Donne-nous
Seigneur un regard guéri et sauvé, qui sait répandre de la lumière
Dans la guérison de Bartimée, que nous
rapporte l’Évangile, un détail est intéressant : Jésus
demande à ses disciples d’aller appeler Bartimée, et ils
s’adressent à l’aveugle en utilisant deux expressions, que seul
Jésus utilise dans le reste de l’Évangile.
D’abord, ils disent : « Courage
! », avec un mot qui signifie littéralement “Aie confiance,
arme-toi de courage !“ Seule en effet la rencontre avec Jésus
donne à l’homme la force pour affronter les situations les plus
graves. La seconde expression est « Lève-toi ! » -
comme Jésus avait dit à beaucoup de malades, les prenant par la
main et les guérissant. Les siens ne font rien d’autre que de
répéter les paroles encourageantes et libératrices de Jésus,
conduisant directement à lui, sans sermons.
Les disciples de Jésus sont appelés à cela,
aujourd’hui aussi, et spécialement aujourd’hui : placer
l’homme au contact de la miséricorde compatissante qui sauve.
Quand le cri de l’humanité devient, comme en Bartimée, encore
plus fort, il n’y a pas d’autre réponse que de faire nôtres les
paroles de Jésus, et surtout d’imiter son cœur. Les situations de
misère et de conflit sont pour Dieu des occasions de miséricorde :
aujourd’hui est un temps de miséricorde !
Mais il y a certaines tentations pour celui qui
suit Jésus, et l’Évangile en met au moins deux en évidence.
Aucun des disciples ne s’arrête comme le fait Jésus : ils
continuent à marcher, ils avancent comme si de rien n’était. Si
Bartimée est aveugle, eux sont sourds : son problème n’est
pas leur problème ! C’est quelque chose qui nous guette :
devant les problèmes continuels, il vaut mieux avancer, sans nous
laisser déranger ! De cette façon, comme ces disciples, nous
sommes avec Jésus, mais nous ne pensons pas comme Jésus. On est
dans son groupe, mais on perd l’ouverture du cœur, on perd
l’émerveillement, la gratitude et l’enthousiasme, et on risque
de devenir “des routiniers de la grâce”. Nous pouvons parler de
lui et travailler pour lui, mais en vivant loin de son cœur qui se
penche vers celui qui est blessé.
Là est la tentation : une “spiritualité
du mirage ”. Nous pouvons marcher à travers les déserts de
l’humanité, sans voir ce qui se passe réellement, mais ce que
nous voudrions voir nous. Nous sommes capables de construire des
visions du monde, mais nous n’acceptons pas ce que le Seigneur nous
met sous les yeux. Une foi qui ne sait pas s’enraciner dans la vie
des gens demeure aride, et au lieu d’oasis, elle crée d’autres
déserts.
Il y a une seconde tentation, celle de tomber
dans une “foi programmée” : nous voulons bien marcher avec
le peuple de Dieu, mais nous avons déjà notre plan de marche, où
tout rentre. Nous savons où aller et combien de temps y mettre, tous
doivent respecter nos rythmes, et chaque inconvénient nous dérange.
Nous risquons de devenir comme beaucoup de ces gens dont parle
l’Évangile, qui perdent patience et rabrouent Bartimée. Peu
avant, ils avaient rabroué les enfants (cf.
10, 13). Maintenant, c’est le
mendiant aveugle : celui qui gêne, ou qui n’est pas à la
hauteur, est à exclure ! Jésus au contraire veut inclure,
d’abord, celui qui est tenu en marge, et qui crie vers lui comme
Bartimée : ceux-là ont la foi, parce que savoir qu’on a
besoin de salut est la meilleure façon de rencontrer le Christ.
Et
à la fin Bartimée se met à suivre Jésus le long du chemin (cf.
v. 52) : non seulement il
retrouve la vue, mais il s’unit à la communauté de ceux qui
marchent avec Jésus.
Chers
frères synodaux, nous avons marché ensemble. Je vous remercie pour
la route que nous avons partagée, le regard fixé sur le Seigneur et
sur nos frères, à la recherche des sentiers que l’Évangile
indique à notre temps pour annoncer le mystère d’amour de la
famille. Poursuivons le chemin que le Seigneur désire. Demandons-lui
un regard guéri et sauvé, qui sait répandre de la lumière parce
qu’il rappelle la splendeur qui l’a illuminé. Sans nous laisser
jamais offusquer par le pessimisme et par le péché, cherchons et
voyons la gloire de Dieu qui resplendit dans l’homme vivant.
Homélie
de clôture du synode sur la famille, 25 octobre 2015 (Mc 10, 46-52)
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