s’accroche à son petit morceau, flottant sur les flux de la ville marchande où les rythmes lents sont des pertes, et la vitesse de l’argent. Mais la vitesse excessive pulvérise la vie - elle ne la rend pas plus intense.

La sagesse exige de perdre du temps. Quand tu rentres à la maison et que tu vois ton fils, ta fille, tu “perds du temps“, mais cette conversation est fondamentale pour la société. Et quand tu rentres à la maison et qu’il y a le grand-père et la grand-mère qui peut-être ne raisonne pas bien, ou a perdu un peu la capacité de parler, et que tu es avec lui ou elle, tu “perds du temps“ , mais cette manière de “perdre du temps“ renforce la famille humaine. Il faut passer du temps, du temps qui n’est pas rétribué, avec les enfants et avec les personnes âgées, car ils nous donnent une autre capacité de voir la vie.

À chacun d’entre vous, je demande : Sais-tu perdre du temps, ou es-tu toujours pressé par la vitesse ? - Non, je suis pressé, je ne peux pas… Sais-tu perdre du temps avec les grands-parents, avec les personnes âgées ? Sais-tu perdre du temps en jouant avec tes enfants, avec les enfants ? C’est la pierre de touche.

La voie de l’obsession de la vitesse consume la vie. Les rythmes de la vieillesse sont une ressource indispensable pour saisir le sens d’une vie marquée par le temps. Les personnes âgées ont leurs propres rythmes, mais ce sont des rythmes qui nous aident. Grâce à cette médiation, la destination de la vie à la rencontre avec Dieu devient plus crédible : un dessein qui est caché dans la création de l’être humain « à son image et à sa ressemblance » et qui est scellé dans le Fils de Dieu fait homme.

Le sens de la vie n’est pas seulement à l’âge adulte, de 25 à 60 ans environ, non ! Le sens de la vie est entier, de la naissance à la mort, et tu devrais être capable d’interagir avec tout le monde, d’avoir des liens affectifs avec tout le monde. Ainsi ta maturité sera plus riche, plus forte.

Une réforme est urgente : l’arrogance du temps de l’horloge doit être convertie en la beauté des rythmes de la vie. Convertir l’arrogance du temps, qui nous presse toujours, aux vrais rythmes de la vie, c’est la réforme que nous devons faire dans nos cœurs, dans la famille et dans la société.

L’alliance des générations est indispensable. Une société où les vieux ne parlent pas aux jeunes, les jeunes ne parlent pas avec les vieux, les adultes ne parlent ni aux vieux ni aux jeunes, c’est une société stérile, sans avenir, une société qui ne regarde pas vers l’horizon mais qui se regarde elle-même.

Que Dieu nous aide à trouver la bonne musique pour cette harmonisation des différents âges : les jeunes, les vieux, les adultes, tous ensemble : une belle symphonie de dialogue.

 

Audience générale du mercredi 2 mars 2022

 

 

 

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