Lettre du pape sur saint Joseph et année de saint Joseph
À l’occasion des 150 ans de la déclaration faite par
le bienheureux Pie IX de Saint Joseph comme Patron de l’Église Catholique, le 8
décembre 1870, je voudrais que « la bouche exprime ce qui déborde du
cœur » (cf. Mt 12, 34) et partager avec vous quelques réflexions
personnelles sur cette figure extraordinaire, si proche de la condition humaine
de chacun d’entre nous.
Ce désir a mûri au cours de ces mois de pandémie
durant lesquels nous expérimentons, en pleine crise qui nous frappe, que nos
vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées,
qui ne font pas la une des journaux et des revues ni n’apparaissent dans les
grands défilés du dernier show mais qui, sans aucun doute, sont en train
d’écrire aujourd’hui les évènements décisifs de notre histoire : médecins,
infirmiers et infirmières, employés de supermarchés, agents d’entretien,
fournisseurs de soin à domicile, transporteurs, forces de l’ordre, volontaires,
prêtres, religieuses et tant d’autres qui ont compris que personne ne se sauve
tout seul. Que de personnes font preuve chaque jour de patience et insufflent
l’espérance, en veillant à ne pas créer la panique mais la co-responsabilité !
Que de pères, de mères, de grands-pères et de grands-mères, que d’enseignants
montrent à nos enfants, par des gestes simples et quotidiens, comment affronter
et traverser une crise, en réadaptant les habitudes, en levant le regard et en
stimulant la prière ! Que de personnes prient, offrent et intercèdent pour le
bien de tous (cf. méditation en période de pandémie 27 mars 2020).
Nous pouvons tous trouver en saint Joseph l’homme qui
passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée, un
intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés. Saint
Joseph nous rappelle que tous ceux qui, apparemment, sont cachés ou en “deuxième
ligne“ jouent un rôle inégalé dans l’histoire du salut. À eux tous, une parole
de reconnaissance et de gratitude est adressée.
Saint Joseph a été un père aimé, un père dans la
tendresse, un père obéissant, un père dans l’accueil.
Bien des fois, des évènements dont nous ne comprenons
pas la signification surviennent dans notre vie. Notre première réaction est
très souvent celle de la déception et de la révolte. Joseph laisse de côté ses
raisonnements pour faire place à ce qui arrive et, aussi mystérieux que cela puisse
paraître à ses yeux, il l’accueille, en assume la responsabilité et se
réconcilie avec sa propre histoire. Si nous ne nous réconcilions pas avec notre
histoire, nous ne réussirons pas à faire le pas suivant, parce que nous
resterons toujours otages de nos attentes et des déceptions qui en découlent.
La vie spirituelle que Joseph nous montre n’est pas un
chemin qui explique, mais un chemin qui accueille. C’est seulement à partir de
cet accueil, de cette réconciliation, qu’on peut aussi entrevoir une histoire
plus grande, un sens plus profond. Semblent résonner les ardentes paroles de
Job qui, à l’invitation de sa femme à se révolter pour tout le mal qui lui
arrive, répond : « Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment
ne pas accueillir de même le malheur ? » (Jb 2, 10).
Joseph n’est pas un homme passivement résigné. Il est
fortement et courageusement engagé. L’accueil est un moyen par lequel le don de
force qui nous vient du Saint Esprit se manifeste dans notre vie. Seul le
Seigneur peut nous donner la force d’accueillir la vie telle qu’elle est, de
faire aussi place à cette partie contradictoire, inattendue, décevante de
l’existence.
La venue de Jésus parmi nous est un don du Père pour
que chacun se réconcilie avec la chair de sa propre histoire, même quand il ne
la comprend pas complètement.
Ce que Dieu a dit à notre saint : « Joseph, fils de
David, ne crains pas » (Mt 1, 20), il semble le répéter à nous aussi :
« N’ayez pas peur ! ». Il faut laisser de côté la colère et la
déception, et faire place, sans aucune résignation mondaine mais avec une force
pleine d’espérance, à ce que nous n’avons pas choisi, et qui pourtant existe.
Accueillir ainsi la vie nous introduit à un sens
caché. La vie de chacun peut repartir miraculeusement si nous trouvons le
courage de la vivre selon ce que nous indique l’Évangile. Et peu importe si
tout semble déjà avoir pris un mauvais pli et si certaines choses sont
désormais irréversibles. Dieu peut faire germer des fleurs dans les rochers :
même si notre cœur vient à nous condamner, il « est plus grand que notre cœur,
et il connaît toutes choses » (1 Jn 3, 20).
Donné à Rome le 8 décembre 2020
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