29 février 2020

Du Pape François



Le désert, lieu de vie





Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous commençons le chemin du Carême, un chemin de quarante jours vers Pâques, vers le cœur de l’année liturgique et de notre foi. C’est un chemin qui suit celui de Jésus qui, au début de son ministère, se retira pendant quarante jours pour prier et jeûner, tenté par le diable, dans le désert. C’est justement de la signification spirituelle du désert que je voudrais vous parler aujourd’hui. Que signifie spirituellement le désert pour nous tous, même nous qui vivons en ville. Que signifie le désert ?
Imaginons-nous dans un désert. La première sensation serait de nous trouver enveloppés d’un grand silence : pas de bruit, à part le vent, et notre respiration. Voilà : le désert est le lieu du détachement par rapport au vacarme qui nous entoure. C’est l’absence de paroles pour faire de la place à une autre parole, la Parole de Dieu qui, comme une brise légère, nous caresse le cœur (cf. 1 R 19,12). Le désert est le lieu de la Parole. On le voit dans la Bible, le Seigneur aime nous parler dans le désert. Dans le désert, il remet à Moïse les « dix paroles » - les dix commandements. Et quand le peuple s’éloigne de lui, devenant comme une épouse infidèle, Dieu dit : « C’est pourquoi, je vais l’entraîner au désert, et je lui parlerai cœur à cœur. Là elle me répondra comme au temps de sa jeunesse » (Os 2,16-17).
Dans le désert, on écoute la Parole de Dieu, qui est comme un son léger. Le Livre des Rois dit que la Parole de Dieu est comme un souffle qui fait résonner le silence. Dans le désert, on retrouve l’intimité avec Dieu, l’amour du Seigneur. Jésus aimait se retirer tous les jours dans des lieux déserts pour prier (cf. Lc 5,16). Il nous a enseigné comment chercher le Père, qui nous parle dans le silence.
Ce n’est pas facile de faire silence dans son cœur, parce que nous cherchons toujours à parler un peu, à être avec les autres. Le Carême est le temps propice pour faire de la place à la Parole de Dieu. C’est un temps pour éteindre la télévision, et ouvrir la Bible, un temps pour se détacher de son portable, et se connecter à l’Évangile. C’est le temps de renoncer aux paroles inutiles, aux bavardages, aux rumeurs, aux ragots, et de parler au Seigneur en le tutoyant. C’est le temps de se consacrer à une saine écologie du cœur.
Nous vivons dans un environnement pollué par trop de violence verbale, par tant de paroles offensives et nocives, que les réseaux sociaux amplifient. Aujourd’hui on insulte comme si l’on disait “bonjour“. Nous sommes submergés de paroles vides, de publicité, de messages insidieux. Nous nous sommes habitués à entendre de tout sur tout le monde, et nous risquons de glisser dans une mondanité qui nous atrophie le cœur. Il n’y a pas moyen d’éviter cela pour en guérir, à part le silence. Nous avons du mal à distinguer la voix du Seigneur qui nous parle, la voix de la conscience, la voix du bien. En nous appelant au désert, Jésus nous invite à tendre l’oreille vers ce qui compte, l’important, l’essentiel.
Au diable qui le tente, Jésus répond : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Comme du pain, plus que de pain, nous avons besoin de la Parole de Dieu. Nous avons besoin de parler avec Dieu, nous avons besoin de prier. Quand nous sommes seuls devant Dieu, les inclinations du cœur viennent à la lumière, et les duplicités de l’âme tombent. Voilà le désert : un lieu de vie, non de mort, parce que dialoguer dans le silence avec le Seigneur nous redonne vie.
Regardons encore le désert sous un autre biais. Le désert est le lieu de l’essentiel. Regardons notre vie : combien de choses inutiles nous entourent ! Nous poursuivons mille choses qui semblent nécessaires, et qui en réalité ne le sont pas. Comme cela nous ferait du bien de nous libérer de toutes ces réalités superflues, pour redécouvrir ce qui compte, pour retrouver les visages de ceux qui sont à côté de nous ! Là aussi, Jésus nous donne l’exemple en jeûnant. Jeûner, c’est savoir renoncer aux choses vaines, au superflu, pour aller à l’essentiel. Jeûner, ce n’est pas d’abord pour maigrir, jeûner c’est aller à l’essentiel et chercher la beauté d’une vie plus simple.
Le désert enfin est le lieu de la solitude. Aujourd’hui encore, près de nous, il y a beaucoup de déserts. Combien de pauvres et de personnes âgées sont à côté de nous et vivent dans le silence, sans clameur, marginalisés et rejetés ! Parler d’eux n’attire pas les foules, mais le désert nous conduit à eux, à ceux que l’on fait taire et qui demandent notre aide en silence. Combien de regards silencieux qui demandent notre aide ! Le chemin de désert du Carême est un chemin de charité envers celui qui est plus faible.
Prière, jeûne, œuvres de miséricorde : voilà le chemin dans le désert que nous ouvre le Carême. Chers frères et sœurs, par la voie du prophète Isaïe, Dieu a fait cette promesse : « Voici que je fais une chose nouvelle, je vais faire passer un chemin dans le désert » (Is 43,19). Dans le désert, le chemin qui nous conduit de la mort à la vie s’ouvre.
Entrons dans le désert avec Jésus. Nous en sortirons en goûtant Pâques : la puissance de l’amour de Dieu qui renouvelle la vie. Il nous arrivera comme à ces déserts qui fleurissent au printemps, faisant germer à l’improviste, comme du néant, des bourgeons et des plantes. Entrons avec courage dans ce désert du Carême, suivons Jésus dans le désert : avec lui, nos déserts fleuriront.

Catéchèse du mercredi des cendres 26 février 2020



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