30 mai 2020

Du Pape François


La prière des humbles



Le dessein de Dieu à l’égard de l’humanité est bon, mais dans notre histoire quotidienne, nous faisons l’expérience de la présence du mal : c’est une expérience de tous les jours. Les premiers chapitres du livre de la Genèse décrivent l’expansion progressive du péché dans l’histoire humaine. Adam et Ève doutent des intentions bienveillantes de Dieu, pensant avoir affaire à une divinité envieuse qui empêche leur bonheur (cf. Gn 3, 1-7). D’où leur rébellion : ils ne croient plus en un Créateur généreux qui désire leur bonheur. Leur cœur, cédant à la tentation du malin, est pris par le délire de la toute-puissance : « Si nous mangeons du fruit de l’arbre, nous deviendrons comme Dieu ». Et c’est à cela que veut conduire la tentation : l’ambition entre dans le cœur. Mais lorsqu’ils y cèdent, leur expérience va dans la direction opposée : leurs yeux s’ouvrent et ils découvrent qu’ils sont nus, sans rien. N’oublions pas cela : le tentateur est un mauvais payeur, il paie mal.
Le mal se déchaîne encore plus avec la seconde génération humaine, il est plus violent : c’est l’histoire de Caïn et Abel (cf. Gn 4, 1-16). Caïn envie son frère, il est rongé par l’envie. Bien qu’il soit l’aîné, il voit en Abel un rival, quelqu’un qui mine sa primauté. Le mal commence à entrer dans son cœur et Caïn ne parvient pas à le dominer. Ses pensées le poussent à regarder l’autre d’un mauvais œil, avec soupçon, et il se dit : Il est méchant, il me fera du mal. Cette pensée entre dans son cœur, et c’est ainsi que l’histoire de la première fratrie se conclut par un homicide - et quand je pense aujourd’hui à la fraternité humaine… partout des guerres.
Avec la descendance de Caïn se développent les métiers et les arts, mais également la violence, exprimée dans le triste cantique de Lamek qui résonne comme un hymne de vengeance : « Pour une blessure, j’ai tué un homme ; pour une meurtrissure, un enfant. Caïn sera vengé sept fois, et Lamek, soixante-dix-sept fois ! » (Gn 4, 23-24). La vengeance, c’est : « Tu as fait cela, tu le paieras ! », mais ce n’est pas le juge qui dit cela, c’est moi, et je me fais juge de la situation. Le mal s’étend ainsi comme une tache d’huile, jusqu’à tout envahir : « Le Seigneur vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre, et que toutes les pensées de son cœur se portaient uniquement vers le mal à longueur de journée » (Gn 6,5). Les grandes fresques du déluge universel et de la tour de Babel révèlent la nécessité d’un nouveau commencement, comme d’une nouvelle création, et elle aura sa réalisation en Jésus Christ.
Pourtant, en ces premières pages de la Bible, une autre histoire est écrite. Elle est moins visible, beaucoup plus humble, mais elle est édifiante et elle manifeste la rédemption de l’espérance. Même si presque tout le monde se comporte de manière haineuse, faisant de la haine et de la conquête le moteur de l’histoire humaine, il y a des personnes capables de prier Dieu avec confiance, capables d’écrire différemment le destin de l’homme. Abel offre à Dieu le sacrifice de ses prémices. Après sa mort, Adam et Ève ont un troisième fils, Seth, de qui naît Énosh (qui signifie “mortel“) et il est dit : « Alors on commença à invoquer le nom du Seigneur » (Gn 4,26). Puis apparaît Hénok, personnage qui « marche avec Dieu » et qui est enlevé au ciel (cf. Gn 5,22.24). Et enfin, il y a l’histoire de Noé, homme juste qui « marchait avec Dieu » (Gn 6,9), devant qui Dieu retient son intention d’effacer l’humanité de la surface de la terre (cf. Gn 6,7-8).
Quand on lit ces récits, on a l’impression que la prière est la digue, qu’elle est le refuge de l’homme devant le déferlement du mal qui s’étend dans le monde. À vrai dire, nous prions aussi pour être sauvés nous-mêmes. Nous demandons : Seigneur, s’il te plaît, sauve-moi de moi-même, de mes ambitions, de mes passions...
Les priants des premières pages de la Bible sont des artisans de paix. Lorsqu’elle est authentique, la prière libère des instincts de violence, elle est un regard tourné vers Dieu pour qu’il revienne lui-même prendre soin du cœur de l’homme. « Cette qualité de la prière est vécue par une multitude de justes dans toutes les religions », dit le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC, 2569). La prière cultive des plates-bandes dans des lieux où la haine de l’homme n’a été capable que d’étendre le désert. Et la prière est puissante, parce qu’elle attire le pouvoir de Dieu, et le pouvoir de Dieu donne toujours la vie, toujours : Dieu est le Dieu de la vie, et il fait renaître.
Voilà pourquoi la seigneurie de Dieu passe par la chaîne de ces hommes et de ces femmes, souvent incompris ou marginalisés dans le monde. Mais le monde vit et grandit grâce à la force de Dieu que ses serviteurs attirent par leur prière. Ils sont une chaîne qui n’est en rien tapageuse, qui fait rarement la une des journaux, et qui est pourtant si importante pour redonner la confiance au monde !
Je me souviens de l’histoire d’un homme, un chef de gouvernement important, pas de notre époque, mais des temps passés. Un athée qui n’avait pas de sentiment religieux dans le cœur, mais qui enfant, entendait prier sa grand-mère, et c’est resté dans son cœur. À une période difficile de sa vie, ce souvenir est revenu dans son cœur et il s’est dit : « Mais ma grand-mère priait… ». Il s’est mis à prier avec les formules de sa grand-mère, et il y a trouvé Jésus.
La prière est une chaîne de vie, toujours - celle de tant d’hommes et de femmes qui prient, qui sèment la vie. La prière, la petite prière sème la vie. C’est pourquoi il est si important d’apprendre aux enfants à prier. Cela me fait souffrir quand je vois des enfants qui ne savent pas faire le signe de croix. Il faut leur apprendre à bien faire le signe de croix, parce que c’est la première prière. C’est important que les enfants apprennent à prier. Ensuite, peut-être pourront-ils oublier, prendre un autre chemin, mais les premières prières apprises enfant restent dans le cœur, parce qu’elles sont une semence de vie, la semence du dialogue avec Dieu.
Le chemin de Dieu dans l’histoire de Dieu est passé par ces hommes et ces femmes. Il est passé par un « petit reste » de l’humanité qui ne s’est pas conformé à la loi du plus fort, mais qui a demandé à Dieu d’accomplir ses miracles, et surtout de transformer notre cœur de pierre en cœur de chair (cf. Ez 36,26). La prière ouvre la porte à Dieu, transformant notre cœur qui est bien souvent de pierre, en un cœur humain.

Catéchèse du mercredi 27 mai 2020






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