La
vocation chrétienne a sa racine profonde dans l’amour,
elle
est un appel d’amour qui attire
Chers frères et sœurs, le quatrième dimanche
de Pâques nous présente l’icône du Bon Pasteur qui connaît ses
brebis, les appelle, les nourrit et les conduit. En ce dimanche,
depuis plus de 50 ans, nous vivons la Journée mondiale de prière
pour les Vocations. Elle nous rappelle chaque fois l’importance de
prier
pour que, comme a dit Jésus à ses disciples, « le
maître de la moisson envoie des ouvriers pour sa moisson
» (cf. Lc 10, 2).
… En cette 52ème Journée mondiale de prière
pour les Vocations, je voudrais donc réfléchir sur cet
“exode” particulier qu’est la
vocation, ou, mieux, notre
réponse à la vocation que Dieu
nous donne. Quand nous entendons la parole “exode”, notre pensée
va immédiatement aux débuts de la
merveilleuse histoire d’amour
entre Dieu
et le peuple de ses enfants,
une histoire qui passe à travers les jours dramatiques de
l’esclavage en Égypte, l’appel de Moïse, la libération et le
chemin vers la Terre promise. Le livre de l’Exode - le second livre
de la Bible -, qui raconte cette histoire, représente une parabole
de toute l’histoire du salut, et
aussi de la dynamique fondamentale de
la foi chrétienne. En effet, passer
de l’esclavage de l’homme ancien à la vie nouvelle dans le
Christ est l’œuvre rédemptrice qui advient en nous par la foi (Ep
4, 22-24). Ce passage est un
“exode” véritable et particulier, c’est le
chemin de l’âme chrétienne et de
l’Église entière, l’orientation
décisive de l’existence tournée vers le Père.
À la racine de chaque vocation chrétienne, il
y a ce mouvement fondamental de l’expérience de foi : croire
veut dire se laisser soi-même,
sortir du confort
et de la rigidité du moi
pour centrer notre vie en Jésus
Christ, et abandonner comme Abraham
sa propre terre en nous mettant en
chemin avec confiance, sachant que
Dieu indiquera la route vers la
nouvelle terre. Cette “sortie”
n’est pas à entendre comme un mépris de sa propre vie, de sa
propre sensibilité, de sa propre humanité. Au contraire, celui qui
se met en chemin à la suite du Christ trouve
la vie en abondance en se mettant
lui-même tout entier à la disposition de Dieu et de son Royaume.
Jésus dit : « Celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des
maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants,
ou une terre, recevra le centuple,
et il aura en héritage la vie éternelle » (Mt
19, 29). Tout cela a sa racine
profonde dans l’amour. En effet,
la vocation chrétienne est surtout un
appel d’amour qui attire
et renvoie au-delà de soi-même, décentre la personne, amorçant «
un exode permanent allant du je, enfermé sur lui-même, vers sa
libération dans le don de soi, et précisément ainsi, vers la
découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu »
(Benoît
XVI, Deus
caritas est,
n°6).
L’expérience de l’exode est un paradigme
de la vie chrétienne, en particulier de celui qui embrasse une
vocation de dévouement particulier au service de l’Évangile. Il
consiste en une attitude toujours renouvelée de conversion et de
transformation, dans le fait de rester toujours en chemin, de passer
de la mort à la vie ainsi que nous le célébrons dans toute la
liturgie : c’est le dynamisme
pascal. Au fond, depuis l’appel
d’Abraham à celui de Moïse, depuis le chemin pérégrinant
d’Israël dans le désert à la conversion prêchée par les
prophètes, jusqu’au voyage missionnaire de Jésus qui culmine dans
sa mort et sa résurrection, la vocation est toujours cette
action de Dieu qui nous fait sortir
de notre situation initiale, nous
libère de toute forme d’esclavage, nous arrache à nos habitudes
et à l’indifférence, et nous
projette vers la joie de la
communion avec Dieu
et avec les frères.
Répondre à l’appel de Dieu, donc, c’est le laisser nous faire
sortir de notre fausse stabilité,
pour nous mettre en chemin vers Jésus Christ, terme premier et
dernier de notre vie
et de notre bonheur.
Cette dynamique de l’exode ne concerne pas
seulement l’appel particulier, mais l’action missionnaire et
évangélisatrice de toute l’Église. L’Église est vraiment
fidèle à son Maître dans la mesure où elle est une Église “en
sortie”, sans être préoccupée d’elle-même, de ses structures
et de ses conquêtes, mais plutôt capable d’aller, de se mouvoir,
de rencontrer les enfants de Dieu dans leur situation réelle, et de
com-patir à leurs blessures. Dieu
sort de lui-même dans une dynamique
trinitaire d’amour, écoute
la misère de son peuple, et intervient
pour le libérer (Ex
3, 7). L’Église est aussi
appelée à cette manière d’être et d’agir : l’Église qui
évangélise sort à la rencontre de l’homme, annonce la parole
libératrice de l’Évangile, prend soin avec la grâce de Dieu des
blessures des âmes et des corps, relève les pauvres et ceux qui
sont dans le besoin.
Chers frères et sœurs, cet exode libérateur
vers le Christ et vers les frères représente aussi le chemin vers
la pleine compréhension de l’homme et pour sa croissance humaine
et sociale dans l’histoire. Écouter et accueillir l’appel du
Seigneur n’est pas une question privée et intimiste, qui peut se
confondre avec l’émotion du moment. C’est un engagement concret,
réel et total, qui embrasse notre existence et la met au service de
la construction du Royaume de Dieu sur la terre. Par conséquent, la
vocation chrétienne, enracinée
dans la contemplation du cœur du Père,
pousse en même temps à l’engagement solidaire en faveur de la
libération des frères, surtout des plus pauvres. Le disciple de
Jésus a le cœur ouvert à son horizon immense, et son intimité
avec le Seigneur n’est jamais une fuite de la vie et du monde mais,
au contraire, « se présente essentiellement comme communion
missionnaire » (
Evangelii gaudium, n° 23).
Cette dynamique d’exode, vers
Dieu et vers
l’homme, remplit la vie de joie et
de sens. Je voudrais le dire surtout aux plus jeunes qui, en raison
de leur âge et de la vision de l’avenir qui s’ouvre devant leurs
yeux, savent être disponibles et généreux. Parfois, les inconnues
et les préoccupations pour l’avenir et l’incertitude qui entache
le quotidien risquent de paralyser leurs élans, de freiner leurs
rêves au point de penser qu’il ne vaut pas la peine de s’engager
et que le Dieu de la foi chrétienne limite leur liberté. Au
contraire, chers jeunes, n’ayez pas peur de sortir de vous-même et
de vous mettre en chemin ! L’Évangile
est la Parole
qui libère,
transforme
et rend plus belle
notre vie. Comme il est beau de se laisser surprendre par l’appel
de Dieu, d’accueillir sa Parole, de mettre les pas de votre
existence dans les pas de Jésus, dans l’adoration du mystère
divin et du dévouement généreux aux autres! Votre vie deviendra
chaque jour plus riche et plus joyeuse !
La Vierge Marie, modèle de toute vocation, n’a
pas craint de prononcer son “fiat” à l’appel du Seigneur.
Qu’elle vous accompagne et qu’elle vous guide. Avec le courage
généreux de la foi, Marie a chanté
la joie de sortir d’elle-même et de confier à Dieu ses projets de
vie. Nous nous adressons à elle pour être pleinement disponibles au
dessein que Dieu a sur chacun de nous, pour que grandisse en nous le
désir de sortir et d’aller, avec sollicitude, vers les autres (cf.
Lc 1, 39).
Que la Vierge Mère nous protège et qu’elle
intercède pour nous tous!
Du
Vatican, le 29 mars 2015, Dimanche des Rameaux
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