26 février 2022

Du Pape François

 Qu’est-ce qui est décisif pour la vie d’un prêtre aujourd’hui ?

  

Je vais parler de ce que j’ai vécu. L’époque dans laquelle nous vivons nous demande non seulement de prendre acte du changement, mais aussi de l’accueillir. Nous devons nous prendre en compte le caractère concret d’aujourd’hui. J’aime l’attitude qui découle d’une prise en charge confiante de la réalité, ancrée dans la sage, vivante et vivifiante Tradition de l’Église qui nous permet de prendre le large sans peur. J’ai le sentiment que Jésus, en ce moment de l’histoire, nous invite une fois de plus à “avancer au large” (cf. Lc 5, 4) avec la confiance qu’Il est le Seigneur de l’histoire, et que guidés par Lui, nous saurons discerner l’horizon à parcourir.

La vie d’un prêtre est avant tout l’histoire de salut d’un baptisé. Ce n’est que lorsque nous cherchons à aimer comme Jésus a aimé, que nous rendons Dieu visible nous aussi, et que nous réalisons notre vocation à la sainteté. Saint Jean-Paul II nous a rappelé à juste titre que « le prêtre, comme l’Église, doit prendre de plus en plus conscience du besoin permanent qu’il a d’être évangélisé ». Je voudrais simplement m’arrêter dans cette intervention sur ce qui me semble être décisif pour la vie d’un prêtre aujourd’hui,

Je veux partager avec vous - je l’ai déjà dit, mais je vais le répéter une fois de plus -  les quatre piliers constitutifs de notre vie sacerdotale, que nous appellerons les “quatre proximités” parce qu’elles suivent le style de Dieu qui est fondamentalement un style de proximité. Dieu se définit ainsi au peuple : « Dis-moi, quel peuple a ses dieux aussi proches que je le suis de toi ? » (cf. Dt 4, 7). Le style de Dieu est la proximité, une proximité particulière, compatissante et tendre. Les trois mots qui définissent la vie d’un prêtre - et aussi d’un chrétien car ils sont tirés précisément du style de Dieu : proximité, compassion et tendresse.

Avant tout, la proximité avec Dieu - quatre proximités, et la première est la proximité avec Dieu.

Proximité avec Dieu : c’est la proximité avec le Seigneur des proximités. « Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments » - c’est le moment ou Jean, dans son Évangile, parle de « demeurer » : « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous » (Jn 15, 5- 7).

Le prêtre est invité avant tout à cultiver cette proximité, cette intimité avec Dieu. Il pourra puiser dans cette relation toute la force nécessaire à son ministère. La relation avec Dieu est pour ainsi dire la greffe qui nous maintient dans un lien de fécondité. Sans une relation sérieuse avec le Seigneur, notre ministère devient stérile. La proximité avec Jésus, le contact avec sa Parole, nous permettent de placer notre vie devant la sienne, d’apprendre à ne pas nous scandaliser de tout ce qui nous arrive, à nous défendre des “scandales”.

Comme ce fut le cas pour le Maître, vous passerez par des moments de joie et de noces, de miracles et de guérisons, de multiplication des pains et de repos. Il y aura des moments où vous pourrez être loués, mais il y aura aussi des moments d’ingratitude, de rejet, de doute et de solitude, au point de dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46).

La proximité avec Jésus nous invite à ne craindre aucun de ces moments, non pas parce que nous sommes forts, mais parce que nous regardons vers Lui, nous nous accrochons à Lui et nous Lui disons : Seigneur, ne permets pas que je tombe en tentation ! Fais-moi comprendre que je vis un moment important de ma vie, et que tu es avec moi pour éprouver ma foi et mon amour.

Cette proximité avec Dieu prend parfois la forme d’une lutte avec le Seigneur surtout dans les moments où son absence se fait le plus sentir, dans la vie du prêtre ou dans celle des personnes qui lui sont confiées. Lutter toute la nuit et demander sa bénédiction (cf. Gn 32, 25-27) sera une source de vie pour beaucoup, et parfois c’est une lutte.

De nombreuses crises sacerdotales ont pour origine une vie de prière pauvre, un manque d’intimité avec le Seigneur, une réduction de la vie spirituelle à une simple pratique religieuse. À des moments importants de ma vie, cette proximité avec le Seigneur a été décisive pour me soutenir moi-même dans les moments difficiles. Sans l’intimité de la prière, la proximité concrète avec Dieu à travers l’écoute de la Parole, la célébration de l’Eucharistie, le silence de l’adoration, la confiance en Marie, le sage accompagnement d’un guide, le sacrement de la Réconciliation, sans ces “proximités” concrètes, le prêtre n’est plus qu’un travailleur fatigué qui ne jouit pas des bienfaits des amis du Seigneur.

Trop souvent la prière est pratiquée dans la vie sacerdotale uniquement comme un devoir, en oubliant que l’amitié et l’amour ne peuvent être imposés comme une règle extérieure, mais sont un choix fondamental du cœur. Un prêtre qui prie reste radicalement un chrétien qui a pleinement compris le don reçu au baptême. Un prêtre qui prie est un fils qui se souvient continuellement qu’il est fils et qu’il a un Père qui l’aime. Un prêtre qui prie est un fils qui se fait proche du Seigneur.

Mais tout cela est difficile si l’on ne s’est pas habitué à avoir des espaces de silence dans la journée, si l’on ne sait pas mettre de côté le “faire” de Marthe pour apprendre le “demeurer” de Marie. Très souvent, l’activisme est une échappatoire, et il est difficile de renoncer à l’activisme car ce n’est pas la paix qui vient immédiatement dans le cœur lorsque l’on cesse d’être occupé, mais souvent la désolation. Et pour ne pas entrer dans la désolation, on est prêt à ne jamais s’arrêter…

Le travail devient une distraction afin de ne pas entrer dans la désolation, mais la désolation est un peu le point de rencontre avec Dieu. C’est précisément en acceptant la désolation qui vient du silence, du jeûne d’activités et de paroles, du courage de s’examiner sincèrement, c’est juste là que tout reçoit une lumière et une paix qui ne reposent plus sur nos propres forces ni sur nos capacités.

Il s’agit d’apprendre à laisser le Seigneur continuer à faire son œuvre en chacun, et à émonder tout ce qui est infécond, stérile et qui dénature l’appel. Persévérer dans la prière ne signifie pas seulement rester fidèle à une pratique. Cela signifie ne pas fuir lorsque la prière elle-même conduit au désert. Dans le désert, “je parlerai à son cœur”, dit le Seigneur à son peuple par la bouche du prophète Osée (cf. 2,16). Les guides et directeurs spirituels qui accompagnent les prêtres, doivent les aider et poser cette question : Es-tu capable de te laisser conduire au désert ? Ou vas-tu directement à l’oasis de la télévision ou d’autre chose ?

Le prêtre doit avoir un cœur suffisamment large pour faire place à la souffrance du peuple qui lui est confié et, en même temps annoncer comme une sentinelle l’aurore de la grâce de Dieu qui se manifeste précisément dans cette souffrance. Embrasser, accepter et présenter sa propre misère dans la proximité du Seigneur sera la meilleure école pour faire place, peu à peu, à toute la misère et à toute la souffrance qu’il rencontrera quotidiennement dans son ministère, jusqu’à devenir lui-même semblable au cœur du Christ.

Cela préparera le prêtre à une autre proximité : celle avec le peuple de Dieu. Dans sa proximité avec Dieu, le prêtre renforce sa proximité avec son peuple. Et inversement, dans sa proximité avec son peuple, il expérimente aussi la proximité avec son Seigneur.

Dans cette proximité, cela ne fait plus peur de se laisser conformer à Jésus Crucifié, comme nous y sommes invités le jour de notre ordination sacerdotale.

 

Discours du pape François pour l’ouverture du symposium sur le Sacerdoce, 17 Fév. 2022

  

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