Embrassons la culture du soin
Chers
jeunes, je vous remercie d’être ici, de nations différentes et avec tant
d’enthousiasme ! Je suis content d’avoir vu au Royaume du Bahreïn un lieu
de rencontre et de dialogue entre cultures et croyances diverses. Et
maintenant, en vous regardant, vous qui n’êtes pas de la même religion et qui
n’avez pas peur d’être ensemble, je pense que sans vous, cette coexistence des
différences ne serait pas possible, et elle n’aurait pas d’avenir !
Dans
la pâte du monde, vous êtes le bon levain destiné à grandir, à surmonter nombre
de barrières sociales et culturelles et à promouvoir des germes de fraternité
et de nouveauté. C’est vous les jeunes qui, comme des voyageurs
inquiets, ouverts à l’inédit, ne craignez pas de vous confronter, de
dialoguer, de “faire du bruit” et de vous mêler aux autres, devenant la base
d’une société amie et solidaire. Et cela, chers amis, est fondamental dans les
contextes complexes et pluralistes dans lesquels nous vivons : faire
tomber certaines barrières pour inaugurer un monde à dimension plus humaine,
plus fraternel, même si cela signifie affronter de nombreux défis.
À
partir de vos témoignages et de vos interrogations, je voudrais vous
adresser trois petites invitations, non pas tant pour vous enseigner
quelque chose, que pour vous encourager. La première
invitation : embrasser la “culture du soin“. Prendre soin c’est
développer une attitude intérieure d’empathie, un regard attentif qui nous fait
sortir de nous-mêmes, une présence aimable qui vainc l’indifférence et nous
pousse à nous intéresser aux autres. Voilà le tournant, le début de la
nouveauté, l’antidote contre un monde fermé qui, imprégné d’individualisme,
dévore ses enfants ; contre un monde emprisonné par la tristesse qui
engendre l’indifférence et la solitude. Je me permets de vous dire : Que
de mal fait l’esprit de tristesse, que de mal ! Car si nous n’apprenons pas
à prendre soin de ce qui nous entoure - des autres, de la ville, de la société,
de la création - nous finissons par passer notre vie comme ceux qui courent, se
fatiguent, font beaucoup de choses, mais à la fin, restent tristes et seuls
parce qu’ils n’ont jamais goûté à fond la joie de l’amitié et de la gratuité.
Et ils n’ont pas donné au monde cette touche unique de beauté qu’eux seuls pouvaient
donner, et personne d’autre.
En
tant que chrétien, je pense à Jésus et je vois que son action a toujours été animée
par le soin. Il a soigné les relations avec tous ceux qu’il rencontrait dans
les maisons, dans les villes et le long du chemin : il a regardé dans les
yeux les personnes, il a prêté l’oreille à leurs demandes d’aide, il s’est fait
proche et a touché de ses mains leurs blessures. Vous, est-ce que vous regardez
les personnes dans les yeux ? Jésus est entré dans l’histoire
pour nous dire que le Très-Haut prend soin de nous, pour nous rappeler que se
tenir du côté de Dieu c’est prendre soin de quelqu’un et de quelque chose,
spécialement des plus nécessiteux.
Chers
amis, comme il est beau de devenir amateurs du soin, artistes des
relations ! Mais cela réclame, un entraînement constant. Et donc n’oubliez
pas d’abord d’avoir soin de vous-mêmes : pas tant de l’extérieur, mais de
l’intérieur, de la partie la plus cachée et précieuse de vous. Laquelle ?
Votre âme, votre cœur ! Et comment fait-on pour soigner le cœur ?
Essayez de l’écouter en silence, de définir des espaces pour être en contact avec
votre intériorité, pour sentir le don que vous êtes, pour accueillir votre
existence et ne pas la laisser devenir incontrôlable. Ne soyez jamais des
“touristes de la vie” qui ne la regardent que de l’extérieur. Dans le
silence, en suivant le rythme de votre cœur, parlez à Dieu. Parlez-lui de vous,
de ceux que vous rencontrez chaque jour et qu’Il vous donne comme compagnons de
voyage. Portez-lui les visages, les situations heureuses et douloureuses car il
n’y a pas de prière sans relations, et il n’y a pas de joie sans amour.
Et
l’amour, vous le savez, n’est pas un feuilleton télévisé ni un film
romantique : aimer c’est avoir à cœur l’autre, prendre soin de l’autre,
offrir son temps et ses dons à ceux qui en ont besoin, risquer pour faire de la
vie un don qui engendre une vie de plus. Risquer ! Chers amis, s’il vous
plaît, n’oubliez jamais une chose : vous êtes tous, sans exception, un
trésor, un trésor unique et précieux. Donc ne gardez pas votre vie dans un
coffre-fort en pensant qu’il vaut mieux s’épargner, et que le moment de la
dépenser n’est pas encore venu ! Beaucoup d’entre vous sont ici de
passage, pour des raisons professionnelles et souvent pour un temps déterminé.
Cependant, si nous vivons avec la mentalité du touriste, nous ne saisissons pas
le moment présent et nous risquons de jeter des morceaux entiers de vie !
Qu’il est beau au contraire, de laisser maintenant une bonne trace
sur le chemin, en prenant soin de la communauté, des camarades de classe, des
collègues de travail, de la création… Il nous est bon de nous demander :
quelle trace suis-je en train de laisser maintenant, ici où je vis, dans le
lieu où la Providence m’a mis ?
Et
voici la deuxième invitation que je voudrais vous adresser : Semez la
fraternité. C’est vrai, soyez des champions de fraternité, hors des
terrains de jeu ! C’est le défi d’aujourd’hui pour gagner demain, le défi
de nos sociétés, toujours plus globalisées et multiculturelles. Vous voyez,
tous les outils et la technologie que la modernité nous offre ne suffisent pas
à rendre le monde pacifique et fraternel, les vents de guerre ne s’apaisent pas
avec le progrès technique. Nous constatons avec tristesse que dans de
nombreuses régions, les tensions et les menaces augmentent, et parfois même
s’embrasent dans les conflits. Mais cela arrive souvent parce qu’on ne
travaille pas sur le cœur, parce qu’on laisse les distances se creuser avec les
autres.
À
vous, les jeunes, qui êtes plus directs et plus capables de créer des contacts
et des amitiés, en dépassant les préjugés et les barrières idéologiques, je
voudrais dire : Soyez des semeurs de fraternité et vous serez des
récolteurs d’avenir, car le monde n’aura d’avenir que dans la fraternité !
C’est une invitation que je trouve au cœur de ma foi. « En effet, dit la
Bible, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu,
qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui :
celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère » (1 Jn 4,
20-21). Oui, Jésus demande de ne jamais séparer l’amour pour Dieu de l’amour
pour le prochain, en nous faisant nous-mêmes proches de tous (Lc 10,
29-37). De tous, pas seulement de ceux qui nous plaisent. Vivre en frères et
sœurs est la vocation universelle confiée à toute créature.
En
vous, les jeunes, le désir de voyager, de connaître de nouvelles terres, de
dépasser les frontières des lieux habituels est vif. Je voudrais vous
dire : Sachez voyager aussi en vous, élargir les frontières intérieures
pour que tombent les préjugés sur les autres, pour que se rétrécisse l’espace
de la méfiance, pour que s’abattent les barrières de la peur, pour que germe
l’amitié fraternelle ! Là aussi, laissez-vous aider par la prière qui
élargit le cœur et qui, en nous ouvrant à la rencontre avec Dieu, nous aide à
voir en qui nous rencontrons un frère et une sœur.
Je
voudrais vous faire encore une troisième invitation : elle concerne le
défi de faire des choix dans la vie. Vous le savez bien par
l’expérience de chaque jour : il n’y a pas de vie sans défis à affronter.
Et toujours, face à un défi, comme devant un carrefour, il faut choisir,
s’impliquer, risquer, décider. Mais cela nécessite une bonne stratégie. On ne
peut pas improviser en vivant seulement de l’instinct ou seulement dans
l’instant présent ! Et comment faut-il faire pour se préparer, pour
entraîner sa capacité à choisir, sa créativité, son courage, sa ténacité ?
Comment affiner le regard intérieur, apprendre à juger les situations, à saisir
l’essentiel ? Il s’agit de grandir dans l’art de s’orienter dans les
choix, de prendre les bonnes directions. C’est pourquoi la troisième invitation
est de faire des choix dans la vie, des choix justes.
Eh
bien, mon conseil quel est-il ? Avancer sans peur, et jamais
seuls ! Deux choses : avancer sans peur, et jamais seuls. Dieu
ne vous laisse pas seuls mais, pour vous donner un coup de main, il attend que
vous le lui demandiez. Il nous accompagne et nous guide. Non pas par des
prodiges et des miracles, mais en parlant délicatement à travers nos pensées et
nos sentiments, et aussi par l’intermédiaire de nos professeurs, de nos amis,
de nos parents, et de toutes les personnes qui veulent nous aider.
Il
faut alors apprendre à distinguer sa voix, la voix de Dieu qui nous parle. Et
comment apprenons-nous cela ? Comme tu nous le disais, Merina : par
la prière silencieuse, le dialogue intime avec Lui, en gardant dans notre cœur
ce qui nous fait du bien et qui nous donne la paix.
La
paix est un signe de la présence de Dieu. Cette lumière de Dieu éclaire le
labyrinthe de pensées, d’émotions et de sentiments dans lequel nous nous
déplaçons souvent. Le Seigneur désire éclairer votre intelligence, vos pensées
les plus intimes, les aspirations que vous portez dans votre cœur, les
jugements qui mûrissent en vous. Il veut vous aider à distinguer ce qui est
essentiel de ce qui est superflu, ce qui est bon de ce qui fait mal, à vous et
aux autres, ce qui est juste de ce qui crée injustice et désordre. Rien n’est
étranger à Dieu de ce qui se passe en nous, rien, mais souvent c’est nous qui
nous éloignons de Lui, qui ne Lui confions pas les personnes et les situations,
qui nous enfermons dans la crainte et la honte. Non, nourrissons dans la prière
la certitude réconfortante que le Seigneur veille sur nous, qu’il ne s’endort
pas mais nous regarde et nous garde toujours.
Chers
jeunes, rappelez-vous de moi dans vos prières, je ferai de même pour vous, en
vous portant dans le cœur. Merci !
Aux
jeunes rencontrés le samedi 5 novembre 2022 à Awali à Bahrein
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