La paix soit avec vous !
1. En premier lieu, la miséricorde de Dieu donne
la joie, une joie spéciale, la joie de se sentir pardonné gratuitement.
Quand le soir de Pâques, les disciples voient Jésus et l’entendent pour la
première fois leur dire la paix soit avec vous ! ils sont
remplis de joie. Ils s’étaient enfermés dans la maison par crainte, mais ils
étaient aussi enfermés en eux-mêmes, abattus par un sentiment d’échec : ils
étaient des disciples qui avaient abandonné le Maître. Au moment de son
arrestation, ils s’étaient enfuis. Pierre l’avait même renié trois fois, et un
de leur groupe – oui, l’un d’entre eux vraiment - avait été le traître. Il y
avait bien des raisons de se sentir non seulement effrayé, mais raté, vaurien.
Par le passé, ils avaient certes fait des choix courageux, ils avaient suivi le
Maître avec enthousiasme, engagement, et générosité, mais à la fin tout s’était
effondré : la peur avait prévalu.
C’est dans ce climat que survient le premier la
paix soit avec vous ! Les disciples auraient dû éprouver de la
honte, mais au contraire, ils se réjouissent. Pourquoi ? Parce que ce visage,
cette salutation, ces paroles déplacent leur attention d’eux-mêmes vers
Jésus. En effet, « les disciples furent remplis de joie en voyant
le Seigneur » : ils sont détournés d’eux-mêmes et de leurs
propres échecs, et ils sont attirés par son regard, où ne se trouve aucune
sévérité, mais la miséricorde. Le Christ ne les réprouve pas pour le passé,
mais il leur donne sa bienveillance, et cela les ranime, répand dans leurs
cœurs la paix perdue, fait d’eux des hommes nouveaux, purifiés par un pardon
donné sans calcul, un pardon donné sans mérite. Oui, la joie de Dieu est une
joie qui naît du pardon, et qui laisse la paix, une joie qui relève
sans humilier et cette joie nous change.
2. La paix soit avec vous ! Le
Seigneur le dit une seconde fois, en ajoutant : « De même que le Père m’a
envoyé, moi aussi, je vous envoie », et il donne aux disciples l’Esprit Saint
pour faire d’eux des artisans de réconciliation : « À qui vous
remettrez ses péchés, ils seront remis ». Non seulement ils reçoivent la miséricorde,
mais ils deviennent dispensateurs de cette même miséricorde qu’ils ont reçue.
Ils reçoivent ce pouvoir, non pas à cause de leurs mérites, ou de leurs études,
non : c’est un pur don de grâce, mais qui repose sur leur expérience
d’hommes pardonnés.
Dans l’Église, aujourd’hui et toujours, le pardon doit
ainsi nous rejoindre, à travers l’humble bonté d’un confesseur miséricordieux,
qui sait qu’il n’est pas le détenteur d’un pouvoir quelconque, mais un canal de
miséricorde qui déverse sur les autres le pardon dont il a bénéficié le
premier. Et de là vient ce pardon de tout, parce que Dieu pardonne
tout, et toujours, et nous devons être des canaux de ce pardon, à travers notre
expérience d'être pardonné.
« À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ».
Ces paroles sont à l’origine du sacrement de la Réconciliation, mais pas
seulement. Jésus a fait de toute l’Église une communauté dispensatrice de
miséricorde, un signe et un instrument de réconciliation pour l’humanité.
Frères et sœurs, chacun de nous a reçu dans le Baptême
l’Esprit Saint pour être homme et femme de réconciliation. Quand nous faisons
l’expérience de la joie d’être libérés du poids de nos péchés, de nos échecs,
quand nous savons personnellement ce que signifie renaître après une expérience
qui semblait sans issue, alors il faut partager le pain de la miséricorde avec
ceux qui sont à côté de nous. Sentons-nous appelés à cela. Et
demandons-nous : Moi, ici où je vis, moi en famille, moi au travail, dans
ma communauté, est-ce que je promeus la communion, suis-je un tisseur
de réconciliation ? Est-ce que je m’engage à désamorcer les conflits,
afin d’apporter le pardon là où il y a la haine, la paix là où il y a de la
rancœur ? Ou est-ce que je tombe dans le monde du bavardage qui tue
toujours ? Jésus cherche, en nous, des témoins devant le monde de ces
paroles : La paix soit avec vous ! J’ai reçu la
paix : je la donne à l’autre.
3. Le Seigneur répète pour la troisième fois La
paix soit avec vous ! quand il réapparaît huit jours plus tard aux
disciples, pour confirmer la foi difficile de Thomas. Thomas veut voir et
toucher, et le Seigneur ne se scandalise pas de son incrédulité. Mais il vient
à sa rencontre : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ». Ce ne sont
pas des paroles de défi, mais de miséricorde. Jésus comprend la difficulté de
Thomas. Il ne le traite pas avec dureté, et l’apôtre est secoué au-dedans de
lui-même par tant de bienveillance. Et c’est ainsi que d’incroyant, il devient
croyant, et il fait la confession de foi la plus simple et la plus belle :
« Mon Seigneur et mon Dieu ! ». C’est une belle invocation, nous pouvons
la faire nôtre et la répéter au cours de notre journée, surtout lorsque nous
faisons l’expérience de doutes et d’obscurité, comme Thomas.
En Thomas, se trouve l’histoire de chaque croyant, de
chacun de nous : il y a des moments difficiles, où la vie semble démentir la
foi, où nous sommes en crise, et où nous avons besoin de toucher et de voir.
Mais comme Thomas, c’est précisément là que nous redécouvrons le Cœur du
Seigneur, sa miséricorde. Dans ces situations, Jésus ne vient pas vers nous de
manière triomphante et avec des preuves écrasantes, il n’accomplit pas de
miracles éclatants, mais il offre des signes chaleureux de miséricorde. Il nous
console avec le même style que celui de l’Évangile d’aujourd’hui : en nous
offrant ses plaies. N’oublions pas ceci : face aux péchés, au pire péché,
le nôtre ou celui des autres, il y a toujours la présence du Seigneur, qui
offre ses plaies. Ne l’oublions pas. Et dans notre ministère de confesseurs,
nous devons montrer aux gens que devant leurs péchés, il y a les plaies du
Seigneur, qui sont plus puissantes que le péché.
Et il nous fait aussi découvrir les plaies de nos
frères et sœurs. Oui, la miséricorde de Dieu, dans nos crises et dans nos
peines, nous met souvent en contact avec les souffrances du prochain. Nous
pensions que nous étions au sommet de la souffrance, au plus bas d’une
situation difficile, et nous découvrons alors, tout en restant silencieux,
qu’il y a quelqu’un qui traverse des moments, des périodes pires. Si nous
prenons soin des plaies du prochain et si nous y déversons la miséricorde, une
espérance nouvelle, qui console dans la peine, renaît en nous. Demandons-nous donc
si ces derniers temps, nous avons touché les plaies de quelqu’un qui souffre
dans son corps, ou dans son esprit, si nous avons apporté la paix à un corps
blessé ou à un esprit brisé, si nous avons pris un peu de temps pour écouter,
pour accompagner, pour consoler. Quand nous le faisons, nous rencontrons Jésus
qui, avec des yeux de celui qui est éprouvé par la vie, nous regarde avec
miséricorde et dit : La paix soit avec vous !
Et j’aime penser à la présence de la Vierge parmi les
Apôtres, la Vierge, Mère de l’Église, Mère de la Miséricorde. Qu’elle nous aide
à avancer dans notre si beau ministère de prêtre.
Homélie du
dimanche de la Miséricorde 24 avril 2022
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.