2 janvier 2021

Du Pape François

 Rendons grâce !


Je voudrais m’arrêter aujourd’hui sur la prière d’action de grâce, et je tire mon inspiration d’un épisode rapporté par l’évangéliste Luc. Alors que Jésus est en chemin, dix lépreux viennent à sa rencontre en implorant : « Jésus, Maître, aie pitié de nous !” (Lc 17,13). Nous savons que pour les malades de la lèpre, l’exclusion sociale et l’exclusion religieuse s’ajoutaient à la souffrance physique : ils étaient exclus.

Jésus, lui, ne refuse pas de les rencontrer. Parfois il va au-delà des limites imposées par la Loi et il touche le malade - ce qu’il n’était pas permis de faire -, il l’embrasse et il le guérit. Ce n’est pas le cas ici, il n’y a pas de contact. À distance, Jésus les invite à se présenter aux prêtres qui étaient chargés, selon la Loi, de certifier la guérison qui avait eu lieu. Jésus ne dit rien d’autre. Il a écouté leur prière, il a écouté leur cri pour implorer la pitié, et il les envoie immédiatement auprès des prêtres.

Ces dix lépreux ont confiance - ils ne restent pas là à attendre moment où ils sont guéris, non ! Ils font confiance, et ils y vont immédiatement. Et pendant qu’ils y vont, ils guérissent, tous les dix. Les prêtres pourront donc constater leur guérison et les réadmettre dans la vie normale, mais le point le plus important est que dans ce groupe, seulement un, avant d’aller chez les prêtres, revient en arrière pour remercier Jésus et louer Dieu pour la grâce reçue. Un seul, alors que les neuf autres continuent leur chemin. Et Jésus remarque que cet homme est un samaritain, une sorte d’“hérétique” pour les juifs de ce temps, et Jésus commente : « Il ne s’est trouvé, pour revenir rendre gloire à Dieu, que cet étranger ! » C’est un récit touchant…

Ce récit divise d’une certaine manière le monde en deux : ceux qui ne remercient pas et ceux qui remercient, ceux qui prennent tout comme si cela leur était dû et ceux qui accueillent tout comme un don, comme une grâce. La prière d’action de grâce commence toujours par-là : se reconnaître précédé par la grâce. Nous avons été pensés avant que nous apprenions à penser, nous avons été aimés avant que nous apprenions à aimer, nous avons été désirés avant que dans notre cœur ne naisse un désir. Si nous regardons la vie ainsi, alors l’action de grâce devient le fil directeur de nos journées - alors que très souvent, nous oublions même de dire merci…

Pour nous chrétiens, l’action de grâce a donné son nom au sacrement le plus essentiels qui soit : l’Eucharistie. En effet, le mot grec signifie précisément cela : remerciement.

Les chrétiens, comme tous les croyants, bénissent Dieu pour le don de la vie. Vivre est tout d’abord avoir reçu la vie. Nous naissons tous parce que quelqu’un a désiré la vie pour nous. Et c’est seulement la première d’une longue série de dettes que nous contractons en vivant : des dettes de reconnaissance. Au cours de notre existence, plus d’une personne nous a regardés avec des yeux purs, gratuitement. Souvent, il s’agit d’éducateurs, de catéchistes, de personnes qui ont accompli leur rôle au-delà de la mesure demandée par le devoir, et ils ont fait naître en nous la gratitude. L’amitié elle-même est un don dont il faut toujours être reconnaissant.

Ce “merci” que nous devons dire sans cesse, ce merci que le chrétien partage avec tous, s’ouvre plus encore dans la rencontre avec Jésus. Les Évangiles attestent que le passage de Jésus suscitait souvent la joie et la louange à Dieu chez ceux qui le rencontraient. Les récits de Noël sont peuplés d’orants qui ont le cœur dilaté par la venue du Sauveur, et nous aussi avons été appelés à participer à cette immense joie - c’est ce que suggère aussi l’épisode des dix lépreux guéris.

Naturellement, ils étaient tous heureux d’avoir retrouvé la santé, pouvant ainsi sortir de cette interminable quarantaine forcée qui les excluait de la communauté. Mais parmi eux, il y en a un qui ajoute la joie à la joie : au-delà de la guérison, il se réjouit de la rencontre qui a eu lieu avec Jésus. Non seulement il est libéré du mal, mais il possède à présent également la certitude d’être aimé, et c’est là le centre. Quand tu remercies, tu exprimes la certitude d’être aimé, et c’est là un grand pas : avoir la certitude d’être aimé !

La découverte de l’amour comme force qui gouverne le monde fait que nous ne sommes plus des voyageurs errants qui vagabondent ici et là. Non : nous avons une maison, nous demeurons dans le Christ, et de cette demeure, nous contemplons tout le reste du monde et celui-ci nous apparaît infiniment plus beau. Nous sommes des enfants de l’amour, nous sommes des frères de l’amour. Nous sommes des hommes et des femmes de grâce.

Frères et sœurs, cherchons donc à être toujours dans la joie de la rencontre avec Jésus, cultivons l’allégresse ! Le démon, en revanche, après nous avoir trompés avec n’importe quelle tentation, nous laisse toujours tristes et seuls. Si nous sommes dans le Christ, aucun péché et aucune menace ne pourront jamais nous empêcher de continuer le chemin avec joie, avec de nombreux compagnons de route.

Ne négligeons surtout pas de rendre grâce : lorsque nous sommes dans la gratitude, le monde devient meilleur, et nous communiquons de l’espérance. Le monde a besoin d’espérance, et chacun peut faire sa part là où il se trouve. La voie du bonheur est celle que saint Paul a décrite à la fin de l’une de ses lettres : « En toute condition soyez dans l’action de grâce : c’est la volonté de Dieu sur vous dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit » (1 Th 5,17-19).

Alors n’éteignons pas l’Esprit, mais rendons grâce !


Audience du 30 décembre 2020





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