14 janvier 2023

Du Pape François

 L’autre, destinataire de l’amour

 

 Aujourd'hui, nous commençons un nouveau cycle de catéchèse, consacré à un thème urgent et décisif pour la vie chrétienne : la passion de l'évangélisation. Il s'agit d'une dimension vitale pour l'Église : la communauté des disciples de Jésus naît en effet apostolique, elle naît missionnaire - et non pas prosélyte -, et dès le début nous devons faire cette distinction : être missionnaire, être apostolique, évangéliser n'est pas la même chose que de faire du prosélytisme. C'est une dimension vitale pour l'Église : la communauté des disciples de Jésus naît apostolique et missionnaire. La mission est l'oxygène de la vie chrétienne : elle la tonifie et la purifie.

Aujourd’hui, je voudrais commencer par un épisode évangélique emblématique : l'appel de l'apôtre Matthieu - et c’est lui-même qui le raconte dans son Évangile (Mt 9, 9-13).

Tout commence avec Jésus, qui « voit - dit le texte - un homme ». Peu de gens voyaient Matthieu tel qu'il était : ils le connaissaient comme celui qui était « assis au guichet des impôts » (v. 9). Il était en fait collecteur d'impôts, c'est-à-dire qu'il collectait les impôts pour le compte de l'empire romain qui occupait la Palestine - en d'autres termes, il était vu comme un collaborateur, un traître du peuple. Mais aux yeux de Jésus, Matthieu est un homme, avec ses misères et sa grandeur. Jésus va à la personne, au cœur : c'est une personne, c'est un homme, c'est une femme…

Et alors qu'il y a une distance entre Matthieu et son peuple, Jésus s'approche de lui, parce que tout homme est aimé de Dieu - même ce malheureux ? Oui, même ce malheureux, car Il est venu pour ce malheureux. L'Évangile le dit : « Je suis venu pour les pécheurs, non pour les justes ». Ce regard de Jésus qui est très beau, qui voit l'autre, quel qu'il soit, comme le destinataire de l'amour, est le prélude de la passion évangélisatrice : tout part de ce regard que nous apprenons de Jésus.

Lui regarde toujours chaque personne avec miséricorde, et en fait avec prédilection. Et les chrétiens sont appelés à faire comme le Christ, en regardant comme lui, en particulier ceux que nous appelons “ceux qui sont loin“. En fait, le récit de l'appel de Matthieu se termine par la déclaration de Jésus : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs ». Alors attention, si nous nous sentons justes, Jésus est loin. Mais Lui se rapproche de nos limites et de nos misères, pour nous guérir.

Tout commence donc par le regard de Jésus qui « voit un homme », Matthieu. Il s'ensuit - deuxième étape - un mouvement. D'abord le regard, Jésus regarde, puis la seconde étape, le mouvement. Matthieu est assis sur le banc des impôts, et Jésus lui dit : « Suis-moi ». Alors il « se leva et le suivit » (v. 9). Nous notons que le texte souligne qu’il se leva. Pourquoi ce détail est-il si important ? À l'époque, celui qui était assis avait autorité sur les autres, qui se tenaient devant lui pour l'écouter, ou comme dans ce cas, pour lui payer un tribut. Celui qui était assis, en somme, avait le pouvoir.

La première chose que fait Jésus, c'est de détacher Matthieu du pouvoir. Du fait d'être assis pour recevoir les autres, il le met en mouvement vers les autres. Il ne fait plus venir les gens à lui, il va vers les autres. Il lui fait abandonner une position de suprématie, pour le mettre de plain pied avec ses frères et sœurs, et lui ouvrir les horizons du service.

Un regard - Jésus a regardé -, un mouvement - il se lève - et enfin, une mission. Après s'être levé et avoir suivi Jésus, où Matthieu va-t-il ? On pourrait imaginer qu'après avoir changé la vie de cet homme, le Maître le conduise vers de nouvelles rencontres, de nouvelles expériences spirituelles… Non, ou du moins pas immédiatement.

Jésus se rend d’abord chez lui, et là, Matthieu lui prépare « un grand banquet » auquel « participe une grande foule de publicains » (Lc 5, 29) c'est-à-dire des gens comme lui. Matthieu retourne dans son environnement, mais il y retourne transformé, et avec Jésus. Son zèle apostolique ne commence pas dans un lieu nouveau, pur, un lieu idéal, lointain, mais il commence là où il vit, avec les gens qu'il connaît.

Voici le message pour nous : nous ne devons pas attendre d'être parfaits et d'avoir parcouru un long chemin derrière Jésus pour témoigner de lui : notre annonce commence aujourd'hui, là où nous vivons. Et cela ne commence pas en essayant de convaincre les autres, mais en témoignant chaque jour de la beauté de l'Amour qui nous a regardés et nous a relevés, et c'est communiquer cette beauté qui convaincra les gens. Comme nous l'a enseigné le pape Benoît : "L'Église ne fait pas de prosélytisme. Elle se développe plutôt par attraction".

Une fois, je me souviens que dans l'hôpital de Buenos Aires, les religieuses qui y travaillaient ont dû partir parce qu'elles étaient peu nombreuses et qu'elles ne pouvaient pas faire fonctionner l'hôpital. Une communauté de religieuses de Corée est arrivée, disons lundi par exemple, je ne me souviens plus du jour. Elles ont occupé la maison des religieuses à l'hôpital, et le mardi, elles sont descendues visiter les malades à l'hôpital. Elles ne parlaient pas un mot d'espagnol : elles ne parlaient que le coréen. Mais les malades étaient heureux, et ils commentaient : Braves ces religieuses, braves, braves ! - Mais que t'a dit la religieuse ? - Rien, mais avec le regard, elle m'a parlé. Elles m’ont communiqué Jésus !

 

Catéchèse du mercredi 11 janvier 2023

 

 

 

 

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