17 février 2018

Du Pape François

Arrête-toi, regarde et reviens !




Le temps du Carême est un temps favorable pour corriger les accords dissonants de notre vie chrétienne, et accueillir l’annonce de la Pâque du Seigneur toujours nouvelle, joyeuse et pleine d’espérance. L’Église dans sa sagesse maternelle nous propose de prêter une attention particulière à tout ce qui peut refroidir et rouiller notre cœur de croyant.
Les tentations auxquelles nous sommes exposés sont nombreuses. Chacun d’entre nous connaît les difficultés qu’il doit affronter. Et il est triste de constater comment, face aux vicissitudes quotidiennes, profitant de la souffrance et de l’insécurité, se lèvent des voix qui ne savent que semer la méfiance. Si le fruit de la foi est la charité, comme aimait le répéter Mère Térésa de Calcutta, le fruit de la méfiance est l’apathie et la résignation - méfiance, apathie et résignation, ces démons qui cautérisent et paralysent l’âme du peuple croyant.
Le Carême est un temps précieux pour débusquer ces dernières, ainsi que d’autres tentations, et laisser notre cœur recommencer à battre au rythme du cœur de Jésus. Trois expressions peuvent nous aider à “réchauffer le cœur du croyant“ : Arrête-toi, regarde et reviens.
Arrête-toi un peu, laisse cette agitation et cette course insensée qui remplit le cœur de l’amertume de sentir que l’on n’arrive jamais à rien. Arrête-toi, laisse cette injonction à vivre en accéléré qui disperse, divise, et finit par détruire le temps de la famille, le temps de l’amitié, le temps des enfants, le temps des grands-parents, le temps de la gratuité, le temps de Dieu…
Arrête-toi un peu et ne cède plus à la nécessité d’apparaître et d’être vu par tous, d’être continuellement à “l’affiche ” - ce qui fait oublier la valeur de l’intimité et du recueillement.
Arrête-toi un peu et ne cède pas au regard hautain, au commentaire fugace et méprisant qui naît de l’oubli de la tendresse, de la compassion, et du respect dans la rencontre des autres, en particulier de ceux qui sont vulnérables, blessés et même de ceux qui sont empêtrés dans le péché et l’erreur.
Arrête-toi un peu et ne cède pas à l’obsession de vouloir tout contrôler, tout savoir, tout dévaster, qui naît de l’oubli de la gratitude face au don de la vie et à tant de biens reçus.
Arrête-toi un peu et ne te laisse pas envahir par le bruit assourdissant qui atrophie et étourdit nos oreilles, et qui nous fait oublier le pouvoir fécond et créateur du silence.
Arrête-toi un peu et ne cède pas à cette attitude favorisant les sentiments stériles qui surgissent de l’enfermement et de l’apitoiement sur soi-même, et qui font oublier d’aller à rencontre des autres pour partager les fardeaux et les souffrances.
Arrête-toi et ne cède pas à la vacuité de ce qui est immédiat, momentané et éphémère, et qui nous prive de nos racines, de nos liens, de la valeur des parcours et du fait de nous savoir toujours en chemin.
Arrête-toi, pour regarder et contempler !
Regarde les signes qui empêchent d’éteindre la charité, qui maintiennent vive la flamme de la foi et de l’espérance, tous ces visages vivants de la tendresse et de la bonté de Dieu, qui agit au milieu de nous.
Regarde le visage de nos familles qui continuent à miser, jour après jour, pour aller de l’avant dans la vie et qui, entre les contraintes et les difficultés, ne cessent pas de tout tenter pour faire de leur maison une école de l’amour.
Regarde les visages interpellant de nos enfants et des jeunes, porteurs d’avenir et d’espérance, porteurs d’un potentiel qui exige dévouement et protection. Ils sont germes vivants de l’amour et de la vie, qui se fraient toujours un passage au milieu de nos calculs mesquins et égoïstes.
Regarde les visages de nos anciens, marqués par le passage du temps : visages porteurs de la mémoire vivante de nos peuples, visages de la sagesse agissante de Dieu.
Regarde les visages de nos malades et de tous ceux qui s’en occupent - visages qui, dans leur vulnérabilité et dans leur service, nous rappellent que la valeur de chaque personne ne peut jamais être réduite à une question de calcul ou d’utilité.
Regarde les visages contrits de tous ceux qui cherchent à corriger leurs erreurs et leurs fautes et qui, dans leurs misères et leurs maux, luttent pour transformer les situations et aller de l’avant.
Regarde et contemple le visage de l’Amour Crucifié qui aujourd’hui, sur la Croix, continue d’être porteur d’espérance, main tendue à ceux qui se sentent crucifiés, qui font l’expérience dans leur vie du poids de leurs échecs, de leurs désenchantements, de leurs déceptions.
Regarde et contemple le visage concret du Christ crucifié, par amour de tous sans exclusion. De tous ? Oui, de tous. Regarder son visage est l’invitation pleine d’espérance de ce temps de Carême pour vaincre les démons de la méfiance, de l’apathie et de la résignation.
Arrête-toi, regarde et reviens. Reviens à la Maison de ton Père, reviens sans peur vers les bras ouverts et impatients de ton Père, riche en miséricorde, et qui t’attend (cf. Ep. 2,4).
Reviens ! Reviens sans peur : c’est le temps favorable pour revenir à la maison, à la maison de « mon Père et de votre Père » (cf. Jn. 20,17), c’est le temps pour se laisser toucher le cœur. Rester sur le chemin du mal n’est que source d’illusion et de tristesse. La vraie vie est quelque chose de bien différent - et notre cœur le sait bien. Dieu ne se lasse pas et ne se lassera pas de tendre la main.
Reviens, sans peur, pour faire l’expérience de la tendresse de Dieu qui guérit et réconcilie.
Laisse le Seigneur guérir les blessures du péché et accomplir la prophétie faite à nos pères : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair » (Ez. 36,26).
Arrête-toi, regarde et reviens !

Homélie du mercredi des Cendres, 14 février 2018


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.