Le
repos : fuir la réalité, ou la bénir ?
Le
voyage à travers le Décalogue nous conduit aujourd’hui au
commandement sur le jour du repos. Cela semble un commandement facile
à accomplir, mais c’est une fausse impression. Il n’est pas
facile de se reposer vraiment, parce qu’il y a un faux repos, et un
vrai repos. Comment les reconnaître ?
La
société actuelle est assoiffée de divertissements et de vacances.
L’industrie des distractions est très florissante, et la publicité
dessine un monde idéal, comme un grand parc de jeux où tout le
monde s’amuse. Le concept de
vie qui domine aujourd’hui
n’a pas son centre de gravité dans l’activité et dans
l’engagement, mais dans l’évasion :
gagner de l’argent pour s’amuser, se faire plaisir.
L’image-modèle est celle d’une personne qui a du succès, et qui
peut se permettre de nombreux et larges espaces de plaisir.
Mais
cette mentalité fait glisser vers l’insatisfaction
d’une existence anesthésiée par les divertissements, qui ne sont
pas repos, mais aliénation, et fuite
de la réalité. L’homme ne
s’est jamais autant “reposé“ qu’aujourd’hui, et pourtant
l’homme n’a jamais autant fait l’expérience d’un vide
qu’aujourd’hui ! Les possibilités de s’amuser, de sortir,
les croisières, les voyages, tant de choses qui ne donnent pas la
plénitude du cœur, et même pas le repos.
Les
paroles du Décalogue projettent une lumière différente sur ce
qu’est le repos. Le commandement a un élément particulier :
il fournit une motivation. Le repos au nom du Seigneur a un motif
précis : « En six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre,
la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le
septième jour, c’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du
sabbat et l’a sanctifié » (Ex 20,11).
Cela
renvoie à la fin de la création quand Dieu dit : « Et
Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voici : cela était très
bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : sixième jour »
(Gn 1,31). Commence alors le
jour du repos, qui est la joie
de Dieu pour ce qu’il a créé : c’est le
jour de la contemplation, et
de la bénédiction.
Qu’est-ce
donc que le repos
selon ce commandement ? C’est le
moment de la contemplation,
c’est le moment de la louange
- et non de l’évasion. C’est un
temps pour regarder la réalité
et dire : Que la vie est
belle ! Au repos comme
fugue de la réalité, le Décalogue oppose le
repos comme bénédiction
de la réalité.
Pour
nous chrétiens, le centre du jour
du Seigneur, le dimanche, est
l’Eucharistie
- qui signifie « action de grâce ». C’est un jour pour
dire au Seigneur : Merci
Seigneur pour la vie,
pour ta miséricorde,
et pour tous tes dons.
Le dimanche n’est pas un jour pour effacer les autres jours, mais
pour s’en souvenir, les bénir, et faire la paix avec la vie. Tant
de personnes ont beaucoup de possibilités de s’amuser, et ne
vivent pas en paix avec la vie ! Le
dimanche est un jour pour faire la paix avec la vie :
la vie est précieuse.
Parfois elle n’est pas facile, parfois elle est douloureuse, mais
elle est précieuse.
Être
introduit dans le repos authentique est l’œuvre de Dieu en nous,
mais cela requiert de nous que nous
nous éloignions de la malédiction,
et de sa fascination.
En effet, il est très facile d’orienter son cœur vers le malheur,
et de souligner les motifs de mécontentement. La
bénédiction et la
joie impliquent une
ouverture au bien, qui est un
mouvement adulte du cœur. Le
bien est aimant
et ne s’impose jamais,
il doit être choisi.
La
paix se choisit, elle ne peut
s’imposer, et on ne la trouve
pas par hasard. En
s’éloignant des plis amers de son cœur, l’homme peut faire la
paix avec ce qu’il fuit. Il
est nécessaire de se
réconcilier avec sa propre histoire,
avec les faits que l’on n’accepte pas, avec les aspects
difficiles de sa propre existence. La véritable paix ne consiste pas
à changer sa propre histoire, mais à l’accueillir,
à la valoriser, telle qu’elle a été.
Combien
de fois avons-nous rencontré des chrétiens qui étaient malades, et
qui nous ont consolés avec une sérénité que l’on ne trouve pas
chez ceux qui font la fête ! Et nous avons vu des personnes
humbles et pauvres se réjouir
de petites grâces, avec un
bonheur qui avait un goût
d’éternité.
Dans
le Deutéronome, le Seigneur dit : « Je mets devant toi la
vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la
vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance » (Dt 30,19).
Ce choix, c’est celui du « fiat » de la Vierge Marie,
c’est une ouverture à
l’Esprit Saint qui nous met
dans les pas du Christ, lui qui se remet à son Père au moment le
plus dramatique, et qui emprunte ainsi le chemin qui conduit à la
résurrection.
Quand
notre vie devient-elle belle ? Quand nous commençons à en
penser du bien, quelle que soit notre histoire. Quand nous
entrevoyons, comme le dit la petite Thérèse, que « tout est
grâce », et que cette sainte pensée effrite le mur intérieur
de notre insatisfaction, en inaugurant le repos authentique. La vie
devient belle quand on ouvre
son cœur à la Providence, et
que l’on découvre que ce que dit le psaume est vrai : « En
Dieu seul mon âme se repose » (Ps 62,2).
Catéchèse
du 5 septembre 2018
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