Notre
Père
Nous voulons aujourd’hui,
élever, les uns à côté des autres, du cœur du pays, la prière
du Notre Père. Notre identité d’enfants y est contenue et,
aujourd’hui de manière particulière, notre identité de frères
qui prient l’un à côté de l’autre. La prière du Notre Père
contient la certitude de la promesse faite par Jésus à ses
disciples : « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18), et
elle nous donne confiance pour recevoir et accueillir le don du
frère.
Chaque fois que nous disons
Notre Père, nous rappelons que le mot “Père“ ne peut pas être
sans dire “notre“. Unis dans la prière de Jésus, nous nous
unissons aussi à son expérience d’amour et d’intercession qui
nous conduit à dire : « mon Père et votre Père, mon Dieu et
votre Dieu » (cf. Jn 20, 17). C’est une invitation à ce que
le “mon” se transforme en “notre“ et que le “notre“
devienne prière.
Aide-nous, Père, à prendre
au sérieux la vie du frère, à faire nôtre son histoire. Aide-nous
à ne pas juger le frère pour ses actions et ses limites, mais à
l’accueillir d’abord comme ton enfant. Aide-nous à vaincre la
tentation de nous sentir des fils aînés, qui à force de rester au
centre, oublient le don de l’autre (cf. Lc 15, 25-32).
A Toi, qui es aux cieux -
les cieux qui embrassent le monde et où tu fais lever le soleil sur
les bons et sur les méchants, les justes et les injustes (cf. Mt 5,
45) – nous demandons cette entente que nous n’avons pas su
préserver sur terre. Nous la demandons par l’intercession de tant
de frères et sœurs dans la foi qui habitent ensemble ton Ciel après
avoir cru, aimé et beaucoup souffert, également de nos jours, du
seul fait d’être chrétien.
Nous voulons aussi, comme
eux, sanctifier ton nom en le mettant au centre de toutes nos
préoccupations. Que ce soit ton Nom Seigneur, et non pas le nôtre
qui nous pousse et nous éveille à exercer la charité. Combien de
fois, en priant, nous nous limitons à demander des dons, à faire la
liste de nos requêtes, en oubliant que la première chose à faire
est de louer ton nom, adorer ta personne, pour ensuite reconnaître
dans la personne du frère que tu as mis à côté de nous ton reflet
vivant. Au milieu de tant de choses qui passent et pour lesquelles
nous nous inquiétons, aide-nous, Père à rechercher ce qui demeure
: ta présence et celle du frère.
Nous sommes dans l’attente
que ton règne vienne : nous le demandons et nous le désirons car
nous voyons que les dynamiques du monde ne le favorisent pas. Ce sont
des dynamiques orientées par les logiques de l’argent, des
intérêts, du pouvoir. Ne permets pas que nous perdions de vue ce
Règne où tu nous appelles.
Que ta volonté soit faite,
non la nôtre : la volonté de Dieu c’est le salut de tous.
Nous avons besoin, Père, d’élargir nos horizons afin de ne pas
réduire à nos limites ta miséricordieuse volonté de salut qui
veut embrasser tout le monde. Aide-nous, Père, en envoyant sur nous,
comme à la Pentecôte, l’Esprit Saint, source du courage et de la
joie, pour qu’il nous pousse à annoncer le joyeuse nouvelle de
l’Évangile au-delà des frontières de nos appartenances, langues,
cultures et nations.
Chaque jour nous avons
besoin de Toi, notre pain quotidien. Tu es le pain de la vie (cf. Jn
6, 35.48) qui nous fait nous sentir enfants aimés. Pain du service,
tu es rompu pour te faire notre serviteur et tu nous demandes de nous
servir mutuellement (cf. Jn 13, 14). Père, alors que tu nous donnes
le pain quotidien, nourris en nous le besoin de servir notre frère.
En demandant le pain quotidien, nous te demandons aussi la grâce
d’affermir les racines communes de notre identité chrétienne, en
un temps où les jeunes générations en particulier, risquent de se
sentir déracinées au milieu de tant de situations “liquides“,
et dans l’incapacité de fonder leur existence.
Que le pain que nous
demandons, avec sa longue histoire qui va de la semence à l’épi,
de la récolte à la table, inspire en nous le désir d’être de
patients cultivateurs de communion, qui ne se fatiguent pas de faire
germer des semences d’unité, de faire lever le bien, d’œuvrer
toujours à côté du frère : sans suspicion et sans distance, sans
contrainte et sans homologations, dans la convivialité des
diversités réconciliées.
Père, aide-nous à avoir
faim de nous donner. Rappelle-nous, chaque fois que nous prions, que
pour vivre nous n’avons pas besoin de nous conserver, mais de nous
rompre, non pas d’accumuler, mais de partager, de nourrir les
autres plus que de nous remplir nous-mêmes, car le “bien-être“
est tel seulement s’il est donné à tous.
Chaque fois que nous prions,
nous demandons que nos dettes soient remises. Il nous faut du courage
parce qu’en même temps, nous nous engageons à remettre les dettes
que les autres ont envers nous. Nous devons donc trouver la force de
pardonner de tout cœur au frère (cf. Mt 18, 35) comme toi, Père,
tu pardonnes nos péchés, la force de laisser derrière nous le
passé et d’embrasser ensemble le présent. Aide-nous, Père, à ne
pas céder à la peur, à ne pas voir dans l’ouverture un danger, à
avoir la force de nous pardonner et de marcher, le courage de ne pas
nous contenter d’une vie tranquille et de rechercher toujours, avec
transparence et sincérité, le visage du frère.
Et quand le mal, tapi à la
porte de notre cœur, (cf. Gn 4, 7), nous incitera à nous enfermer
en nous-mêmes, quand la tentation de nous isoler se fera plus forte
en cachant la réalité du péché, qui est éloignement de Toi et de
notre prochain, aide-nous encore, Père. Encourage-nous à trouver
dans le frère ce soutien que tu as mis à nos côtés pour marcher
vers Toi, et ensemble avoir le courage de dire : “Notre Père”.
Récitons la prière que le
Seigneur nous a enseignée.
Prière
à la nouvelle cathédrale orthodoxe de Bucarest 31 mai 2019
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