Dieu ne se lasse jamais de pardonner
« Nous pouvons marcher dans une vie nouvelle »
(Rm 6,4) : c’est ce qu’écrit l’apôtre Paul aux premiers chrétiens de l’Église
de Rome. Mais quelle est la vie nouvelle dont il parle ? C’est la vie née du
Baptême, qui nous plonge dans la mort et la résurrection de Jésus, et fait de
nous pour toujours des enfants de Dieu, des enfants de la résurrection destinés
à la vie éternelle, orientés vers les choses d’en haut. C’est la vie qui nous
fait avancer vers notre identité la plus vraie, celle d’être des enfants bien-aimés
du Père, de sorte que toute peine et tout obstacle, tout labeur et toute
tribulation ne peuvent prévaloir sur cette merveilleuse réalité qui nous fonde
: nous sommes des enfants du bon Dieu.
Nous avons entendu que saint Paul
associe la vie nouvelle à un verbe : “marcher“. Ainsi, la vie nouvelle,
commencée dans le Baptême, est un voyage, et il n’y a pas de retraite sur ce
chemin : sur ce chemin, personne ne recule - on avance toujours.
Mais après tant de pas sur le
chemin, peut-être avons-nous perdu de vue la vie sainte qui coule en nous.
Plongés jour après jour dans un rythme répétitif, pris par mille choses,
déconcertés par tant de messages, nous cherchons partout des satisfactions et
des nouveautés, des stimuli et des sensations positives, mais nous oublions
qu’une vie nouvelle coule déjà en nous, et que comme la braise sous la cendre,
elle attend de tout brûler et de tout illuminer.
Lorsque nous sommes occupés par
tant de choses, pensons-nous à l’Esprit Saint qui est en nous et qui nous guide
? Il m’arrive souvent de ne pas penser à lui, et ce n’est pas bon. Être ainsi
absorbés par tant de soucis nous fait oublier le vrai chemin que nous suivons
dans la vie nouvelle. Il faut chercher la braise sous la cendre, cette cendre
qui s’est installée dans le cœur et qui recouvre la beauté de notre âme, qui la
dissimule.
Dieu qui dans la vie nouvelle est
notre Père, nous apparaît alors comme un maître, et au lieu de nous confier à
lui, nous passons un contrat avec lui. Au lieu de l’aimer, nous le craignons,
et les autres, au lieu d’être des frères, enfants du même Père, nous
apparaissent comme des obstacles et des adversaires. Il existe une mauvaise
habitude, celle de transformer nos compagnons de route en adversaires - et nous
le faisons si souvent ! Les défauts de notre prochain nous apparaissent
exagérément, et ses qualités nous restent cachées… Combien de fois sommes-nous
inflexibles envers les autres, et indulgents envers nous-mêmes, et nous nous
sentons poussés par une force irrésistible à faire le mal que nous voudrions
éviter (cf. Rm 7,19).
En définitive, après avoir
brouillé le visage de Dieu, brouillé celui de nos frères, et estompé la
grandeur qui est en nous, nous continuons notre chemin - mais combien de fois
nous fatiguons-nous de marcher et perdons-nous le sens de la marche ? Nous restons
immobiles, ou même pas immobiles, juste inactifs. Frères, sœurs, quel est le
chemin pour reprendre la voie de la vie nouvelle en ce Carême ?
Eh bien c’est le chemin du pardon
de Dieu. Mettez ceci dans votre esprit et dans votre cœur : Dieu ne se lasse
jamais de pardonner. Avez-vous entendu cela ? Mais le drame, c’est que c’est
nous qui nous fatiguons de demander pardon ! Lui ne se lasse jamais de
pardonner, et le pardon divin fait de nous des hommes nouveaux, comme de
nouveaux baptisés. Il nous purifie de l’intérieur, nous ramène à l’état de
notre renaissance baptismale. Il fait couler à nouveau les eaux fraîches de la
grâce dans nos cœurs desséchés par la tristesse, et salis par le péché. Le
Seigneur enlève les cendres des braises de l’âme, nettoie les taches
intérieures qui nous empêchent de faire confiance à Dieu, d’embrasser nos
frères, de nous aimer nous-mêmes. Il pardonne tout.
Écoutez bien : Dieu pardonne
tout, et il ne se lasse jamais de pardonner. Le pardon de Dieu nous transforme
de l’intérieur : il nous donne une nouvelle vie et un nouveau regard. Il
prépare nos yeux à voir Dieu - et Dieu ne peut être vu que si le cœur est
purifié. Mais qui peut faire cette purification ? Seul Dieu connaît et guérit
le cœur, seul Dieu est capable de connaître et de guérir le cœur, Lui seul peut
le libérer du mal.
Pour cela, nous devons lui
apporter notre cœur ouvert, et contrit, et nous devons imiter le lépreux de
l’Évangile qui le prie : « Si tu le veux, tu peux me purifier » (Mc 1,40).
C’est une belle prière, et nous pouvons la répéter tous ensemble ici : « Seigneur,
si tu le veux, tu peux me purifier ». Puis disons-le maintenant silencieusement
au Seigneur : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier » - Il le peut !
Certains pensent : Mais ce péché
est trop grave, le Seigneur ne pourra pas !… Le Seigneur pardonne tout, le
Seigneur ne se lasse jamais de pardonner. Répétez-le : « Le Seigneur ne se
lasse jamais de pardonner ». Le Seigneur le veut parce qu’il veut que nous
soyons renouvelés, libres, légers à l’intérieur, heureux et en chemin, et non
pas garés sur les chemins de la vie. Il sait combien il est facile pour nous de
trébucher, de tomber et de sombrer, et il veut nous relever.
J’ai vu une belle image où le
Seigneur se penche pour nous relever, et c’est ce que le Seigneur fait chaque
fois que nous nous confessons. Ne l’affligeons pas, ne remettons pas à plus
tard la rencontre avec son pardon, car ce n’est que si nous sommes relevés par
lui que nous pourrons nous redresser et voir la défaite de notre péché, effacé
pour toujours.
Le péché est toujours une
défaite, mais Lui est vainqueur du péché : Il est la Victoire, et le pardon est
le début de la vie nouvelle : commencée dans le Baptême, elle recommence dans
le pardon. Ne renonçons pas au pardon de Dieu, au sacrement de la Réconciliation.
Ce n’est pas une pratique de dévotion, mais le fondement de l’existence
chrétienne. Il ne s’agit pas d’examiner nos péchés, mais de nous reconnaître
pécheurs et de nous jeter dans les bras de Jésus crucifié pour être libérés. Ce
n’est pas un geste moralisateur, mais la résurrection du cœur.
Le Seigneur ressuscité nous
ressuscite tous. Allons donc recevoir le pardon de Dieu et sentons-nous, nous
qui l’administrons, dispensateurs de la joie du Père qui retrouve son fils
perdu. Sentons que nos mains, posées sur la tête des fidèles, sont les mains
transpercées par la miséricorde de Jésus, qui transforme les blessures du péché
en canaux de la miséricorde. Et nous, confesseurs, sentons que le « pardon et
la paix » que nous proclamons sont la caresse de l’Esprit Saint dans le cœur
des fidèles.
Chers frères, pardonnons ! Chers
frères prêtres, pardonnons, pardonnons toujours comme Dieu qui ne se lasse
jamais de pardonner, et nous nous trouverons nous-mêmes. Accordons toujours le
pardon à ceux qui le demandent et aidons ceux qui ont peur à s’approcher avec
confiance du sacrement de la guérison et de la joie.
Remettons le pardon de Dieu au
centre de l’Église.
Célébration pénitentielle à la
paroisse saint Pie V à Rome, 8 mars 2024
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