22 février 2015

Du Pape François

Message du pape François pour le Carême 2015

     Chers frères et sœurs,

     Le Carême est un temps de renouveau pour l’Église, pour les communautés et pour chaque fidèle. Mais c’est surtout un « temps de grâce » (2 Cor 6, 2). Dieu ne nous demande rien qu’il ne nous ait donné auparavant : « Nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19). Il n’est pas indifférent à nous. Il porte chacun de nous dans son cœur, il nous connaît par notre nom, il prend soin de nous et il nous cherche quand nous l’abandonnons. Chacun de nous l’intéresse, son amour l’empêche d’être indifférent à ce qui nous arrive. Mais nous, quand nous allons bien et que nous prenons nos aises, nous oublions facilement de penser aux autres (ce que Dieu le Père ne fait jamais), nous ne nous intéressons plus à leurs problèmes, à leurs souffrances et aux injustices qu’ils subissent… Notre cœur tombe dans l’indifférence : alors que je vais relativement bien et que tout me réussit, j’oublie ceux qui ne vont pas bien. Cette attitude égoïste, d’indifférence, a pris aujourd’hui une dimension mondiale, au point que nous pouvons parler d’une mondialisation de l’indifférence. Il s’agit d’un malaise que, comme chrétiens, nous devons affronter.
     Quand le peuple de Dieu se convertit à son amour, il trouve les réponses à ces questions que l’histoire lui pose continuellement. Un des défis les plus urgents sur lesquels je veux m’arrêter dans ce message, est celui de la mondialisation de l’indifférence.
     …
    Le peuple de Dieu a besoin de renouveau pour ne pas devenir indifférent et se renfermer sur lui-même. Je voudrais vous proposer trois pistes à méditer pour ce renouveau.
     1. « Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance » (1Co 12, 26) - L’Église :
     La charité de Dieu qui rompt ce mortel enfermement sur soi-même qu’est l’indifférence, nous est offerte par l’Église dans son enseignement et, surtout, dans son témoignage. Le chrétien est celui qui permet à Dieu de le revêtir de sa bonté et de sa miséricorde, de le revêtir du Christ, pour devenir comme lui, serviteur de Dieu et des hommes. La liturgie du jeudi saint, avec le rite du lavement des pieds, nous le rappelle bien. Pierre ne voulait pas que Jésus lui lave les pieds, mais il a ensuite compris que Jésus ne veut pas être seulement un exemple de la manière dont nous devons nous laver les pieds les uns les autres. Ce service ne peut être rendu que par celui qui s’est d’abord laissé laver les pieds par le Christ. Seul celui-là a « part » avec lui (Jn 13, 8) et peut ainsi servir l’homme.
     Le Carême est un temps propice pour nous laisser servir par le Christ et apprendre ainsi à servir comme lui. Cela advient lorsque nous écoutons la Parole de Dieu et recevons les sacrements, en particulier l’Eucharistie. En elle, nous devenons ce que nous recevons : le Corps du Christ. Grâce à ce corps, cette indifférence, qui semble prendre si souvent le pouvoir sur nos cœurs, ne trouve plus de place en nous. Puisque ceux qui sont du Christ appartiennent à l’unique Corps du Christ et en lui personne n’est indifférent à l’autre. «  Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie » (1 Co 12, 26).
     …
    2. « Où est ton frère ? » (Gn 4, 9) - Les paroisses et les communautés :
Il est nécessaire de traduire tout l’enseignement de l’Église universelle dans la vie concrète des paroisses et des communautés chrétiennes. Réussit-on au cœur de ces réalités ecclésiales à faire l’expérience d’appartenir à un seul corps ? Un corps qui en même temps reçoit et partage tout ce que Dieu désire donner ? Un corps qui connaît et qui prend soin de ses membres les plus faibles, les plus pauvres et les plus petits ? Ou bien nous réfugions-nous dans un amour universel qui s’engage en faveur d’un monde lointain, mais qui oublie le Lazare qui est assis devant sa propre porte fermée ? (cf. Lc 16, 19-31).
     Pour recevoir et faire fructifier pleinement ce que Dieu nous donne, il faut dépasser les frontières de l’Église visible dans deux directions.
     D’une part, en nous unissant à l’Église du ciel dans la prière. Nous aussi, nous participons aux mérites et à la joie des saints et eux participent à notre lutte et à notre désir de paix et de réconciliation. Leur bonheur de jouir de la victoire du Christ ressuscité nous est une source de force pour dépasser tant de formes d’indifférence et de dureté du cœur.
     D’autre part, chaque communauté chrétienne est appelée à franchir le seuil qui la met en relation avec la société qui l’entoure, avec les pauvres et ceux qui sont loin. L’Église est, par nature, missionnaire, et elle n’est pas repliée sur elle-même, mais envoyée à tous les hommes.
      …
    Chers frères et sœurs, je désire tant que les lieux où se manifeste l’Église, en particulier nos paroisses et nos communautés, deviennent des îles de miséricorde au milieu de la mer de l’indifférence !

     3. « Tenez ferme » (Jc 5, 8) – Chaque fidèle :
    Même en tant qu’individus nous sommes souvent tentés d’être indifférents à la misère des autres. Nous sommes saturés de nouvelles et d’images bouleversantes qui nous racontent la souffrance humaine et nous sentons en même temps toute notre incapacité à intervenir. Que faire pour ne pas se laisser absorber par cette spirale de peur et d’impuissance ?
     Tout d’abord, nous pouvons prier dans la communion de l’Église terrestre et céleste. Ne négligeons pas la force de la prière de tant de personnes ! L’initiative 24 heures pour le Seigneur, qui, j’espère, aura lieu dans toute l’Église, même au niveau diocésain, les 13 et 14 mars, veut montrer cette nécessité de la prière.
     Ensuite, nous pouvons aider par des gestes de charité, rejoignant aussi bien ceux qui sont proches que ceux qui sont loin, grâce aux nombreux organismes de charité de l’Église. Le Carême est un temps propice pour montrer cet intérêt envers l’autre par un signe, même petit, mais concret, de notre participation à notre humanité commune.
     Enfin, la souffrance de l’autre constitue un appel à la conversion parce que le besoin du frère me rappelle la fragilité de ma vie, ma dépendance envers Dieu et mes frères. Si nous demandons humblement la grâce de Dieu et que nous acceptons les limites de nos possibilités, alors nous aurons confiance dans les possibilités infinies que l’amour de Dieu a en réserve. Et nous pourrons résister à la tentation diabolique qui nous fait croire que nous pouvons nous sauver et sauver le monde tout seuls.
     Pour dépasser l’indifférence et nos prétentions de toute-puissance, je voudrais demander à tous de vivre ce temps de Carême comme un parcours de formation du cœur, comme l’a dit Benoît XVI (cf. Lett. Enc. Deus caritas est, n. 31). Avoir un cœur miséricordieux ne veut pas dire avoir un cœur faible. Celui qui veut être miséricordieux a besoin d’un cœur fort, solide, fermé au tentateur, mais ouvert à Dieu. Un cœur qui se laisse pénétrer par l’Esprit et porter sur les voies de l’amour qui conduisent à nos frères et à nos sœurs. Au fond, un cœur pauvre, qui connaisse en fait ses propres pauvretés et qui se dépense pour l’autre.
     Pour cela, chers frères et sœurs, je désire prier avec vous le Christ en ce Carême : « Fac cor nostrum secundum cor tuum » : « Rends notre cœur semblable au tien » (Litanies du Sacré Cœur de Jésus). Alors nous aurons un cœur fort et miséricordieux, vigilant et généreux, qui ne se laisse pas enfermer en lui-même et qui ne tombe pas dans le vertige de la mondialisation de l’indifférence.
     Avec ce souhait, je vous assure de ma prière afin que chaque croyant et chaque communauté ecclésiale parcoure avec fruit le chemin du Carême, et je vous demande de prier pour moi. Que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge Marie vous garde.

Du Vatican, le 4 octobre 2014
Fête de saint François d’Assise


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