Votre
véhicule a-t-il des vitres teintées ?
Dans la
parabole de l’homme riche - un homme vêtu de pourpre et de lin
fin, et qui chaque jour faisait des banquets somptueux – on ne nous
dit pas qu’il était mauvais. Peut-être même était-ce un homme
religieux, à sa manière. Il faisait peut-être quelques prières,
et deux ou trois fois par an, il se rendait sûrement au Temple pour
y offrir les sacrifices, et il donnait de grosses offrandes aux
prêtres - et eux, avec leur pusillanimité cléricale, le
remerciaient et le faisaient asseoir à une place d’honneur… Mais
il ne s’apercevait pas qu’à sa porte, il y avait un pauvre
mendiant, Lazare, affamé, couvert de plaies, symbole de sa grande
détresse.
Quand il
sortait de sa maison - mais peut-être que le véhicule dans lequel
il sortait avait des vitres teintées pour ne pas voir dehors ?
Peut-être, je ne sais pas… En tout cas, son âme, les yeux de son
âme étaient obscurcis pour ne pas voir. Il ne regardait qu’à
l’intérieur de sa propre vie, et il ne se rendait pas compte de ce
qui était arrivé à cet homme. Lui n’était pas mauvais, non :
il était malade, malade de mondanité ! La mondanité
transforme les âmes, elle fait perdre la conscience de la réalité :
on vit dans un monde artificiel, fabriqué par nous. La mondanité
anesthésie l’âme, et c’est pourquoi cet homme mondain n’était
pas capable de voir la réalité.
Et la
réalité, c’est celle de tant de pauvres qui vivent à côté de
nous, tant de personnes qui vivent dans des conditions difficiles, de
manière difficile. Mais si j’ai un cœur mondain, jamais je ne
comprendrai ça. Avec un cœur mondain, on ne peut pas comprendre les
besoins urgents des autres. Avec un cœur mondain, on peut aller à
l’église, on peut prier, on peut faire des tas de choses. Mais
Jésus, à la dernière Cène, dans sa prière au Père, qu’a-t-il
demandé ? Sa prière est : “Père, je te le demande, ne
permets pas que les disciples se perdent dans le monde, tombent dans
la mondanité“ (cf.
Jn 17, 15-16). C’est là un
péché subtil, et plus qu’un péché : c’est un état
peccamineux de l’âme.
Dans cette
double histoire, il y a deux jugements : une malédiction pour
l’homme qui met sa confiance dans le monde, et une bénédiction
pour celui qui met sa confiance dans le Seigneur. L’homme riche
laisse son cœur s’éloigner de Dieu, et son âme est un désert,
une terre salée où rien ne peut vivre (cf.
Je 17, 5-6) - parce qu’en
vérité, les mondains sont seuls avec leur égoïsme. Cet homme a le
cœur malade, tellement attaché à cette manière mondaine de vivre
qu’il peut difficilement guérir. Et tandis que le pauvre a un
nom : Lazare, le riche n’en a pas, parce que les riches
perdent leur nom. Ils sont seulement un élément dans cette foule
des nantis qui n’a besoin de rien. Les mondains perdent leur nom…
Dans la
parabole, quand l’homme riche, une fois mort, se retrouve dans les
tourments de l’enfer, il demande à Abraham d’envoyer quelqu’un
de ceux qui sont morts pour avertir ses proches encore en vie. Mais
Abraham répond que s’ils n’écoutent pas Moïse et les
prophètes, ils ne seront pas convaincus, même si quelqu’un
ressuscite d’entre les morts. Les mondains recherchent des
manifestations extraordinaires, mais dans l’Église, tout est
clair : Jésus a parlé clairement et montré la voie.
Il y a tout
de même à la fin une parole de consolation : quand ce pauvre
mondain, au milieu de ses tourments, demande à Abraham de lui
envoyer Lazare avec un peu d’eau pour le rafraîchir, que lui
répond-il ? Abraham est la figure du Père, et comment
répond-il ? « Mon enfant, rappelle-toi… » Les
mondains ont perdu leur nom, et nous, si nous avons un cœur mondain,
nous avons perdu notre nom. Mais nous ne sommes pas orphelins :
tout à la fin, au tout dernier moment, il y a cette sécurité que
nous avons un Père qui nous regarde. Mettons notre confiance en
lui : « Mon enfant », il nous dit : « Mon
enfant ». Au milieu même de notre mondanité, il nous dit :
« Mon enfant ». Nous ne sommes pas orphelins...
Homélie du
jeudi 5 mars 2015 (Je 17, 5-10 ; Lc 16, 19-31)
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