19 novembre 2022

Du Pape François

 Dieu attend d’être caressé en nos frères

 

 

Les lectures que nous avons écoutées suscitent en nous, en moi, deux mots : attente et surprise.

L’attente exprime le sens de la vie, parce que nous vivons dans l'attente de la rencontre : la rencontre avec Dieu, qui est le motif de notre prière d'intercession aujourd’hui pour nos défunts, à l’intention desquels nous offrons ce Sacrifice eucharistique.

Nous vivons tous dans l'attente, dans l'espérance de nous entendre adresser un jour ces paroles de Jésus : « Venez, les bénis de mon Père » (Mt 25, 34). Nous sommes dans la salle d'attente du monde pour entrer au paradis, pour prendre part à ce « festin pour tous les peuples » dont nous a parlé le prophète Isaïe (Is 25, 6). Il dit quelque chose qui nous réchauffe le cœur, parce que le Seigneur accomplira précisément nos plus grandes attentes : le Seigneur « fait disparaître la mort à jamais » et « essuie les pleurs sur tous les visages » (v. 8) - c'est si beau quand le Seigneur vient sécher les larmes ! Alors nous pourrons dire : « C’est notre Dieu, en lui nous espérions - celui qui essuie les larmes -, réjouissons-nous du salut qu'il nous a donné » (v. 9). Oui, nous vivons dans l'attente de recevoir des biens si grands et si beaux que nous ne parvenons pas même à les imaginer, parce que, comme nous l'a rappelé l'apôtre Paul, nous sommes « héritiers de Dieu, et cohéritiers avec le Christ » (Rm 8, 17) et « nous attendons de vivre pour toujours, dans l'attente de la rédemption de notre corps » (v. 23).

Frères et sœurs, nourrissons notre attente du Ciel, exerçons-nous dans le désir du paradis. Cela nous fera du bien de nous demander aujourd'hui si nos désirs ont quelque chose à voir avec le Ciel. Parce que nous risquons d'aspirer constamment à des choses qui passent, de confondre nos désirs avec nos besoins, de placer les attentes du monde avant l'attente de Dieu. Mais perdre de vue ce qui compte pour suivre le vent serait la plus grande erreur de notre vie.

Regardons vers le haut, parce que nous sommes en chemin vers le haut, tandis que les choses d'en bas n'iront pas là-haut : les meilleures carrières, les plus grands succès, les titres et reconnaissances les plus prestigieux, les richesses accumulées et les gains sur terre, tout cela disparaîtra en un instant, tout, et toute attente placée là sera déçue pour toujours. Pourtant, combien de temps, combien d'efforts et d'énergie dépensons-nous en nous préoccupant et en nous attristant pour ces choses, en laissant s’affaiblir la tension vers la Maison, en perdant de vue le sens du Chemin, la destination du voyage, l'infini auquel nous tendons, la joie pour laquelle nous respirons !

Demandons-nous : Est-ce que je vis ce que je dis dans le Credo, c'est-à-dire : « J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir » ? Et comment va mon attente ? Suis-je capable d’aller à l’essentiel, ou suis-je distrait par tant de choses superflues ? Est-ce que je cultive l'espérance, ou est-ce que je vais de l’avant - en me plaignant -, parce que je donne trop de valeur à tant de choses qui ne comptent pas et qui passeront ensuite ?

Dans l'attente de demain, l'Évangile d'aujourd’hui nous aide. Et voici le deuxième mot que je voudrais partager avec vous : surprise. Parce que chaque fois que nous écoutons le chapitre 25 de Matthieu, c'est une grande surprise. C’est celle même des protagonistes de la parabole qui disent : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer ? Étranger et de t'accueillir, nu et de te vêtir ? Malade ou prisonnier et de venir te voir ?» (v. 37-39). Quand ? C'est ainsi que s'exprime la surprise de tous, l'étonnement des justes - et le désarroi des injustes.

Quand ?  Nous pourrions le dire nous aussi : nous nous attendrions à ce que le jugement sur la vie et sur le monde se fasse sous le signe de la justice, devant un tribunal résolutoire qui, en examinant chaque élément, fasse la clarté pour toujours sur les situations et les intentions. Au contraire, dans le tribunal divin, le seul chef de mérite et d'accusation est la miséricorde envers les pauvres et les marginalisés : « Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » déclare Jésus (v. 40). Le Très-Haut est venu parmi les plus petits. Qui habite les cieux demeure parmi les plus insignifiants pour le monde. Quelle surprise ! Mais le jugement se fera ainsi parce que c'est Jésus qui l'émettra. Sa mesure est un amour qui va au-delà de nos mesures, et son critère de jugement est la gratuité. Alors pour nous préparer, nous savons ce qu'il faut faire : aimer gratuitement et à fond perdu, sans attendre de retour, celui qui est sur sa liste de préférences, qui ne peut rien nous rendre, qui ne nous attire pas - servir les plus petits.

 Nous disons facilement : Oui, oui..., et nous ajoutons : Mais non, non... Ce sont nos compromis avec l'Évangile : Tout “oui “, mais à la fin, tout “non“. Et ainsi, à force de “mais“ et de “toutefois“, nous faisons de notre vie un compromis avec l'Évangile. De simples disciples du Maître, nous devenons des maîtres de complexité, qui argumentent beaucoup et font peu, qui cherchent des réponses davantage devant l'ordinateur que devant le Crucifix, sur internet plutôt que dans les yeux de nos frères et sœurs. Des chrétiens qui commentent, débattent et exposent des théories, mais ne connaissent même pas le nom d’un pauvre, ne rendent pas visite à un malade depuis des mois, n'ont jamais nourri ou vêtu quelqu'un, n'ont jamais noué d'amitié avec une personne indigente,  oubliant que «le programme du chrétien, c’est un cœur qu'il voit» (Benoît XVI, Deus caritas est, n. 31).

Quand ?  se demandent surpris tant les justes que les injustes. Il y a une seule réponse : le quand est maintenant, aujourd’hui, à la sortie de cette Eucharistie. Maintenant, aujourd'hui. Il est entre nos mains, dans nos œuvres de miséricorde, et non pas dans les mises au point et les analyses raffinées, ou dans les justifications individuelles ou sociales. Il est entre nos mains, et nous sommes responsables.

Aujourd'hui, le Seigneur nous rappelle que la mort fait la vérité sur notre vie. Frères, sœurs, nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas. Nous ne pouvons pas confondre la réalité de la beauté avec le maquillage artificiel. L'Évangile explique comment vivre l’attente : on va à la rencontre de Dieu en aimant, parce qu'Il est amour. Et le jour de notre congé, la surprise sera heureuse si maintenant nous nous laissons surprendre par la présence de Dieu qui nous attend, parmi les pauvres et les blessés du monde. N’ayons pas peur de cette surprise : allons de l'avant dans les choses que l'Évangile nous dit, pour être jugés justes à la fin.

Dieu attend d'être caressé en nos frères, non pas avec des paroles, mais avec des actes.

 

2 novembre 2022 Messe pour les cardinaux et évêques décédés au cours de l’année

 

 

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