Allez
et annoncez, allez et embrassez !
« Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur. Je le répète :
Réjouissez-vous ! » Une invitation qui secoue fortement notre
vie. « Réjouissez-vous », nous dit Paul avec une force
presqu’impérative. Une invitation qui fait écho au désir d’une
vie pleine, d’une vie ayant un sens, d’une vie joyeuse, que tous
nous nourrissons. C’est comme si Paul avait la capacité d’entendre
chacun de nos cœurs et prêtait sa voix à ce que nous sentons, à
ce que nous vivons. Il y a quelque chose en nous qui nous invite à
la joie et à ne pas nous satisfaire de placébos qui simplement
veulent nous apaiser.
Mais d’autre part, nous vivons les tensions de la vie quotidienne.
Les situations qui semblent remettre en cause cette invitation sont
nombreuses. La dynamique même à laquelle souvent nous sommes soumis
semble nous conduire à une résignation triste qui peu à peu se
transforme en accoutumance, avec une conséquence fatale :
l’anesthésie du cœur.
Voulons-nous, oui ou non, que la résignation soit le moteur de notre
vie ? Voulons-nous, oui ou non, que l’accoutumance s’empare de
nos vies ? Pour cela, nous pouvons nous demander : comment faire pour
que notre cœur ne s’anesthésie pas ? Comment approfondir la joie
de l’Évangile dans les différentes situations de notre vie ?
Jésus l’a dit aux disciples d’hier et il nous le dit aujourd’hui
: Allez, annoncez ! La joie de l’Évangile, on l’expérimente, on
la connaît et on la vit uniquement en la donnant, en se donnant.
L’esprit du monde nous invite au conformisme, au confort. Face à
cet esprit humain, “il faut reprendre conscience que nous avons
besoin les uns des autres, que nous avons une responsabilité
vis-à-vis des autres et du monde“ (Laudato si’, n. 229),
la responsabilité d’annoncer le message de Jésus. En effet, la
source de notre joie naît de ce désir inépuisable d’offrir la
miséricorde, fruit de l’expérience de l’infinie miséricorde du
Père et de sa force communicative (cf. Evangelii gaudium,
n. 24). Allez annoncer à tous en oignant et allez oindre en
annonçant.
C’est à cela que le Seigneur nous invite aujourd’hui en nous
disant : La joie, le chrétien l’expérimente dans la mission -
allez vers les peuples de toutes les nations ! La joie, le
chrétien la trouve dans une invitation : Allez et annoncez ! La
joie, le chrétien la renouvelle, l’actualise à travers un appel :
Allez et oignez !
Jésus les envoie à toutes les nations, à tous les peuples. Et dans
ce « toutes » d’il y a 2 000 ans, nous étions
inclus nous aussi. Jésus ne nous donne pas une liste sélective de
celui qui est digne ou pas, de ceux qui sont dignes ou pas de
recevoir son message, sa présence. Au contraire, il a toujours
embrassé la vie comme elle se présentait à lui, avec un visage de
douleur, de faim, de maladie, de péché, avec un visage de
blessures, de soif, de fatigue, avec un visage de doutes et de pitié.
Loin d’attendre une vie maquillée, décorée, parée, il l’a
embrassée comme elle venait à sa rencontre, même si c’était une
vie qui souvent apparaissait défaite, souillée, détruite.
À tous, Jésus a dit : Allez et annoncez, allez et embrassez,
en mon nom, toute cette vie comme elle est, et non comme il nous
plairait qu’elle soit. Allez à la croisée des chemins, allez
annoncer sans peur, sans préjugés, sans supériorité, sans
purisme, à tous ceux qui ont perdu la joie de vivre, allez annoncer
l’embrassade miséricordieuse du Père. Allez vers ceux qui vivent
avec le poids de la douleur, de l’échec, du sentiment d’une vie
tronquée, et annoncez la folie d’un Père qui cherche à les
oindre avec l’huile de l’espérance, du salut. Allez annoncer que
l’erreur, les illusions trompeuses, les faux pas n’ont pas le
dernier mot dans la vie d’une personne. Allez avec l’huile qui
calme les blessures et restaure le cœur.
La mission ne naît jamais d’un projet parfaitement élaboré ou
d’un manuel très structuré et planifié. La mission naît
toujours d’une vie qui s’est sentie recherchée et guérie,
rencontrée et pardonnée. La mission naît de l’expérience
toujours renouvelée de l’onction miséricordieuse de Dieu.
L’Église, le peuple saint de Dieu, sait parcourir les chemins
poussiéreux de l’histoire, parsemés de conflits, d’injustices
et de violence, pour aller à la rencontre de ses fils et frères. Le
saint peuple fidèle de Dieu ne craint pas l’erreur : il
craint l’enfermement, la cristallisation en élites, le fait de
s’accrocher à des sécurités personnelles. Il sait que
l’enfermement sous ses multiples formes est la cause de tant de
résignations.
Par conséquent, sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus
Christ (cf. Evangelii gaudium, n. 49) ! Le peuple de
Dieu sait s’engager parce qu’il est disciple de Celui qui s’est
agenouillé devant les siens pour leur laver les pieds (cf. Evangelii
gaudium, n. 24), et aujourd’hui, nous sommes les débiteurs
d’une tradition, d’une chaîne de témoins qui ont permis que la
Bonne Nouvelle de l’Évangile continue d’être, de génération
en génération, nouvelle, et bonne.
Homélie
de la messe du 23 septembre 2015
au
sanctuaire de l’Immaculée Conception à Washington
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