Quand un
cœur s’endurcit, c’est qu’il n’aime pas. Soyons dociles à
la liberté de l’amour !
L’Évangile
de ce jour (Mc
6, 45-52) nous dit : « Les
disciples n’avaient rien compris au sujet des pains : leur
cœur était endurci ». Pourtant, c’étaient les apôtres,
les plus intimes à Jésus, mais ils ne comprenaient pas. Ils avaient
assisté au miracle, ils avaient vu que ces gens - plus de cinq mille
personnes ! - avaient été nourris avec cinq pains, et ils
n’avaient pas compris. Pourquoi ? Parce que « leur cœur
était endurci » !
Si souvent
dans l’Évangile Jésus parle de l’endurcissement du cœur. Il
reproche au peuple d’avoir « la nuque raide », il
pleure sur Jérusalem qui n’a pas compris qui il était… Le
Seigneur est confronté à cette dureté - Jésus doit déployer un
tel labeur pour rendre tel cœur plus docile, lui enlever sa dureté,
le rendre aimant… Un labeur qui continue après la résurrection,
avec les disciples d’Emmaüs et beaucoup d’autres.
Mais comment
un cœur peut-il s’endurcir ? Comment est-ce possible que ces
gens qui étaient toujours avec Jésus, tous les jours, qui
l’écoutaient, le voyaient… Et leur cœur restait endurci !
Comment un cœur peut-il devenir comme ça ?
Hier, j’ai
posé la question à mon secrétaire : Dis-moi, comment est-ce
qu’un cœur s’endurcit ? Il m’a aidé à réfléchir un
peu à cette question et un certain nombre de circonstances se sont
dégagées - auxquelles chacun peut confronter son expérience
personnelle.
Tout
d’abord, le cœur peut s’endurcir suite à une expérience
douloureuse, une expérience difficile. C’est la situation de ceux
qui ont vécu une expérience très douloureuse, et ils ne veulent
pas revivre une aventure semblable. C’est ce qui est arrivé aux
disciples d’Emmaüs après la résurrection : C’est trop !
Trop de vacarme ! Éloignons-nous un peu, parce que… - Parce
que quoi ? - Eh bien nous espérions que c’était le Messie,
et puis non. Je ne veux pas me laisser tromper une autre fois, je ne
veux pas me faire d’illusions !
Ça, c’est
le cœur endurci à la suite d’une expérience douloureuse. C’est
ce qui arrive aussi à Thomas : Là, non, non ! Je ne crois
pas ! Si je ne mets pas mon doigt dans les plaies, je ne croirai
pas ! Le cœur des disciples était devenu dur parce qu’ils
avaient souffert. Un dicton populaire argentin dit : Si
quelqu’un s’est brûlé avec du lait, quand il voit une vache il
pleure !... Une expérience douloureuse nous empêche d’ouvrir
notre cœur.
Une autre
manière de s’endurcir le cœur, c’est l’enfermement sur soi.
Créer un monde en soi-même. Ça arrive
quand l’homme est fermé sur lui-même - sur sa communauté ou sur
sa paroisse, mais toujours dans une fermeture. Et cette fermeture
peut venir de tant de choses : l’orgueil, la suffisance,
penser que je suis meilleur que les autres, la vanité… C’est
l’homme et la femme qui se promènent avec un miroir, enfermés sur
eux-mêmes pour se regarder eux-mêmes, continuellement. On pourrait
les définir comme des narcissiques religieux, non ? Ils ont le
cœur dur parce qu’ils sont fermés, ils ne sont pas ouverts. Et
ils cherchent à se défendre avec ces murs qu’ils construisent
autour d’eux.
Il y a
encore une autre chose qui pousse à s’endurcir le cœur :
l’insécurité. C’est ce qu’expérimente celui qui se dit :
Je ne me sens pas en sécurité et donc je cherche à m’agripper
pour être en sécurité. Cette attitude est typique des gens qui
sont tellement attachés à la lettre de la loi. C’est ce qui
arrivait aux pharisiens, aux saducéens, aux docteurs de la loi au
temps de Jésus. Ils objectaient : Mais la loi dit ceci !
Elle dit qu’on peut aller jusque là - et ils fabriquaient un
nouveau commandement. Ils ont fini par faire endosser 300, 400
commandements, et ils se sentaient en sécurité !
En réalité,
tous ces gens sont en sécurité, mais comme est en sécurité un
homme ou une femme dans la cellule d’une prison, derrière les
barreaux : c’est une sécurité sans liberté. Or c’est
justement la liberté que Jésus est venu nous apporter. Saint Paul
par exemple a reproché à Jacques, et aussi à Pierre, de manquer à
la liberté que Jésus nous a apportée.
Alors quelle
est la réponse à la question initiale : Comment est-ce qu’un
cœur s’endurcit ? Eh bien quand un cœur s’endurcit, il
n’est pas libre, et s’il n’est pas libre, c’est parce qu’il
n’aime pas. C’est exprimé dans la première lecture de la
liturgie de ce jour (1 Jn 4, 11-18) : « L’amour parfait
chasse la crainte ». « Il n’y a pas de crainte dans
l’amour, parce que la crainte implique un châtiment et celui qui
reste dans la crainte n’a pas atteint la perfection de l’amour » :
il n’est pas libre. Il a toujours peur qu’arrive quelque chose de
douloureux, de triste, qui fera mal tourner sa vie ou compromettra
son salut éternel. En réalité, ce ne sont que des imaginations,
simplement parce que ce cœur n’aime pas ! Le cœur des
disciples était endurci parce qu’ils n’avaient pas encore appris
à aimer…
On peut
alors poser la question : Qui nous enseignera à aimer ?
Qui nous libérera de cette dureté ? Seul l’Esprit Saint peut
le faire ! Tu peux suivre mille cours de catéchèse, mille
cours de spiritualité, mille cours de yoga, de zen et autre, tout ça
ne sera jamais capable de te donner ta liberté de fils ! Seul
l’Esprit Saint pousse ton cœur à dire « Père ! ».
Lui seul est capable de chasser, de briser cette dureté du cœur et
de rendre ce cœur… tendre ? Non, ce mot ne me plaît pas.
Mais docile, docile au Seigneur, docile à la liberté de l’amour.
Ce n’est
pas un hasard si le cœur des disciples est resté endurci jusqu’au
moment de l’Ascension, quand ils disent au Seigneur : Est-ce
maintenant que tu vas faire la révolution et établir ton règne ?...
En réalité, ils ne comprenaient rien, et c’est seulement quand
l’Esprit Saint est venu que les choses ont changé.
Demandons
donc au Seigneur la grâce d’un cœur docile : que Lui nous
sauve de l’esclavage des cœurs endurcis et nous emporte dans cette
belle liberté de l’amour parfait, la liberté des fils de Dieu que
seul l’Esprit Saint peut donner.
Homélie du
vendredi 9 janvier 2015 (1 Jn 4, 11-18 ; Mc
6, 45-52)
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