8 mars 2015

Du Pape François 05/03/2015

Votre véhicule a-t-il des vitres teintées ?



     Dans la parabole de l’homme riche - un homme vêtu de pourpre et de lin fin, et qui chaque jour faisait des banquets somptueux – on ne nous dit pas qu’il était mauvais. Peut-être même était-ce un homme religieux, à sa manière. Il faisait peut-être quelques prières, et deux ou trois fois par an, il se rendait sûrement au Temple pour y offrir les sacrifices, et il donnait de grosses offrandes aux prêtres - et eux, avec leur pusillanimité cléricale, le remerciaient et le faisaient asseoir à une place d’honneur… Mais il ne s’apercevait pas qu’à sa porte, il y avait un pauvre mendiant, Lazare, affamé, couvert de plaies, symbole de sa grande détresse.
     Quand il sortait de sa maison - mais peut-être que le véhicule dans lequel il sortait avait des vitres teintées pour ne pas voir dehors ? Peut-être, je ne sais pas… En tout cas, son âme, les yeux de son âme étaient obscurcis pour ne pas voir. Il ne regardait qu’à l’intérieur de sa propre vie, et il ne se rendait pas compte de ce qui était arrivé à cet homme. Lui n’était pas mauvais, non : il était malade, malade de mondanité ! La mondanité transforme les âmes, elle fait perdre la conscience de la réalité : on vit dans un monde artificiel, fabriqué par nous. La mondanité anesthésie l’âme, et c’est pourquoi cet homme mondain n’était pas capable de voir la réalité.
     Et la réalité, c’est celle de tant de pauvres qui vivent à côté de nous, tant de personnes qui vivent dans des conditions difficiles, de manière difficile. Mais si j’ai un cœur mondain, jamais je ne comprendrai ça. Avec un cœur mondain, on ne peut pas comprendre les besoins urgents des autres. Avec un cœur mondain, on peut aller à l’église, on peut prier, on peut faire des tas de choses. Mais Jésus, à la dernière Cène, dans sa prière au Père, qu’a-t-il demandé ? Sa prière est : “Père, je te le demande, ne permets pas que les disciples se perdent dans le monde, tombent dans la mondanité“ (cf. Jn 17, 15-16). C’est là un péché subtil, et plus qu’un péché : c’est un état peccamineux de l’âme.
     Dans cette double histoire, il y a deux jugements : une malédiction pour l’homme qui met sa confiance dans le monde, et une bénédiction pour celui qui met sa confiance dans le Seigneur. L’homme riche laisse son cœur s’éloigner de Dieu, et son âme est un désert, une terre salée où rien ne peut vivre (cf. Je 17, 5-6) - parce qu’en vérité, les mondains sont seuls avec leur égoïsme. Cet homme a le cœur malade, tellement attaché à cette manière mondaine de vivre qu’il peut difficilement guérir. Et tandis que le pauvre a un nom : Lazare, le riche n’en a pas, parce que les riches perdent leur nom. Ils sont seulement un élément dans cette foule des nantis qui n’a besoin de rien. Les mondains perdent leur nom…
     Dans la parabole, quand l’homme riche, une fois mort, se retrouve dans les tourments de l’enfer, il demande à Abraham d’envoyer quelqu’un de ceux qui sont morts pour avertir ses proches encore en vie. Mais Abraham répond que s’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seront pas convaincus, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts. Les mondains recherchent des manifestations extraordinaires, mais dans l’Église, tout est clair : Jésus a parlé clairement et montré la voie.
     Il y a tout de même à la fin une parole de consolation : quand ce pauvre mondain, au milieu de ses tourments, demande à Abraham de lui envoyer Lazare avec un peu d’eau pour le rafraîchir, que lui répond-il ? Abraham est la figure du Père, et comment répond-il ? « Mon enfant, rappelle-toi… » Les mondains ont perdu leur nom, et nous, si nous avons un cœur mondain, nous avons perdu notre nom. Mais nous ne sommes pas orphelins : tout à la fin, au tout dernier moment, il y a cette sécurité que nous avons un Père qui nous regarde. Mettons notre confiance en lui : « Mon enfant », il nous dit : « Mon enfant ». Au milieu même de notre mondanité, il nous dit : « Mon enfant ». Nous ne sommes pas orphelins...
Homélie du jeudi 5 mars 2015 (Je 17, 5-10 ; Lc 16, 19-31)



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