15 juin 2019

Du Pape François


Esprit Saint, harmonie de Dieu, viens en nous !

Pour les disciples, la Pentecôte est arrivée après cinquante jours incertains. D’une part, Jésus était ressuscité et pleins de joie, ils l’avaient vu et écouté, ils avaient aussi mangé avec Lui. D’autre part, ils n’avaient pas encore surmonté les doutes et les peurs : ils demeuraient enfermés, avec peu de perspectives, incapables d’annoncer le Vivant.
Puis arrive l’Esprit Saint, et les préoccupations disparaissent : maintenant les Apôtres ne craignent plus, même devant celui qui les arrête. Ils étaient tout d’abord préoccupés de sauver leur vie, maintenant ils n’ont plus peur de mourir. Avant, ils étaient enfermés dans le Cénacle, maintenant ils annoncent à tous les peuples.
Jusqu’à l’Ascension de Jésus, ils attendaient le Règne de Dieu pour eux (cf. Ac 1, 6), maintenant ils sont impatients d’atteindre des confins inconnus. Avant, ils n’avaient presque jamais parlé en public, et lorsqu’ils l’avaient fait, ils avaient souvent dit un peu n’importe quoi, comme Pierre qui avait renié Jésus. Maintenant ils s’adressent avec franc-parler à tous. L’histoire des disciples qui semblait toucher à sa fin, est maintenant renouvelée par la jeunesse de l’Esprit : ces jeunes qui, en proie à l’incertitude, croyaient toucher le terme, ont été transformés par une joie qui les a fait renaître, et c’est ’Esprit Saint qui a fait cela.
L’Esprit n’est pas une chose abstraite : c’est la Personne la plus concrète, la plus proche, celle qui change notre vie. Comment fait-il ? Regardons les Apôtres. L’Esprit ne leur a pas rendu les choses plus faciles, il n’a pas fait des miracles spectaculaires, il n’a pas écarté les problèmes et les opposants, mais l’Esprit a apporté dans la vie des disciples une harmonie qui manquait, la sienne, parce qu’Il est harmonie.
Harmonie à l’intérieur de l’homme. A l’intérieur, dans le cœur, les disciples avaient besoin d’être changés. Leur histoire nous dit que même le fait de voir le Ressuscité ne suffit pas si on ne L’accueille pas dans le cœur. Il ne suffit pas de savoir que le Ressuscité est vivant si on ne vit pas comme des ressuscités. Et c’est l’Esprit qui fait vivre et revivre Jésus en nous, qui nous ressuscite intérieurement.
Pour cela, Jésus rencontrant les siens, répète : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20, 19.21) et il donne l’Esprit. La paix ne consiste pas à résoudre les problèmes de l’extérieur - Dieu n’enlève pas aux siens les tribulations et les persécutions -, mais à recevoir l’Esprit Saint. Cette paix donnée aux Apôtres, cette paix qui ne libère pas des problèmes, mais qui est donnée au milieu des problèmes, elle est offerte à chacun de nous.
C’est une paix qui rend le cœur semblable à la mer profonde qui est toujours tranquille, même lorsqu’en surface, les vagues s’agitent. C’est une harmonie si profonde qu’elle peut même transformer les persécutions en béatitudes. Mais combien de fois, au contraire, nous restons en surface ! Au lieu de chercher l’Esprit, nous tentons de nous en sortir, pensant que tout ira mieux si tel malheur passe, si je ne vois plus telle personne, si telle situation s’améliore. Mais ça, c’est rester à la surface : passé un problème, un autre arrivera, et l’inquiétude reviendra. Ce n’est pas en prenant les distances par rapport à celui qui ne pense comme nous que nous serons sereins, ce n’est pas en cherchant à résoudre les problèmes du moment que nous serons en paix. Le tournant est la paix de Jésus, l’harmonie de l’Esprit.
Aujourd’hui, dans la précipitation que notre époque nous impose, il semble que l’harmonie soit mise de côté : tiraillés de mille parts, nous risquons d’exploser, sollicités que nous sommes par une nervosité continuelle, qui nous fait réagir négativement à tout. On cherche la solution rapide, une pilule après l’autre pour pouvoir aller de l’avant, une émotion après l’autre pour se sentir vivants.
Mais nous avons surtout besoin de l’Esprit : c’est lui qui met de l’ordre dans la frénésie. Il apporte la paix dans l’inquiétude, la confiance dans le découragement, met la joie au cœur de la tristesse, la jeunesse au cœur de la vieillesse, le courage dans l’épreuve. C’est Celui qui, au milieu des courants tempétueux de la vie, fixe l’ancre de l’espérance. C’est l’Esprit qui, comme le dit aujourd’hui Saint Paul, nous interdit de retomber dans la peur, parce qu’il nous fait nous sentir fils aimés (cf. Rm 8, 15). C’est le Consolateur qui nous transmet la tendresse de Dieu. Sans l’Esprit, la vie chrétienne est effilochée, privée de l’amour qui unit tout. Sans l’Esprit, Jésus demeure un personnage du passé, mais avec l’Esprit, il est une personne vivante, aujourd’hui. Sans l’Esprit, l’Écriture est lettre morte. Avec l’Esprit elle est Parole de vie. Un christianisme sans l’Esprit est un moralisme sans joie. Avec l’Esprit il est vie.
L’Esprit Saint n’apporte pas seulement l’harmonie au-dedans, mais aussi au dehors, entre les hommes. Il nous fait Église, il assemble des parties différentes en un unique édifice harmonieux. Saint Paul l’explique bien, lui qui, en parlant de l’Église, répète souvent ce mot : “variés” - « les dons de la grâce sont variés, les services sont variés, les activités sont variées » (1 Co 12, 4-6). Nous sommes différents dans la variété des qualités et des dons. L’Esprit les distribue avec fantaisie, sans aplatir, sans homologuer. Et à partir de cette diversité, il construit l’unité. Il fait ainsi depuis la création parce qu’il est spécialiste dans la transformation du chaos en cosmos, dans la mise en harmonie. Il suscite la diversité des richesses,  Il est le créateur de cette diversité, et en même temps, il est Celui qui harmonise, qui donne l’harmonie et donne unité à la diversité. Lui seul peut faire ces deux choses.
Nous avons besoin de l’Esprit d’unité qui nous régénère comme Église, comme Peuple de Dieu et comme humanité entière, qui nous régénère. L’Esprit Saint unit les lointains, ramène les égarés. Il fusionne des tonalités différentes en une unique harmonie parce qu’il voit tout d’abord le bien. Il regarde l’homme avant ses erreurs, les personnes avant leurs actions. L’Esprit modèle l’Église, modèle le monde comme des lieux de fils et de frères. Celui qui vit selon l’Esprit apporte la paix là où il y a la discorde, la concorde là où il y a le conflit. Les hommes spirituels rendent le bien pour le mal, répondent à l’arrogance par la douceur, à la méchanceté par la bonté, au vacarme par le silence, aux bavardages par la prière, au défaitisme par le sourire.
Pour être spirituels, pour goûter l’harmonie de l’Esprit, il faut mettre son regard dans le nôtre. Alors les choses changent : avec l’Esprit, l’Église est le Peuple saint de Dieu, la mission est non pas prosélytisme, mais contagion de la joie, les autres sont des frères et des sœurs, aimés du même Père.
L’Esprit vient là où il est aimé, là où il est invité, là où il est attendu, dit saint Bonaventure. Frères et sœurs, prions-le chaque jour.
Esprit Saint, harmonie de Dieu, Toi qui transformes la peur en confiance et la fermeture en don, viens en nous. Donne-nous la joie de la résurrection, l’éternelle jeunesse du cœur.
Esprit Saint, notre harmonie, Toi qui fais de nous un seul corps, remplis l’Église et le monde de ta paix.
Esprit Saint, rends-nous artisans de concorde, semeurs de bien, apôtres d’espérance.

Homélie du dimanche de la Pentecôte 9 juin 2019



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