Là où nous vivons, ouvrons-nous un chemin de paix ?
Aujourd’hui, nous fêtons tous
les saints, et nous pourrions avoir une impression trompeuse. Nous pourrions
penser que nous célébrons ces sœurs et ces frères parce qu’ils ont été parfaits
dans leur vie, toujours linéaires, précis - un peu “amidonnés“. Au contraire, l’Évangile de ce jour dément
cette vision stéréotypée, cette sainteté d’image pieuse. En effet, les béatitudes
de Jésus (Mt 5, 1-12), qui sont la carte d’identité des saints, montrent tout
l’opposé : elles parlent d’une vie à contre-courant, d’une vie “révolutionnaire“ !
Les saints sont les vrais révolutionnaires.
Prenons par exemple une
béatitude très actuelle : « Heureux les artisans de paix », et
nous voyons que la paix de Jésus est très différente de celle que nous
imaginons. Nous désirons tous la paix, mais souvent, ce que nous voulons, ce
n’est pas vraiment la paix. C’est être tranquille, qu’on nous laisse en paix,
ne pas avoir de problèmes, mais plutôt la tranquillité.
Jésus, lui, ne dit pas heureux
ceux qui sont tranquilles, mais ceux qui font la paix et qui luttent pour faire
la paix, les bâtisseurs, les artisans de paix. En effet, la paix se construit,
et comme toutes les constructions, elle requiert un effort, une collaboration,
et de la patience. Nous voudrions que la paix tombe du ciel, mais si la Bible
parle de la « semence de paix » (Zc 8, 12), c’est parce qu’elle germe
sur le terrain de la vie, comme une graine semée dans notre cœur. Elle grandit
dans le silence, jour après jour, à travers des œuvres de justice et de
miséricorde, comme nous le montrent les témoins lumineux que nous fêtons
aujourd’hui.
Nous aurions aussi tendance à
croire que la paix arrive par la force et la puissance, alors que pour Jésus,
c’est le contraire. Sa vie et celle des saints nous disent que pour pousser et
porter du fruit, la semence de paix doit d’abord mourir. On n’atteint pas la
paix en arrivant en conquérant, ou en frappant quelqu’un. La paix n’est jamais
violente, elle n’est jamais armée. Tant de saints et de saintes se sont battus,
oui, et ils ont fait la paix par leur travail, en donnant leur vie, en offrant
leur vie.
Comment faire alors pour
devenir artisans de paix ? Avant tout, il faut désarmer son cœur !
Oui, parce que nous avons tous des pensées agressives, contre l’un, contre
l’autre, avec des mots tranchants prêts à sortir, et nous pensons nous défendre
avec le fil barbelé de nos plaintes, et les murs en ciment de notre
indifférence. Et entre plainte et indifférence, nous nous défendons, mais ce
n’est pas la paix, c’est la guerre.
La semence de paix demande de déminer
le champ de notre cœur… Comment va ton cœur ? Est-il déminé, ou bien
est-il encombré, avec des plaintes et de l’indifférence, avec de
l’agression ? Comment déminer notre cœur ? En nous ouvrant à Jésus
qui est « notre paix » (Eph 2, 14), en nous tenant devant sa Croix
qui est la chaire de sa paix, en recevant de lui, dans la confession, le pardon
et la paix. C’est par là qu’il faut commencer, parce qu’être artisans de paix,
être saints n’est pas à notre portée : c’est un don gratuit que le
Seigneur nous fait, c’est une grâce.
Frères et sœurs, regardons-en
nous-mêmes et demandons-nous : sommes-nous des bâtisseurs de paix ?
Là où nous vivons, où nous étudions et où nous travaillons, portons-nous de la
tension, des paroles qui blessent, des potins qui enveniment, des polémiques
qui divisent ? Ou bien ouvrons-nous un chemin de paix ? Pardonnons-nous
à ceux qui nous ont offensés, prenons-nous soin de ceux qui sont marginalisés,
remédions-nous aux injustices en aidant celui qui a moins ? C’est cela,
construire la paix.
L’on peut se poser une dernière
question : ce chemin des béatitudes, n’est-ce pas un choix perdant ?
Jésus nous donne la réponse : les artisans de paix « seront appelés
fils de Dieu » (Mt 5, 9). Dans le monde, ils semblent être décalés parce
qu’ils ne cèdent pas à la logique du pouvoir et de la prépondérance. Au ciel,
ils seront les plus proches de Dieu, les plus semblables à lui. Et en réalité,
même ici, ceux qui cherchent à l’emporter restent les mains vides, tandis que
celui qui aime tout le monde et ne blesse personne est vainqueur, car comme le
dit le psaume : « un avenir est promis aux pacifiques » (Ps 36,
37).
Que la Vierge Marie, Reine de
tous les saints, nous aide à être des bâtisseurs de paix dans la vie de tous
les jours.
Angélus
de la Toussaint, 1er Novembre 2022
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