Mettons-nous en route avec les mages
Comme
une étoile qui se lève (cf. Nb 24, 17), Jésus vient éclairer tous les peuples
et illuminer les nuits de l’humanité. Avec les Mages, levant les yeux au ciel,
nous nous demandons nous aussi aujourd’hui : « Où est le roi des
Juifs qui vient de naître ? » (Mt 2, 2). Où se trouve donc le lieu où nous
pouvons trouver et rencontrer notre Seigneur ?
À
partir de l’expérience des Mages, nous comprenons que le premier “lieu” où Il
aime être cherché est l’interrogation. L’aventure fascinante de ces sages venus
d’Orient nous enseigne que la foi ne naît ni de nos mérites, ni de
raisonnements théoriques, elle est un don de Dieu. Sa grâce nous aide à nous
réveiller de l’apathie et à nous ouvrir aux questions importantes de la vie, à
ce qui nous dépasse. Chez les Mages, au début, il y a ceci : l’in-quiétude
de celui qui s’interroge. Habités par une aspiration poignante à l’infini, ils
scrutent le ciel et se laissent émerveiller par l’éclat d’une étoile, qui réveille
la tension vers le transcendant qui les anime, et cette étoile laisse monter dans
leur cœur une question : Où est celui qui qui vient de naître ?
Frères
et sœurs, le chemin de la foi commence lorsque, avec la grâce de Dieu, nous
faisons place à une in-quiétude qui nous tient éveillés. Lorsque nous ne nous
contentons pas de la tranquillité de nos habitudes, mais que nous décidons
d’habiter les espaces inconfortables de la vie, faits de relations avec les
autres, de surprises, d’imprévus, de rêves à réaliser, de peurs à affronter, de
souffrances qui creusent notre chair. Dans ces moments, montent de nos cœurs
ces questions irrépressibles qui nous ouvrent à la recherche de Dieu : Où
est le bonheur pour moi ? Où est la pleine vie à laquelle j’aspire ?
Où est cet amour qui ne passe pas, qui ne faiblit pas, qui ne se brise pas,
même devant la fragilité, les échecs et les trahisons ? Quelles sont les
opportunités qui se cachent dans mes crises et mes souffrances ?
Mais
le climat que nous respirons nous offre continuellement des “tranquillisants de
l'âme”, des substituts pour calmer, calmer nos inquiétudes et éteindre ces
questions - des produits de consommation avec la séduction du plaisir, des
débats spectaculaires au service de l’idolâtrie du bien-être… Tout semble nous
dire : Ne pense pas trop, laisse faire, profite de la vie ! Et nous
essayons souvent de mettre notre cœur dans le coffre-fort du confort.
Mais
si les Mages avaient fait ainsi, ils n’auraient jamais rencontré le Seigneur.
Calmer le cœur, calmer l’âme afin qu’il n’y ait plus d’inquiétude, c’est un
piège. Dieu, en revanche, habite nos interrogations. En elles, nous le
cherchons comme la nuit cherche l’aurore, alors n’ayons plus peur d’habiter nos
interrogations : ce sont précisément les chemins qui nous conduisent à Jésus.
Le
deuxième lieu où nous pouvons rencontrer le Seigneur est le risque du
cheminement. Les questions, y compris spirituelles, peuvent en effet induire
frustration et désolation si elles ne nous mettent pas en marche, si elles
n’orientent pas notre mouvement intérieur vers le visage de Dieu et la beauté
de sa Parole. Le pèlerinage des Mages, leur pèlerinage extérieur, a dit Benoît XVI, était
une expression de leur cheminement intérieur, du pèlerinage intérieur de leur
cœur. En effet, les Mages ne s’arrêtent pas pour regarder le ciel et contempler
la lumière de l’étoile, mais ils s’aventurent dans un voyage risqué, qui ne passe
pas d’avance par des routes sûres, ni des cartes définies. Ils veulent savoir
qui est le Roi des Juifs, où il est né, et où ils peuvent le trouver. Pour
cela, ils demandent à Hérode, qui à son tour, convoque les chefs du peuple et
les scribes, qui interrogent les Écritures. Les Mages sont en marche : la
plupart des verbes décrivant leurs actions sont des verbes de mouvement.
Il
en va de même pour notre foi : sans un cheminement continu et un dialogue
constant avec le Seigneur, sans l’écoute de la Parole, sans la persévérance,
elle ne peut croître. Il ne suffit pas de quelques idées sur Dieu et de
quelques prières qui apaisent la conscience, il faut se faire disciples à la
suite de Jésus et de son Évangile, lui parler de tout dans la prière, le
chercher dans les situations quotidiennes et dans le visage de nos frères.
Depuis
Abraham qui se met en route vers une terre inconnue jusqu’aux Mages qui se
déplacent derrière l’étoile, la foi est une marche, la foi est un pèlerinage,
la foi est une histoire de départs et de nouveaux départs. Rappelons-nous
ceci : la foi ne croît pas si elle reste statique. Demandons-nous
aujourd’hui : Suis-je en train de marcher vers le Seigneur de la vie, pour
qu’Il devienne le Seigneur de ma vie ? Jésus, qui es-Tu pour moi ? Où
m’appelles-Tu à aller, que demandes-Tu à ma vie ? Quels choix m’invites-Tu
à faire pour les autres ?
Enfin,
après l’inquiétude du questionnement et le risque du cheminement, le troisième
lieu où rencontrer le Seigneur est l’émerveillement de l’adoration. Au terme
d’un long parcours et d’une recherche laborieuse, les Mages entrent dans la
maison, « ils voient l’enfant avec Marie sa mère, et tombant à ses pieds,
ils se prosternent devant lui ». C’est le point décisif : nos
inquiétudes, nos questions, nos chemins spirituels et nos pratiques de foi
doivent converger vers l’adoration du Seigneur. Là, ils trouvent leur centre de
gravité, parce que tout naît de là, et tout culmine là, parce que le but de
toute chose n’est pas d’atteindre un objectif personnel, ni de recevoir de la
gloire pour soi-même, mais de rencontrer Dieu et de se laisser embrasser par
son amour, cet amour qui fonde notre espérance, qui nous libère du mal, qui
nous ouvre à l’amour des autres.
Il
ne sert à rien de nous activer pastoralement si nous ne mettons pas Jésus au
centre, en l’adorant. L’émerveillement de l’adoration ! Là, nous apprenons
à nous tenir devant Dieu non pas tant pour demander ou faire quelque chose,
mais seulement pour nous arrêter en silence et nous abandonner à son amour,
pour nous laisser saisir et régénérer par sa miséricorde.
Aujourd’hui
le Seigneur nous invite à faire comme les Mages : comme les Mages,
prosternons-nous, abandonnons-nous à Dieu dans l’émerveillement de l’adoration.
Adorons Dieu pour ne pas nous incliner devant les choses qui passent, et les
logiques séduisantes, mais vides, du mal.
Frères,
sœurs, ouvrons notre cœur au questionnement, demandons le courage d’avancer sur
le chemin qui conduit à l’adoration ! N’ayons pas peur, c’est le parcours
des Mages, c’est le parcours de tous les saints de l’histoire : accueillir
les interrogations, nous mettre en chemin, et adorer.
Frères
et sœurs, n’arrêtons pas notre marche en cédant à l’apathie ou au confort, et
rencontrant le Seigneur, abandonnons-nous à l’émerveillement de l’adoration.
Alors nous découvrirons qu’une lumière éclaire même les nuits les plus
sombres : c’est Jésus, l’étoile radieuse du matin, le soleil de justice.
C’est l’éclat miséricordieux de Dieu, qui aime tout homme et chaque peuple de
la terre.
Messe de
l’Épiphanie 6 janvier 2023
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