Quand nous
récriminons, ça nous “défoule“, et ça empoisonne notre âme !
Dans le
passage de l’Évangile de Jean que nous venons de lire, Jésus
dit : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme… ».
Il annonce ainsi sa mort sur la Croix, en rappelant le serpent de
bronze que Moïse avait dressé pour guérir les israélites dans le
désert - c’est ce que rapporte le livre des Nombres que nous
venons de lire.
Le peuple
de Dieu, esclave en Égypte, avait été libéré. Ils avaient
vraiment vu des miracles, et quand ils avaient eu peur, au moment où
ils étaient poursuivis par Pharaon et qu’ils étaient devant la
Mer Rouge, ils ont vu le miracle que Dieu avait accompli pour eux.
Leur chemin de libération commence donc dans la joie : les
israélites étaient contents parce qu’ils étaient libérés de
l’esclavage, contents parce qu’ils avaient cette promesse d’une
terre très bonne, qui serait pour eux seuls, et parce qu’aucun
d’entre eux n’était mort pendant la première partie de leur
voyage. Et les femmes étaient contentes parce qu’elles avaient
emporté les bijoux des égyptiennes…
Mais à un
certain moment, quand le chemin s’allonge, le peuple ne supporte
plus le voyage et se fatigue. Il commence à parler contre Dieu et
contre Moïse : « Pourquoi nous avoir fait monter
d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir dans ce
désert ? » Ils commencent à récriminer contre Dieu et
contre Moïse : « Ici, il n’y a ni pain, ni eau, et nous
sommes dégoûtés de cette nourriture misérable, la manne ! »
C’est-à-dire que les israélites éprouvaient du dégoût devant
l’aide de Dieu, devant un don de Dieu - et la joie initiale de la
libération se transforme en tristesse et en murmures.
Ils
préféraient probablement être libérés par un magicien avec sa
baguette magique, plutôt que par un Dieu qui les faisait cheminer,
et qui d’une certaine manière leur faisait “gagner“ leur
salut, ou du moins le mériter un peu.
L’Écriture
nous montre un peuple mécontent, qui fait sortir son mécontentement
en récriminant. Comme ça, ils se défoulent, mais ils ne se rendent
pas compte que par ce comportement, ils empoisonnent leur âme.
Arrivent alors les serpents, parce que de même que ces serpents
avaient du venin, ce peuple avait l’âme empoisonnée.
Jésus
aussi parle de ce comportement quand il dit (cf.
Mt 11, 17 Lc 7, 32) : Mais qui
peut vous comprendre ! « Vous êtes comme ces gamins assis
sur une place : nous vous avons joué de la flûte, et vous n'avez
pas dansé ! Nous avons entonné un chant funèbre, et vous n'avez
pas pleuré ! » N’y a-t-il rien qui vous satisfasse ?... En
fait, le problème, ce n’était pas le salut, la libération, parce
que ça, tous le voulaient. Le problème, c’était le style de
Dieu : la musique de Dieu pour danser ne leur plaisait pas, les
chants funèbres de Dieu pour pleurer ne leur plaisaient pas. Alors,
que voulaient-ils ? Ils voulaient agir selon leur pensée, choisir
leur propre chemin de salut. Mais cette route ne mène nulle part !
C’est
une attitude qu’on rencontre encore aujourd’hui. Même parmi les
chrétiens, combien sont un peu empoisonnés par ce mécontentement !
Nous entendons dire : Oui, Dieu est bon, et nous sommes
chrétiens, mais… Ce sont ceux qui n’ouvrent pas jusqu’au bout
leur cœur au salut de Dieu, et qui mettent constamment des
conditions : Oui, oui, oui, je veux être sauvé, mais par tel
chemin. Et ainsi, leur cœur s’empoisonne. Ce sont des chrétiens
tièdes qui ont toujours quelque chose sur laquelle ils se
lamentent : - Pourquoi le Seigneur m’a-t-il fait ça ? –
Mais il t’a sauvé, il t’a ouvert la porte, il t’a pardonné
tes péchés ! – Oui, oui, c’est vrai, mais… De la même
manière, les israélites dans le désert disaient : Je veux de
l’eau, du pain, mais celui qui me plaît, pas cette nourriture
misérable. Je suis dégoûté ! Et nous aussi, si souvent nous
disons que nous sommes dégoûtés par le style de Dieu !…
Ne pas
accepter les dons de Dieu avec le style de Dieu, c’est un péché.
C’est un venin qui empoisonne l’âme, qui t’enlève la joie et
t’empêche d’avancer.
Et comment
le Seigneur résout-il cela ? Avec le même venin : celui
du péché. Il prend sur lui le venin, le péché, et il se laisse
“élever“. C’est comme ça qu’il guérit cette tiédeur de
l’âme, cette manière d’être chrétien à moitié, d’être
des chrétiens “oui, mais…“ La guérison vient seulement en
regardant la Croix, en regardant Dieu qui prend sur lui nos péchés.
Nos péchés sont là : sur la Croix !
Tant de
chrétiens meurent dans le désert de leur tristesse, de leurs
murmures, de leur refus d’accueillir le style de Dieu. Chaque
chrétien devrait réfléchir à ça : Dieu nous sauve et nous
montre comment il nous sauve, et moi, je ne suis pas capable de
supporter un peu un chemin qui ne me plaît pas complètement. C’est
cet égoïsme que Jésus a reproché à sa génération qui disait :
Jean Baptiste ? C’est un possédé ! Et quand arrive le
Fils de l’homme, ils disent alors : C’est un glouton et un
ivrogne ! Mais qui peut vous comprendre ?... Moi-même,
avec mes caprices spirituels devant le salut que Dieu me donne, qui
peut me comprendre ?...
Gardons-nous
des serpents, du venin qui empoisonne le corps du Christ, le venin de
tous les péchés du monde, et demandons la grâce d’accepter les
moments difficiles, d’accepter le style de Dieu pour nous sauver,
d’accepter aussi cette nourriture misérable sur laquelle les
hébreux se lamentaient : la grâce ! - c’est-à-dire
d’accepter les chemins sur lesquels le Seigneur me fait avancer.
Que la
semaine sainte nous aide à sortir de cette tentation de devenir des
chrétiens “oui, mais… »
Homélie du
mardi 24 mars 2015 (Nb 21, 4-9 ; Jn 8, 21-30)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.