18 avril 2020

Du Pape François


Heureux les artisans de paix



La catéchèse d’aujourd’hui est consacrée à la septième béatitude, celle des artisans de paix qui sont proclamés fils de Dieu. Je me réjouis qu’elle tombe tout de suite après Pâques, parce que la paix du Christ est le fruit de sa mort et de sa résurrection. Pour comprendre cette béatitude il faut expliquer le sens du mot “paix”, qui peut être mal compris, ou parfois banalisé.
Nous devons nous orienter entre deux notions de la paix : la première est la paix biblique. C’est la très belle expression shalòm, qui exprime l’abondance, la prospérité, le bien-être. Lorsque l’on souhaite shalòm en hébreu, on souhaite une vie belle, remplie, prospère, mais aussi selon la vérité et la justice, qui trouveront leur accomplissement dans le Messie, prince de la paix (cf. Is 9,6 ; Mi 5,4-5).
Il y a ensuite l’autre sens, plus répandu, selon lequel le mot “paix” est entendu comme une sorte de tranquillité intérieure : je suis tranquille, je suis en paix. C’est une idée moderne, psychologique, qui peut paraître plus suggestive. On pense communément que la paix est le calme, l’harmonie, l’équilibre intérieur. Cette acception du mot “paix” comme une quiétude ne peut pas être absolutisée, car l’inquiétude peut être un moment de croissance important dans la vie. Souvent c’est même le Seigneur qui sème en nous l’inquiétude pour aller à sa rencontre, pour le trouver.
En ce sens elle est un moment de croissance important, tandis qu’il peut arriver que la tranquillité intérieure corresponde à une conscience domestiquée, et non pas à une véritable rédemption spirituelle. Souvent le Seigneur va être “signe de contradiction” (cf. Lc 2,34-35) et secouer nos fausses sécurités pour nous conduire au salut. À ce moment-là, nous avons l’impression de ne pas avoir de paix, mais c’est le Seigneur qui nous met sur ce chemin pour parvenir à la paix qu’Il nous donnera lui.
À ce stade nous devons rappeler que le Seigneur entend sa paix comme différente de la paix humaine, celle du monde, lorsqu’il dit : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jn14,27). La paix de Jésus est autre, différente de la paix mondaine.
Comment le monde donne-t-il la paix ? Si nous pensons aux conflits belliqueux, les guerres se concluent normalement de deux façons : soit par la défaite d’une des deux parties, soit par des traités de paix. Nous ne pouvons que souhaiter et prier pour que l’on emprunte toujours cette deuxième voie, mais nous devons considérer que l’histoire est une série infinie de traités de paix démentis par les guerres successives, ou par la métamorphose de ces guerres sous d’autres formes et en d’autres lieux. À notre époque aussi, une guerre “en morceaux” est menée sur plusieurs scènes et de diverses façons.  Nous pouvons au moins suspecter que dans le cadre d’une globalisation faite surtout d’intérêts économiques ou financiers, la “paix” de certains correspond à la “guerre” des autres. Et cela, ce n’est pas la paix du Christ !
Comment le Seigneur Jésus, lui, donne-t-il sa paix ? Nous avons écouté saint Paul dire que la paix du Christ est de “faire un à partir de deux” (cf. Eph 2,14), d’effacer l’inimitié et de réconcilier. Et le chemin pour accomplir cette œuvre de paix est son Corps : il réconcilie en effet toutes choses et il « fait la paix par le sang de sa Croix », comme le dit ailleurs le même Apôtre (cf. Col 1,20).
Et ici je m’interroge, et nous pouvons tous nous interroger : Qui sont alors les “artisans de paix” ? La septième béatitude implique un agir ; l’expression verbale est analogue à celle qui est utilisée pour la création au premier verset de la Bible, et elle exprime l’initiative et le labeur.
L’amour est créatif par nature - l’amour est toujours créatif - et il recherche la réconciliation, quel qu’en soit le prix. Ceux qui sont appelés fils de Dieu, ce sont ceux qui ont appris l’art de la paix et qui l’exercent, qui savent qu’il n’y a pas de réconciliation sans donner sa propre vie, et que la paix doit être recherchée toujours et partout. Toujours et partout : n’oubliez pas cela ! C’est comme cela qu’elle doit être recherchée. Elle n’est pas une œuvre autonome, fruit de nos propres capacités, elle est manifestation de la grâce reçue du Christ, qui est notre paix et qui nous a rendus fils de Dieu.
La véritable shalòm - et le véritable équilibre intérieur - jaillissent de la paix du Christ qui vient de sa Croix, et qui génère une humanité nouvelle, incarnée dans une foule infinie de saints et de saintes, inventifs, créatifs, qui ont inventé des chemins toujours nouveaux pour aimer - les saints et les saintes qui sont artisans de paix. Cette vie d’enfants de Dieu qui cherchent et retrouvent leurs frères par le sang du Christ, c’est le vrai bonheur, et bienheureux ceux qui empruntent ce chemin.
À nouveau bonne Pâques à tous, dans la paix du Christ !


Catéchèse du 15 avril 2020

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