Nous avons besoin de son tendre
regard
Nous avons entendu que Jésus
regarda sa Mère. Du haut de la Croix, il la regarda, et en nous
montrant, il lui dit : « Voici ton Fils, voici tes
enfants ».
Lorsque Marie perçut ce regard de
Jésus, elle se souvint sans doute du moment où, trente ans en
arrière, quand elle était toute jeune, elle perçut l’autre
regard à l’origine de sa joie : le regard du Père. Elle
comprit que le Père avait regardé sa petitesse, avait regardé
cette petite Marie, notre Mère, elle que nous sommes venus voir
aujourd’hui pour rencontrer son regard.
Son regard est comme la
prolongation du regard du Père, qui l’a regardée en sa jeunesse
et qui a fait qu’elle devienne la Mère de Dieu. Tout comme le
Fils, sur la croix, nous a regardés et a fait d’elle notre Mère,
c’est avec ce regard qu’elle nous regarde aujourd’hui. Nous,
après une longue route, nous arrivons en ce lieu de repos - le
regard de la Sainte Vierge est bien un lieu de repos -, pour lui
parler de nous.
Nous avons besoin de ce tendre
regard, de ce regard de Mère, un regard qui perce notre âme. Son
regard est plein de compassion et de bienveillance. Nous lui disons
alors : Offre-nous ton regard. En effet, le regard de la Vierge
est un cadeau - on ne saurait l’acheter -, c’est un cadeau pour
nous. C’est un cadeau du Père et un cadeau de Jésus sur la Croix.
Ô Mère, offre-nous ton regard !
Nous venons la remercier parce que
son regard est rivé sur toutes nos histoires, celles que chacun de
nous connaît, l’histoire cachée de notre vie, une histoire faite
de problèmes et de joies. Après notre longue route, fatigués, nous
retrouvons son regard qui nous console et nous lui disons : Ô
Mère, offre-nous ton regard !
Dans le regard de la Vierge, il y
a un cadeau permanent pour nous : c’est le cadeau de la
miséricorde de Dieu qui l’a regardée dans sa jeunesse et en a
fait sa Mère, de la miséricorde de Dieu qui l’a regardée du haut
de la Croix et en a fait notre Mère. De cette miséricorde du bon
Dieu qui nous attend à tous les tournants. Et voulant trouver ce bon
Dieu, nous disons aujourd’hui à notre Mère : Ô Mère,
offre-nous ton regard !
Or nous ne sommes pas ici tout
seuls : nous sommes nombreux, nous sommes un peuple, et le
regard de la Vierge nous aide à nous regarder entre nous autrement.
Nous apprenons à être plus frères, puisque c’est notre Mère qui
nous regarde. Nous apprenons à avoir un regard qui cherche à
racheter, à entourer, à protéger, nous apprenons à regarder avec
son regard de Mère.
Le regard de la Vierge nous aide à
regarder ceux que d’habitude nous regardons le moins, ceux qui en
ont le plus besoin : les plus démunis, les malades, ceux qui
n’ont plus rien pour vivre, les gosses des rues, ceux qui ne
connaissent pas Jésus, ceux qui ne connaissent pas la tendresse de
la Vierge, les jeunes qui ne tournent pas rond.
N’ayons pas peur d’aller au
devant de nos frères et de les regarder avec ce regard de la Vierge
qui nous rend frères. Nous tisserons ainsi, petit à petit, avec
notre cœur et notre regard, cette culture de la rencontre dont nous
avons tant besoin.
Pour finir, ne laissons rien
s’interposer entre nous et ce regard de la Vierge : Mère,
offre-nous ton regard, que personne ne me le cache ! Que mon
cœur d’enfant sache le protéger de tous ces marchands
d’illusions, de tout regard cupide, avide d’une vie facile, de
promesses intenables. Ne les laissons pas nous voler le regard de la
Vierge, ce regard de tendresse qui nous fortifie intérieurement, un
regard qui nous rend forts, qui nous rend frères, qui nous rend
solidaires.
Mère, fais que je ne perde pas le
nord de ton regard, et nous te demandons : Ô Mère, fais-moi
cadeau de ton regard ! Fais que je n’oublie jamais que tu me
regardes toujours avec la même tendresse, et que ce regard m’aide
à regarder les autres, à rencontrer Jésus Christ , à faire en
sorte d’être plus frère, plus solidaire, plus ouvert aux autres.
Ô Mère, fais-nous cadeau de ton
regard !
Homélie du Cardinal Bergoglio
pour le pèlerinage annuel à pied des jeunes à Notre Dame de Lujan en 1999
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