Entre vos mains, le don de la vie et l’avenir de votre pays
Chers
jeunes, je vous remercie pour votre affection, votre danse et vos paroles ! Je
suis heureux de vous avoir regardés dans les yeux, de vous avoir salués et
bénis, alors que vos mains levées vers le ciel faisaient la fête.
Je
voudrais maintenant vous demander, pendant quelques instants, de ne pas me
regarder moi, mais vos mains : ouvrez les paumes de vos mains, fixez-les
des yeux. Mes amis, Dieu a mis entre vos mains le don de la vie, l'avenir de la
société et de ce grand pays.
Frère, sœur, tes mains te semblent petites et
faibles, vides et inaptes à de si grandes tâches ? Je voudrais te faire
remarquer une chose : toutes les mains se ressemblent, mais aucune n'est identique
à l’autre. Personne n'a des mains semblables aux tiennes. Tu es donc une
richesse unique, inégalable et incomparable. Personne dans l'histoire ne peut
te remplacer. Tu peux alors te demander : À quoi servent mes mains ? À
construire ou à détruire, à donner ou à amasser, à aimer ou à haïr ?
Comme
tu le vois, tu peux serrer la main et la fermer : elle devient un poing !
Ou bien tu peux l'ouvrir, et la rendre disponible pour Dieu et pour les autres.
C'est là que se situe le choix fondamental pour chacun depuis les temps
anciens, depuis Abel qui offrit généreusement les fruits de son travail, alors
que Caïn leva la main contre son frère et le tua (cf. Gn 4,
8). Jeune qui rêves d'un avenir différent, un lendemain naîtra de tes mains, de
tes mains la paix qui manque à ce pays pourra advenir. Mais comment faire
concrètement ? Je voudrais vous proposer quelques "ingrédients pour
l'avenir" : cinq, que vous pouvez associer, chacun, aux doigts d'une main.
Au
pouce, le doigt le plus proche du cœur, correspond la prière qui
fait palpiter la vie. Elle peut apparaître comme une réalité abstraite,
éloignée du caractère concret des problèmes. Au contraire, la prière est le
premier ingrédient, celui qui est fondamental, parce que nous n’y arrivons pas
tout seuls. Nous ne sommes pas tout-puissants, et lorsque quelqu'un croit
l'être, il échoue lamentablement. C'est comme un arbre déraciné : même s'il est
grand et vigoureux, il ne tient pas debout tout seul.
C'est
pourquoi nous devons nous enraciner dans la prière, dans l'écoute de la Parole
de Dieu qui nous permet de grandir chaque jour en profondeur, de porter du
fruit, et de transformer la pollution que nous respirons en oxygène vital. Pour
ce faire, tout arbre a besoin d'un élément simple et essentiel : l'eau. Alors,
la prière est comme l'eau de l'âme : elle est humble, on ne la voit pas mais
elle donne la vie. Celui qui prie mûrit intérieurement et sait lever le regard
vers le haut, se souvenant qu'il a été fait pour le ciel.
Frère,
sœur, la prière est nécessaire - une prière vivante. Ne te tourne
pas vers Jésus comme s’il était un être lointain et distant dont on a peur,
mais plutôt l’ami le plus grand, qui a donné sa vie pour toi. Il te connaît, il
croit en toi et t’aime, toujours. En le regardant suspendu en croix pour te
sauver, tu comprends à quel point tu as de la valeur pour Lui. Et tu peux lui
confier tes croix, tes peurs, tes angoisses, en les jetant sur sa Croix :
il les embrassera. Il l'a déjà fait il y a 2000 ans, et cette croix que tu
portes aujourd'hui faisait déjà partie de la sienne.
Alors
n'aie pas peur de prendre le Crucifix dans tes mains et de le serrer sur ta
poitrine, de verser tes larmes sur Jésus. Et n'oublie pas de regarder son
visage, le visage d'un Dieu jeune, vivant, ressuscité ! Oui, Jésus a vaincu le
mal, il a fait de la Croix le pont vers la Résurrection. Alors chaque jour,
lève les mains vers lui pour le louer et le bénir. Crie vers lui les espérances
de ton cœur, confie-lui les secrets les plus intimes de ta vie : la personne
que tu aimes, les blessures que tu portes en toi, les rêves que tu as dans le
cœur. Parle-lui de ton quartier, de tes voisins, de tes professeurs, de tes
compagnons, de tes amis et collègues, de ton pays. Dieu aime cette prière
vivante, concrète, faite avec le cœur.
C’est
cette prière vivante qui lui permet d'intervenir, d'entrer dans les plis de ta
vie d'une manière particulière, de venir avec sa force de paix. Cette force de
paix a un nom : l'Esprit Saint, Celui qui console et donne la vie. Il est
le moteur de la paix, Il est la véritable force de la paix. C'est pourquoi la
prière est l'arme la plus puissante qui soit. Elle te transmet le réconfort et
l’espérance de Dieu. Elle t’ouvre toujours de nouvelles possibilités et t’aide
à vaincre les peurs. Oui, celui qui prie surmonte la peur, et il prend son
avenir en main. Alors voulez-vous choisir aujourd’hui la prière comme votre
secret, comme l'eau de votre âme, comme la seule arme que vous devez porter sur
vous, comme votre compagne quotidienne de voyage ?
Maintenant,
regardons le deuxième doigt, l'index. C’est avec ce doigt que nous montrons
quelque chose aux autres, et les autres, la communauté, c'est le
deuxième ingrédient. Mes amis, ne laissez pas votre jeunesse être gâchée par la
solitude et la fermeture. Pensez toujours à vous ensemble et vous serez
heureux, car la communauté est la voie pour vivre en harmonie avec soi-même et
pour être fidèle à sa vocation.
Au
contraire, les choix individualistes semblent attrayants au début, mais ils ne
laissent ensuite qu'un grand vide intérieur. Pensez à la drogue : tu te caches
des autres, de la vie réelle, pour te sentir tout-puissant, et à la fin, tu te
retrouves privé de tout. Mais pensez aussi à la dépendance à l'occultisme et à
la sorcellerie, qui enferment dans l'emprise de la peur, de la vengeance et de
la colère. Ne vous laissez pas fasciner par de faux paradis égoïstes,
construits sur les apparences, l'argent facile, ou sur une religiosité
déformée.
Et
prenez garde à la tentation de désigner quelqu’un du doigt, d'exclure l’autre
parce qu'il est d'une origine différente de la vôtre. Ne cédez pas au
régionalisme, au tribalisme qui semblent vous renforcer dans votre groupe mais
qui sont au contraire la négation de la communauté. Vous savez comment cela se
passe : d'abord on accepte des préjugés sur les autres, puis on justifie la
haine, puis la violence, et finalement on se retrouve en guerre.
Je
vous le demande à chacun : As-tu déjà parlé à des personnes d'autres
groupes, ou bien es-tu toujours resté enfermé dans le tien ? As-tu jamais
écouté les histoires des autres, t’es-tu approché de leurs souffrances ? Bien
sûr, il est plus facile de condamner quelqu'un que de le comprendre, mais le
chemin que Dieu indique pour construire un monde meilleur passe par l'autre,
par l'ensemble, par la communauté. Cela, c'est faire Église, élargir ses
horizons, voir en chacun un prochain, prendre soin de l'autre. Si tu vois une
personne seule, souffrante, abandonnée, approche-toi d’elle. Non pas pour lui
montrer combien tu es bon, mais pour lui donner ton sourire et lui offrir ton
amitié.
David,
tu as dit que vous, les jeunes, vous vouliez à juste titre être reliés
aux autres, mais que les réseaux sociaux vous déroutent
souvent. C'est vrai, la virtualité ne suffit pas. Nous ne pouvons pas nous
contenter d’interagir sur des réseaux sociaux avec des personnes distantes, ou
même fausses. La vie ne se touche pas avec un doigt sur l'écran. Il est triste
de voir des jeunes rester pendant des heures devant un téléphone, et après, tu
regardes leur visage, et tu vois qu'ils ne sourient pas, leur regard est
fatigué et ennuyé. Rien ni personne ne peut remplacer la force du fait d’être
ensemble, la lumière des yeux, la joie du partage ! Parler, s'écouter est essentiel.
Plutôt que d’aller chercher sur l'écran celui qui vous intéresse, découvrez
chaque jour la beauté de vous laisser émerveiller par les autres, par leur
histoire et leurs expériences.
Essayons
maintenant d’expérimenter ce que signifie être une communauté. Pendant un
moment, prenez s’il vous plaît par la main celui qui est à côté de vous :
sentez que vous êtes une seule Église, un seul Peuple. Sens que ton bien dépend
de celui de l'autre, qu'il est multiplié par l'ensemble. Sens-toi protégé par
ton frère et ta sœur, par quelqu'un qui t’accepte tel que tu es et qui veut
prendre soin de toi. Et sens-toi responsable des autres, membre vivant d'un
grand réseau de fraternité où l'on se soutient mutuellement et où tu es
indispensable. Oui, tu es indispensable et responsable de ton Église et de ton
pays. Tu appartiens à une histoire plus grande, qui t’appelle à être acteur :
créateur de communion, champion de la fraternité, rêveur indomptable d'un monde
plus uni.
Vous
n'êtes pas seuls dans cette aventure : toute l'Église, répandue dans le monde
entier, vous soutient. Est-ce un défi difficile à relever ? Oui, mais c'est un
défi possible. Vous avez aussi des amis qui, des tribunes du ciel, vous
poussent vers ces objectifs : les saints ! Je pense, par exemple, au
bienheureux Isidore Bakanja, à la bienheureuse Marie-Clémentine Anuarite, à
saint Kizito et à ses compagnons : des témoins de la foi, des martyrs qui n'ont
jamais cédé à la logique de la violence mais qui ont confessé par leur vie la
force de l'amour et du pardon. Leurs noms, inscrits dans les cieux, resteront
dans l'histoire, tandis que la fermeture et la violence tournent toujours au
détriment de ceux qui les commettent.
Je
sais que vous avez montré à maintes reprises que vous savez vous lever pour
défendre les droits de l'homme et l'espoir d'une vie meilleure pour tous dans
le pays, même au prix de grands sacrifices. Je vous en remercie, et j’honore la
mémoire de ceux - si nombreux - qui ont perdu la vie ou la santé pour ces
nobles causes. Et je vous encourage à avancer ensemble, sans crainte, en tant
que communauté !
(…)
Rencontre
avec les jeunes et les catéchistes, Stade des Martyrs, Kinshasa 2 février 2023
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