Se
laisser enseigner par la famille
Un regard attentif sur la vie quotidienne des
hommes et des femmes d’aujourd’hui montre immédiatement le
besoin,
qu’on retrouve partout, d’une
forte injection d’esprit familial.
En effet, le style des relations -
civiles, économiques, juridiques, professionnelles, de citoyenneté
- apparaît très rationnel, formel, organisé, mais aussi très
“déshydraté“, aride, anonyme. Il devient parfois insupportable.
Tout en voulant être inclusif dans les formes, dans la réalité il
abandonne à la solitude
et au rebut
un nombre toujours plus grand de personnes.
Voilà pourquoi la
famille ouvre, pour la société
entière, une perspective bien plus humaine : elle ouvre les
yeux des enfants sur la vie - et pas
seulement le regard, mais aussi tous
les autres sens -, offrant une
vision de la relation humaine édifiée sur la
libre alliance d’amour. La famille
ouvre au besoin de liens de fidélité,
de sincérité,
de confiance,
de coopération
et de respect.
Elle encourage à préparer un monde habitable et à croire
dans les rapports de confiance, y
compris dans des conditions difficiles. Elle enseigne à honorer
la parole donnée, le respect
des personnes individuelles,
l’articulation des limites
personnelles avec celles des autres. Et nous sommes tous conscients
du caractère irremplaçable de l’attention
familiale à l’égard des membres plus petits,
plus vulnérables,
plus blessés
- et jusqu’à ceux qui ont mené les vies les plus désordonnées.
Dans la société, ceux qui adoptent ces attitudes les ont assimilées
à partir d’un esprit de famille - et certainement pas un désir de
compétition et de réalisation personnelle.
Eh bien, bien qu’on sache tout cela, on ne
donne pas à la famille le poids qui lui est dû - ainsi que la
reconnaissance et le soutien - dans l’organisation politique et
économique de la société contemporaine. Je dirais même plus :
la famille non seulement ne reçoit pas une juste reconnaissance,
mais on ne se laisse pas enseigner par elle !
Parfois, on aurait envie de dire qu’avec
toute sa science et sa technique, la société moderne n’est pas
encore en mesure de traduire ces connaissances en de meilleures
formes de coexistence civile. Non seulement l’organisation
de la vie commune s’enferre de
plus en plus dans une bureaucratie
totalement étrangère aux liens humains fondamentaux,
mais les mœurs sociales et
politiques donnent souvent des
signes de dégradation - agressivité, vulgarité, mépris - qui sont
bien en dessous du seuil d’une éducation familiale même minimale.
Dans ce contexte, les extrêmes opposés de cet avilissement
des relations - à savoir
l’inintelligence technocratique,
et le “famillisme“ amoral
- se conjuguent et s’alimentent mutuellement. C’est là un
paradoxe.
L’Église
discerne aujourd’hui, sur ce point précis, le sens historique de
sa mission à l’égard de la
famille et d’un
authentique esprit de famille, en
commençant par une révision attentive de vie qui la concerne
elle-même. On pourrait dire que l’esprit
familial est la charte
constitutionnelle de l’Église :
c’est ainsi que doit apparaître le christianisme, et c’est ainsi
qu’il doit être. C’est écrit clairement : « Vous qui
autrefois étiez loin, dit saint Paul, […] vous n’êtes
plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes concitoyens
des saints, vous êtes membres de la
famille de Dieu » (Ep
2,19). L’Église
est et doit être la famille de Dieu.
Quand Jésus appela Pierre à le suivre, il lui
dit qu’il allait faire de lui un « pêcheur d’hommes » :
pour cela, il faut un nouveau type de
filets. Nous pourrions dire
qu’aujourd’hui les familles
sont un des filets les plus
importants pour la mission de Pierre
et de l’Église,
et celui-là, ce n’est pas un filet qui emprisonne ! Au
contraire, il libère des eaux mauvaises de l’abandon et de
l’indifférence, qui noient beaucoup d’êtres humains dans la mer
de la solitude et de l’indifférence. Les
familles savent bien ce qu’est la
dignité de se sentir fils et filles,
et non esclaves ou étrangers, ou seulement un numéro de carte
d’identité.
C’est à partir de là, de la famille, que
Jésus commence son passage parmi les êtres humains pour les
persuader que Dieu ne les a pas oubliés. C’est à partir de là
que Pierre trouve la force pour son ministère. À partir de là que
l’Église, obéissant à la parole de son Maître, sort pêcher au
large, certaine que si la pêche a lieu, elle sera miraculeuse.
Puisse l’enthousiasme des pères synodaux,
animés par l’Esprit Saint, susciter l’élan
d’une Église qui abandonne ses vieux filets
et se remet à pêcher,
confiante dans la parole de son Seigneur. Prions intensément pour
cela ! Le Christ, d’ailleurs, a promis et nous redonne du
courage : si même de mauvais pères ne refusent pas le pain à
leurs enfants affamés, comment imaginer que Dieu ne donnera pas
l’Esprit à ceux qui, bien qu’imparfaits, le demandent avec une
insistance passionnée (cf.
Lc 11,9-13) !
Catéchèse
du mercredi 7 octobre 2015
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