Gardons le regard tourné vers
Jésus crucifié et glorifié,
les morsures du mal ne pourront
plus nous dominer.
La
croix est un gibet de mort, et pourtant, en ce jour de fête, nous célébrons “l'exaltation
de la Croix du Christ“. C’est parce que sur ce bois, Jésus a pris sur lui notre
péché et le mal du monde, et il les a vaincus par son amour. Voilà pourquoi
nous la célébrons aujourd’hui. La Parole de Dieu que nous avons entendue nous
le raconte, en opposant d'une part, les serpents qui mordent, et d'autre part,
le serpent qui sauve. Arrêtons-nous sur ces deux images.
Tout
d'abord, les serpents qui mordent. Ils attaquent le peuple qui est
tombé pour la énième fois dans le péché du murmure. Murmurer contre Dieu ce
n’est pas seulement dire du mal et se plaindre de Lui. Cela signifie, plus
profondément, que dans le cœur des Israélites, la confiance en Lui, en Sa
promesse, a fait défaut. Le peuple de Dieu en effet marche dans le désert vers
la terre promise, et accablé par la fatigue, il ne supporte plus le voyage (cf. Nb 21,4).
Alors il se décourage, il perd espoir, et à un certain moment, c'est comme s'il
oubliait la promesse du Seigneur : ils n'ont plus la force de croire que
c'est Lui qui conduit leur voyage vers une terre riche et féconde.
Ce
n'est pas une coïncidence si, alors que leur confiance en Dieu s'épuise, le
peuple est mordu par des serpents qui tuent. Ceux-ci rappellent le premier
serpent mentionné dans la Bible, dans le livre de la Genèse, le tentateur qui
empoisonne le cœur de l'homme pour le faire douter de Dieu. En effet le diable,
précisément sous la forme d'un serpent, séduit Adam et Ève, les trompe et les
rend méfiants en les convainquant que Dieu n'est pas bon, mais qu'il est plutôt
envieux de leur liberté et de leur bonheur.
À
présent, dans le désert, les serpents reviennent, des « serpents
brûlants », c'est-à-dire que le péché des origines revient : les
Israélites doutent de Dieu, ils ne lui font pas confiance, ils murmurent, se
rebellent contre Celui qui leur a donné la vie, et vont ainsi à leur mort.
Voilà où mène la défiance du cœur !
Chers
frères et sœurs, cette première partie du récit nous demande de regarder de
plus près les moments de notre histoire, personnelle et communautaire, où la
confiance, dans le Seigneur et entre nous, a failli. Combien de fois,
découragés et impatients, nous nous sommes desséchés dans nos déserts, perdant
de vue le but du voyage !
Dans
ce grand pays aussi, il existe un désert qui, tout en offrant un paysage
splendide, nous parle de cette peine, de cette aridité que nous portons parfois
dans notre cœur. Ce sont les moments de fatigue et d'épreuve, dans lesquels
nous n'avons plus la force de regarder vers le haut, vers Dieu. Ce sont les
situations de la vie personnelle, ecclésiale, et sociale, dans lesquelles nous
sommes mordus par le serpent de la méfiance, qui nous injecte
les poisons de la désillusion et du découragement, du pessimisme et de la
résignation, en nous enfermant dans notre ego, en éteignant l'enthousiasme.
Nous
en arrivons à la deuxième image : le Serpent qui sauve. Alors
que le peuple meurt à cause des serpents brûlants, Dieu entend la prière d'intercession
de Moïse et lui dit : « Fais-toi un serpent et dresse-le au sommet d’un
mât : celui qui sera mordu et qui le regardera restera en vie ». Et en
effet, « quand un serpent avait mordu quelqu'un, s'il regardait le serpent
d'airain, il restait en vie » (Nb 21,8 - 9). Nous pourrions toutefois nous demander
pourquoi Dieu, au lieu de donner ces instructions pénibles à Moïse, n'a-t-il
pas simplement détruit les serpents venimeux ?
Cette
manière de faire de Dieu nous révèle sa façon d’agir face au mal, au péché et à
la méfiance de l’humanité. Tout comme maintenant, dans le grand combat
spirituel qui anime l'histoire jusqu'à la fin, Dieu n'anéantit pas les
bassesses que l'homme poursuit librement : les serpents venimeux ne
disparaissent pas, ils sont toujours là, embusqués, et ils peuvent toujours
mordre. Alors que fait Dieu ?
Jésus
l'explique dans l'Évangile : « Comme Moïse a élevé le serpent dans le
désert, il faut que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en
lui ait la vie éternelle » (Jn 3, 14-15). Voilà le tournant :
le Serpent qui sauve est arrivé parmi nous : Jésus qui, élevé sur le bois de la
croix, ne permet pas aux serpents venimeux qui nous assaillent de nous conduire
à la mort. Face à nos bassesses, Dieu nous donne une nouvelle hauteur : si
nous gardons le regard tourné vers Jésus, les morsures du mal ne peuvent plus
nous dominer, parce que sur la croix, il a pris sur Lui le poison du péché et
de la mort et en a anéanti le pouvoir destructeur.
C'est
ce que le Père a fait face à propagation du mal dans le monde : il nous a
donné Jésus, qui s'est fait proche de nous d'une manière telle que nous
n'aurions jamais pu l’imaginer : « Lui qui n'a pas connu le péché,
Dieu l'a fait péché pour nous » (2 Co 5, 21). Telle est
l'infinie grandeur de la miséricorde divine : Jésus qui s'est « fait
péché » pour nous, Jésus qui sur la croix s'est « fait serpent »,
pourrions-nous dire, afin qu’en regardant vers Lui, nous puissions résister aux
morsures empoisonnées des serpents mauvais qui nous assaillent.
Frères
et sœurs, voici la route, la voie de notre salut, de notre renaissance et de
notre résurrection : regarder Jésus crucifié. De cette hauteur, nous
pouvons voir nos vies et l'histoire de nos peuples d'une manière nouvelle. Car
de la Croix du Christ, nous apprenons l'amour, et non la haine. Nous apprenons
la compassion, et non l'indifférence. Nous apprenons le pardon, et non la
vengeance. Les bras ouverts de Jésus sont l'étreinte de tendresse avec laquelle
Dieu veut nous accueillir, et ils nous montrent la fraternité que nous sommes
appelés à vivre entre nous et avec tous. Ils nous montrent le chemin, le chemin
chrétien : non pas le chemin de l'imposition et de la contrainte, du
pouvoir et de l’importance, jamais le chemin qui brandit la croix du Christ
contre d'autres frères et sœurs pour lesquels il a donné sa vie ! La voie
de Jésus, la voie du salut est autre : c'est la voie de l'amour
humble, gratuit et universel, sans “si“ et sans “mais“.
Oui,
parce que sur le bois de la croix, le Christ a enlevé le poison du serpent du
mal, et qu’être chrétien signifie vivre sans poisons : Ne nous
mordons pas, ne murmurons pas, n'accusons pas, ne bavardons pas, ne répandons
pas d’œuvres mauvaises, ne polluons pas le monde avec le péché et la méfiance
qui vient du Malin.
Frères
et sœurs, nous renaissons du côté ouvert de Jésus sur la croix : qu'il n'y
ait pas en nous de poison de mort (cf. Sg 1, 14). Prions
plutôt pour que par la grâce de Dieu, nous devenions de plus en plus
chrétiens : témoins joyeux de la vie nouvelle, de l'amour et de la paix.
Messe du
mercredi 14 septembre 2022 à Noursoultan au Kazakhstan
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.