8 octobre 2022

Du Pape François

 

Deux transgresseurs

 

  

L’Évangile d’aujourd’hui (Mc 1,40-45) nous présente la rencontre entre Jésus et un homme malade de la lèpre. Les lépreux étaient considérés comme impurs, et selon les prescriptions de la Loi, ils devaient rester hors du centre habité. Ils étaient exclus de toute relation humaine, sociale, et même religieuse : ils ne pouvaient pas entrer dans une synagogue, ils ne pouvaient pas entrer dans le Temple.

Jésus, lui, se laisse approcher par cet homme. Il s’émeut, il étend même sa main et le touche, et c’est impensable en ce temps-là. Il réalise ainsi la Bonne Nouvelle qu’il annonce : Dieu s’est fait proche de notre vie, il a de la compassion pour le sort de l’humanité blessée et il vient abattre toute barrière qui nous empêche de vivre la relation avec Lui, avec les autres, et avec nous-mêmes, il se fait proche… Proximité, et compassion - l’Évangile dit qu’en voyant le lépreux, Jésus fut pris de compassion, et saisi par une vague de tendresse… Proximité, compassion, et tendresse : trois mots qui indiquent le style de Dieu.

Dans cet épisode nous pouvons voir deux “transgressions” qui se rencontrent : la transgression du lépreux qui s’approche de Jésus - il n’avait pas le droit de le faire -, et Jésus qui, mû par la compassion, le touche pour le guérir - lui non plus ne devait pas le faire. Tous les deux sont des transgresseurs, ce sont deux transgresseurs !

La première transgression est celle du lépreux : malgré les prescriptions de la Loi, il sort de son isolement et il vient à Jésus. Sa maladie était considérée comme un châtiment divin, mais en Jésus, Il peut voir un autre visage de Dieu : non pas le Dieu qui punit, mais le Père de la compassion et de l’amour, qui nous libère du péché, et jamais ne nous exclut de sa miséricorde. Ainsi cet homme peut sortir de l’isolement, parce qu’en Jésus il trouve Dieu qui partage sa souffrance. L’attitude de Jésus l’attire, le pousse à sortir de lui-même et à lui confier son histoire douloureuse.

Ça me fait penser à de nombreux et bons prêtres confesseurs qui ont cette attitude d’attirer les gens, tous ceux qui se sentent “par terre” à cause de leurs péchés… Eh bien avec tendresse, avec compassion, ces bons confesseurs n’ont pas le fouet à la main, mais ils sont là seulement pour recevoir, écouter, et dire que Dieu est bon et que Dieu pardonne toujours, que Dieu ne se lasse pas de pardonner.

La deuxième transgression est celle de Jésus : tandis que la Loi interdit de toucher les lépreux, lui s’émeut, il tend la main et il le touche pour le guérir. On pourrait dire : Il a fait ce que la loi interdit, c’est un péché et il est un transgresseur. Or il ne se limite pas aux paroles, mais il le touche. Eh bien toucher avec amour signifie établir une relation, entrer en communion, s’impliquer dans la vie de l’autre jusqu’à en partager aussi les blessures.

Par ce geste, Jésus montre que Dieu n’est pas indifférent. Il ne se tient pas dans la “distance de sécurité”. Au contraire, il s’approche avec compassion, et il touche notre vie pour la guérir avec tendresse. C’est le style de Dieu : proximité, compassion et tendresse - Dieu est un grand transgresseur en ce sens.

Il peut arriver à chacun de nous d’expérimenter des blessures, des échecs, des souffrances, des égoïsmes qui nous ferment à Dieu et aux autres, parce que le péché nous enferme en nous-mêmes, par honte, par humiliation. Mais Dieu veut ouvrir notre cœur. Et Jésus nous annonce que Dieu n’est pas une idée ou une doctrine abstraite, mais Celui qui ose se “contaminer” de notre humanité blessée, et qui n’a pas peur d’être au contact de nos plaies.

Mais, père, que dites-vous là ? Que Dieu se contamine ? Ce n’est pas moi qui le dis, c’est saint Paul : il s’est fait péché (cf. 2 Cor 5,21). Lui qui n’est pas pécheur, qui ne peut pas pécher, s’est fait péché. Regardez comment Dieu s’est contaminé pour s’approcher de nous, pour avoir compassion et pour nous faire comprendre sa tendresse. Proximité, compassion et tendresse.

Pour respecter les règles de la bonne réputation et des habitudes sociales, nous faisons souvent taire notre douleur, ou bien nous revêtons des masques qui la camouflent. Pour faire concorder les calculs de nos égoïsmes ou les lois intérieures de nos peurs, nous ne nous impliquons pas trop dans les souffrances des autres.

Demandons au contraire au Seigneur la grâce de vivre ces deux “transgressions” de l’Évangile d’aujourd’hui. Celle du lépreux, pour que nous ayons le courage de sortir de notre isolement, et au lieu de rester là à nous plaindre ou à pleurer nos échecs, que nous allions à Jésus comme nous sommes : Seigneur, je suis comme cela... Nous sentirons cette étreinte, cette si belle étreinte de Jésus.

Et puis la transgression de Jésus : un amour qui fait aller au-delà des conventions, qui fait dépasser les préjugés et la peur de nous mêler à la vie de l’autre. Apprenons à être “transgresseurs” comme ces deux-là : comme le lépreux, et comme Jésus.

Que la Vierge Marie, que nous invoquons à présent dans la prière de l’angélus, nous accompagne sur ce chemin.

 

Angélus du 14 février 2021

 

 

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