11 juin 2022

Du Pape François

 Les personnes âgées ? les messagers de l’avenir, parce que messagers de la tendresse

 

Parmi les personnages âgés les plus remarquables des Évangiles il y a Nicodème, un notable juif, qui désireux de connaître Jésus, s’est rendu chez lui, mais en secret la nuit (cf. Jn 3, 1-21), et dans la conversation de Jésus avec Nicodème, émerge le cœur de la révélation de Jésus et de sa mission rédemptrice : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle ».

Jésus dit à Nicodème que pour « voir le règne de Dieu », il faut « naître d’en haut ». Il ne s’agit pas de répéter notre venue au monde, de renaître physiquement une autre fois, en espérant nous rouvrir ainsi la possibilité d’une vie meilleure. Cette répétition n’a pas de sens : elle viderait la vie que nous avons vécue de tout sens, l’effaçant comme s’il s’agissait d’une expérience ratée, d’une valeur périmée, d’un vide gaspillé. Non, cette nouvelle naissance dont parle Jésus, c’est autre chose. Notre vie est précieuse aux yeux de Dieu. À ses yeux, c’est la vie de créatures aimées par Lui avec tendresse. La « naissance d’en haut », qui nous permet d'« entrer » dans le règne de Dieu, est une génération dans l’Esprit, un passage à travers les eaux vers la terre promise d’une création réconciliée avec l’amour de Dieu. C’est une renaissance d’en haut, avec la grâce de Dieu.

Nicodème se méprend sur cette naissance, et invoque la vieillesse comme preuve évidente de son impossibilité : l’être humain vieillit inévitablement, le rêve d’une jeunesse éternelle s’éloigne définitivement, et l’usure est le port d’arrivée de toute naissance dans le temps. Comment peut-on imaginer un destin sous la forme d’une naissance ? Raisonnant ainsi, Nicodème ne peut pas comprendre les paroles de Jésus. Cette renaissance dont il parle, qu’est-ce que c’est ?

L’objection de Nicodème est très instructive pour nous, et nous pouvons la renverser, à la lumière de la parole de Jésus, pour découvrir une mission propre à la vieillesse. En effet, la vieillesse non seulement n’est pas un obstacle à la naissance d’en haut dont parle Jésus, mais elle devient le moment opportun pour l’illuminer, en la libérant du malentendu d’une espérance perdue. Notre époque et notre culture, qui révèlent une tendance inquiétante à considérer la naissance d’un enfant comme une simple question de production et de reproduction biologique de l’être humain, cultivent aussi le mythe de l’éternelle jeunesse comme l’obsession, désespérée, d’une chair incorruptible. Pourquoi la vieillesse est-elle, à bien des égards, dépréciée ? Parce qu’elle porte la preuve irréfutable qui récuse ce mythe, qui voudrait nous faire retourner dans le ventre de notre mère pour être éternellement jeunes de corps…

La technique se laisse allécher par ce mythe à tous égards : en attendant de vaincre la mort, nous pouvons maintenir le corps en vie grâce aux médicaments et aux cosmétiques, qui ralentissent, cachent, annulent la vieillesse. Une chose est le bien-être, une autre est d’alimenter des mythes. La confusion entre les deux conduit à une confusion mentale.

Alors qu’on en fait tant pour retrouver cette jeunesse apparente - tant de maquillages, tant de chirurgies pour paraître jeune ! - je me souviens des paroles d’une sage actrice italienne, Magnani, lorsqu’on lui a dit qu’il lui fallait enlever ses rides, et qu’elle a répondu : « Non, non, ne les touchez pas ! Il a fallu tant d’années pour les obtenir : ne les touchez pas ! ». C’est beau, non ? Les rides sont un symbole d’expérience, un symbole de la vie, un symbole de la maturité, un symbole du chemin parcouru. Ne les touchez pas pour paraître jeune ! Ce qui compte, c’est toute la personne. Ce qui compte, c’est le cœur, et le cœur a cette jeunesse du bon vin qui, plus il vieillit, plus se bonifie.

La vie dans la chair mortelle, c’est un espace et un temps trop fugaces pour garder intacte et mener à son terme la partie la plus précieuse de notre existence. La foi, qui accueille l’annonce évangélique du règne de Dieu auquel nous sommes destinés, a un premier effet extraordinaire, dit Jésus, elle nous permet de « voir » le règne de Dieu : elle nous donne de voir réellement les nombreux signes annonçant l’accomplissement de notre destination pour l’éternité de Dieu.

La vieillesse est la condition, accordée à beaucoup d’entre nous, dans laquelle le miracle de cette naissance d’en haut peut être intimement assimilé et devenir crédible pour la communauté humaine. Elle ne communique pas la nostalgie de la naissance dans le temps, mais l’amour pour la destination finale. Dans cette perspective, la vieillesse a une beauté unique : nous marchons vers l’Éternité. Le vieil homme marche vers sa destination, vers le ciel de Dieu, et il marche avec la sagesse de toute une vie.

La vieillesse est donc un moment privilégié pour libérer l’avenir de l’illusion technocratique d’une survie biologique et robotique, mais surtout parce qu’elle ouvre à la tendresse du sein créateur et générateur de Dieu. Ici, je voudrais insister sur ce mot : la tendresse des personnes âgées. Observez un grand-père ou une grand-mère, comment ils regardent leurs petits-enfants, comment ils caressent leurs petits-enfants. Cette tendresse, qui a surmonté les épreuves humaines et qui est capable de donner gratuitement l’amour, la proximité amoureuse pour les autres, cette tendresse ouvre la porte pour comprendre la tendresse de Dieu.

N’oublions pas que l’Esprit de Dieu est proximité, compassion et tendresse. Dieu est ainsi, il sait caresser. Et la vieillesse nous aide à comprendre cette dimension de Dieu qu’est la tendresse. La vieillesse est le moment privilégié pour libérer l’avenir de l’illusion technocratique, c’est le moment de la tendresse de Dieu qui crée, trace un chemin pour nous tous. 

Que l’Esprit nous accorde la réouverture de cette mission spirituelle - et culturelle - de la vieillesse, qui nous réconcilie avec la naissance d’en haut. Lorsque nous pensons à la vieillesse de cette manière, nous nous disons alors : Comment se fait-il que cette culture du déchet décide de se débarrasser des personnes âgées, en les considérant comme non utiles ? Les personnes âgées sont les messagers de l’avenir, ce sont les messagers de la tendresse, les messagers de la sagesse d’une vie assumée.

 

Audience du mercredi 8 juin 2022

 

 

 

 

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