Le
chant de l’homme croyant :
l’espérance en Dieu ne déçoit
jamais
Lorsque les parents de Jésus ont porté
l’Enfant pour accomplir les prescriptions de la Loi, Syméon, «
sous l’action de l’Esprit », prend l’Enfant dans ses bras et
commence à louer. C’est un cantique de bénédiction et de
louange, « car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face
des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à
ton peuple Israël» (Lc
2, 30-32). Non seulement Syméon
a pu voir, mais il a eu aussi le privilège d’embrasser l’espérance
attendue, et ça le fait exulter de joie. Son cœur se réjouit parce
que Dieu habite au milieu de son peuple : il le sent chair de sa
chair.
Le chant de Syméon est le
chant de l’homme croyant qui, à
la fin de ses jours, peut affirmer : C’est vrai, l’espérance
en Dieu ne déçoit jamais (cf.
Rm 5, 5), elle ne trompe pas.
Syméon et Anne, dans leur vieillesse, sont capables d’une nouvelle
fécondité,
et ils en témoignent en chantant : la vie mérite d’être vécue
avec espérance parce que le Seigneur exauce sa promesse.
Ce chant d’espérance, nous l’avons reçu
en héritage de nos pères. Ils nous ont engagés dans cette
‘‘dynamique’’ : sur leurs visages, dans leurs vies, dans
leur dévouement quotidien et constant, nous avons pu voir comment
cette louange s’est faite chair. Nous sommes héritiers
de l’espérance qui n’a pas déçu nos mères et nos pères
fondateurs, nos aînés, et comme
eux, aujourd’hui, nous voulons nous aussi chanter : Dieu ne trompe
pas, l’espérance en lui ne déçoit pas, Dieu
vient à la rencontre de son peuple.
Retrouvons ce qui un jour a enflammé notre
cœur : cette attitude nous rendra féconds, nous les consacrés,
mais surtout elle nous préservera d’une tentation qui peut rendre
stérile notre vie consacrée : la tentation de la survie. L’attitude
de survie nous fait devenir réactionnaires, peureux, elle nous
enferme lentement et silencieusement dans nos maisons et dans nos
schémas. Elle nous projette en arrière, vers les exploits glorieux
- mais passés - qui, au lieu de susciter la créativité
prophétique qui vient de nos fondateurs,
cherchent des raccourcis pour fuir les défis qui aujourd’hui
frappent à nos portes. La psychologie de la survie ôte la force à
nos charismes parce qu’elle nous conduit à les ‘‘domestiquer’’,
à les ramener ‘‘à portée de main’’, en les privant de
cette force créatrice qu’ils ont
inaugurée.
La tentation de la survie nous fait oublier la
grâce, elle fait de nous des
professionnels du sacré, mais non des pères,
des mères
de l’espérance que nous avons été appelés à prophétiser. Ce
climat de survie endurcit le cœur de nos aînés et stérilise la
prophétie que les plus jeunes sont appelés à annoncer et à
réaliser. La tentation de la survie transforme en danger, en menace,
en tragédie, ce que le Seigneur nous présente comme une opportunité
pour la mission. Cette attitude n’est pas propre uniquement à la
vie consacrée, mais nous sommes invités à nous garder d’y
succomber.
Ce qui a suscité le chant de louange en Syméon
et Anne, c’est la rencontre avec
Jésus. Lorsque Marie dépose dans
les bras de Syméon le fils de la Promesse, lorsqu’elle
met Jésus au milieu de son peuple,
celui-ci trouve la joie.
Il n’y a que cela pour pouvoir nous redonner la joie et
l’espérance, cela seulement nous préservera de vivre dans une
attitude de survie, uniquement cela fécondera notre vie et
maintiendra vivant notre cœur : mettre Jésus là où il doit
être, au milieu de son peuple.
Mettre Jésus au milieu de son peuple
signifie avoir un cœur contemplatif,
capable de discerner comment Dieu marche dans les rues de nos villes,
de nos villages, de nos quartiers. Mettre Jésus au milieu de son
peuple signifie prendre en charge et vouloir aider à porter la croix
de nos frères. C’est vouloir toucher les plaies de Jésus dans les
plaies du monde, qui est blessé et désire et demande à
ressusciter.
Nous mettre avec Jésus au milieu de son
peuple, non comme des activistes de
la foi, mais comme des hommes et des
femmes qui sont continuellement pardonnés,
des hommes et des femmes unis dans le
baptême pour partager
avec les autres cette onction
et la consolation de Dieu.
Accompagnons Jésus pour qu’il rencontre son
peuple, pour qu’il soit au milieu de son peuple, non pas dans la
lamentation ou dans l’anxiété de celui qui a oublié de
prophétiser, mais dans la louange et
dans la sérénité. Non pas dans
l’agitation, mais dans la patience
de celui qui se fie à l’Esprit,
et nous partagerons ainsi ce qui nous appartient : le chant qui naît
de l’espérance.
Homélie
du 2 février 2017
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